Le vote des députés brésiliens sur la destitution de Dilma Rousseff annulé
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 9, 2016
Le président intérimaire de la chambre basse du parlement brésilien a annoncé cette décision à la surprise générale. La confusion règne désormais sur la suite de la procédureRetour à la case départ? Alors que le Brésil s'attendait à vivre cette semaine l'éviction – du moins temporaire – de sa présidente Dilma Rousseff, à la surprise générale, le nouveau président par intérim du Congrès des députés brésilien a annoncé lundi qu'il faisait annuler le vote du 17 avril dernier. Ce jour-là, 367 députés avaient approuvé à une écrasante majorité la procédure de destitution de la présidente pour maquillage des comptes publics. Mais le président intérimaire de la chambre basse, Waldir Maranhao, a relevé des irrégularités dans le vote du 17 avril qui constitue selon lui un «préjugement» de la présidente de gauche et porte «atteinte au droit à une pleine défense de la présidente». «Pour cette raison, j'ai annulé la session (plénière du Congrès des députés) des 14, 16, 17 avril pour que soit convoquée une nouvelle session pour délibérer sur la question», a indiqué Waldir Maranahao dans un texte distribué aux journalistes et cité par l'AFP.
La présidente du Brésil a pour sa part déclaré qu'un appel avait été accepté et que la procédure de destitution était suspendue. Elle a ajouté que les conséquences de cette décision demeuraient toutefois incertaines. Aujourd'hui donc, la confusion règne. Car la destitution de Rousseff semblait acquise: les sénateurs devaient en effet s'exprimer sur cette procédure ce mercredi et il suffisait d'une majorité simple pour acter l'ouverture d'un procès. Or une cinquantaine de sénateurs sur 81 avaient déjà annoncé leur intention de voter dans ce sens. On s'attendait donc à ce que Dilma Rousseff soit écarté dès jeudi du pouvoir pendant un délai maximum de six mois, avant un jugement final.
Ce lundi, le vote des sénateurs paraissait donc compromis… Mais il n'était pas établi si la décision de Maranhao pouvait être, à son tour, invalidée par la Cour suprême, le Sénat ou la majorité de la chambre des députés.
«pédalage budgétaire»
Waldir Maranhao, vice-président de la chambre des députés, a annoncé cette décision quelques jours à peine après avoir pris ses fonctions de président de la chambre basse par intérim. Il remplace à ce poste Eduardo Cunha, suspendu jeudi dernier par la justice brésilienne pour entrave aux enquêtes pour corruption le visant dans le vaste scandale Petrobras, du nom de la compagnie pétrolière brésilienne. Or c'est ce même Eduardo Cunha qui a tiré les ficelles de la procédure de destitution de Dilma Rousseff. Waldir Maranhao, lui, avait voté contre, le 17 avril dernier.
La procédure lancée à l'encontre de Dilma Rousseff s'appuie sur des soupçons de «pédalage budgétaire». L'opposition accuse la présidente d'avoir maquillé les comptes publics en 2014 pour dissimuler aux Brésiliens l'ampleur des déficits publics et se faire réélire, en octobre de la même année. Elle aurait usé du même procédé début 2015. Des banques publiques auraient ainsi pris en charge provisoirement une partie des dépenses du gouvernement (estimée à quelque 10 milliards d'euros) avant d'être remboursées. Un «crime de responsabilité», clame l'opposition. «On veut me destituer pour des questions techniques de comptabilité publique», se défend Dilma Rousseff depuis le début, ajoutant que ses prédécesseurs ont usé des mêmes stratagèmes sans jamais être inquiétés. Pour elle, cette procédure de destitution «est un coup d'État» qui «ne repose sur aucune des bases légales».