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Zimbabwe : de héros de la libération à dictateur honni, la chute de Robert Mugabe

Écrit par sur novembre 21, 2017

Robert Mugabe dirigeait le Zimbabwe depuis son indépendance en 1980. Longtemps considéré comme un «libérateur», le dictateur africain âgé aujourd'hui de 93 ans a rapidement plongé son pays dans la ruine et l'autoritarisme.

Le «vieux lion» de 93 ans qui se rêvait en seul dirigeant centenaire de la planète a tenté de jouer la montre, mais n'a pas pu éviter la fin d'un règne qui durait depuis 37 ans. Face à la pression populaire, Robert Mugabe a démissionné ce mardi de ses fonctions de président du Zimbabwe. Depuis son coup de force du 15 novembre dernier, l'armée a écarté du pouvoir le plus vieux dirigeant de la planète et la première dame, Grace Mugabe, qui rêvait de lui succéder. Même son parti, la Zanu-PF l'a déchu dès dimanche de sa présidence.C'est en 1980, après quinze années de guerre civile et la signature des accords de Lancaster l'année précédente, que la Rhodésie du Sud prend son indépendance et le nom de Zimbabwe, avec l'aval des Britanniques. Né en 1924, membre de l'ethnie largement majoritaire des Shonas, Robert Mugabe devient, à 56 ans, le premier ministre de ce nouveau pays. Marxiste, formé à l'université de Fort-Hare, en Afrique du Sud, réservée à la population noire, il a derrière lui des années de lutte anticoloniale contre le gouvernement de Rhodésie du Sud et son premier ministre, Ian Smith. Il a fondé, en 1963, l'Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu) majoritairement composée de Shonas, et passe dix ans en prison entre 1964 et 1974. À sa libération, il prend la tête de la guérilla contre le gouvernement rhodésien depuis le Mozambique voisin.

Comme premier ministre du Zimbabwe, il bénéficie de son aura de «héros de la libération». Un statut qui va le suivre de longues années, lui apportant le soutien de nombreux dirigeants africains. Il tente au départ de construire une politique nationale de réconciliation entre les deux ethnies du pays, celle majoritaire des Shonas, dont il fait partie, et celle minoritaire des Ndébélés, appuyés sur le parti de l'Union du peuple africain du Zimbabwe (Zapu), rival du sien. Il distribue à cet effet des porte-feuilles ministériels à toutes les communautés, y compris à des «Rhodésiens blancs». Mais dès 1983, sa politique prend une tournure plus violente. L'armée réprime dans le sang la révolte de Ndébélés dans la province de Matabeleland.

● 1987: devenu président, Robert Mugabe tenté par l'instauration d'un parti unique

En 1987, Robert Mugabe récolte les fruits d'une politique de plus en plus autoritaire. Après un accord de paix mettant fin à la guerre civile entre Shonas et Ndébélés, il obtient la fusion de la Zapu dans la Zanu, qui devient à cette occasion la Zanu-PF. Une organisation politique qui devient, dans les faits, un parti unique, même si Robert Mugabe ne parvient pas à l'inscrire dans le droit alors que les régimes communistes s'effondrent après la chute du mur de Berlin en 1989. Le dirigeant zimbabwéen parvient en revanche à faire réviser la Constitution et devient président de la République, avec des pouvoirs élargis, en supprimant le poste de premier ministre. Renforçant progressivement son autoritarisme, il est reconduit dans ses fonctions en 1996, en 2002, en 2008 et en 2013.

● 2000: le grand échec de la politique agraire de Mugabe et la «ruine du grenier à blé de l'Afrique»

Au début de son règne, se refusant à toute expropriation forcée, il avait rassuré les fermiers blancs qui possédaient alors une très large majorité des terres agricoles et encore près d'un tiers de celles-ci à la fin des années 1990. La réforme agraire qu'il mène à partir de 2000, fondée sur des expropriations sans compensation, est un fiasco qui mène le «grenier à blé de l'Afrique» à la ruine. Les terres sont redistribuées à des proches du régime, spoliant les propriétaires blancs (plusieurs dizaines sont assassinées), mais aussi des milliers d'ouvriers agricoles noirs, qui se trouvent totalement démunis. Le pays, exportateur de grains dans les années 1980, est alors frappé par des vagues de famine.

Une inflation sans précédent touche le Zimbabwe dès 2000. Elle atteint 231 millions de % en 2008. Un billet de cent mille milliards de dollars du Zimbabwe valant trente dollars américains est ainsi mis en circulation en janvier 2009. Une situation qui force le gouvernement zimbabwéen à abandonner sa propre monnaie au profit du Rand sud-africain et du dollar américain dès avril 2009. Le chômage concerne alors près de 90% de la population.