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La vaccination contre la grippe des personnes âgées n’est pas sans défaut

Écrit par sur janvier 9, 2017

La mort de treize retraités dans une résidence de Lyon pose la question de l'efficacité des politiques de prévention. L'épidémie, «intense» cette année, «n'a pas encore atteint son pic», estimait lundi la ministre de la Santé Marisol Touraine.Des chiffres impressionnants. Treize morts dans une maison de retraite, a annoncé ce week-end le ministère de la Santé. La grippe est bien là, et elle tue. La micro-épidémie qui a sévi dans un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Lyon, se révèle impressionnante, bien sûr par son ampleur, mais aussi parce qu’elle pointe des interrogations autour des pratiques de vaccination et au passage, de l’absence de données fiables.

Y a-t-il eu négligences ?

Nous sommes donc dans un Ehpad du groupe Korian. C’est le premier opérateur français d’Ehpad, avec souvent des établissements assez chers. Dans celui-ci, il y a 110 personnes âgées, et ce sont comme partout des résidents plutôt très âgés et très dépendants. Ce sont également des lieux médicalisés par la présence d’infirmières et d’aides soignantes, mais cette médicalisation est à minima : chaque résident a son propre médecin traitant, l’établissement ayant un médecin coordonnateur qui fixe les grandes lignes de prises en charges du lieu.

Entre le 23 décembre et le 7 janvier, 72 résidents de l’établissement ont donc contracté la grippe. Sur ce total, 13 personnes, d’une moyenne d’âge de 91,5 ans, sont mortes. Six d’entre elles avaient été vaccinées. Selon Emilie Arabian, médecin coordonnateur : «46% des résidents ont été vaccinés contre la grippe. La vaccination a été interrompue quand l’épidémie est survenue dans l’établissement». Et elle a précisé : «Pour pouvoir être vacciné, il ne faut pas présenter de syndromes infectieux et accepter la vaccination, ce qui n’est pas le cas de tous les résidents.»Premier bémol, le ministère de la Santé avait indiqué que le taux de vaccination au sein de l’établissement atteignait 38%, contre une moyenne nationale de 80%. Pour le Dr Arabian, «ce niveau de 80% n’est atteint qu’à la fin de la période vaccinale, qui va jusqu’à la fin janvier. De fait, chez nous, a raconté ce médecin, l’épidémie s’est développée de façon précoce à partir du 21 décembre, elle a décru au moment de Noël puis une nouvelle flambée nous a poussés le 27 décembre à instaurer une mesure d’isolement».

A l’entendre, toutes les personnes grippées ont été, comme il se doit, confinées dans leurs chambres. «Aucun regroupement de résidents n’a été autorisé, y compris pour les repas pris dans les chambres», a même précisé le médecin. «Les visites des familles, prévenues par téléphone dès le début de l’épidémie et régulièrement informées, ont également été restreintes.» Le personnel aurait bien observé le protocole de port de masque et de lavage des mains avec une solution hydroalcoolique. A ce jour, «43 personnes considérées comme malades demeurent en isolement», a indiqué le médecin. 

A priori, donc, voilà un établissement qui n’a pas eu de chance; il a pris de plein fouet une grippe précoce, et il semble avoir réagi selon les règles. «Des épidémies de grippe dans un Ehpad, c’est fréquent, mais autant de cas et autant de décès cela l’est beaucoup moins», a réagi le professeur Bruno Lina, spécialiste de la grippe. Mais alors que s’est-il passé ? Et d’abord, pourquoi aussi peu de résidents étaient vaccinés ? La direction répond que les premiers cas ont été précoces, mais le vaccin est néanmoins disponible depuis le 7 octobre : il s’est donc passé plus de deux mois et demi avant les premiers cas, il y avait le temps.

Second point, quid du personnel soignant ? Si la vaccination est fortement recommandée, elle n’est pas obligatoire. «Bien souvent le virus arrive via le personnel soignant, c’est pour cela qu’il est essentiel que le personnel soit massivement vacciné», argumente le professeur Lina. Était-ce le cas à Lyon ? De fait, en France, il y a un vrai problème autour de la vaccination contre la grippe du personnel soignant, ce dernier se faisant peu vacciner. C’est souvent moins de 30%, ce qui est un vrai problème de santé publique. Dans certains pays, durant la phase de grippe, le personnel doit être soit vacciné, soit porter systématiquement un masque.

La vaccination chez les personnes âgées est-elle efficace ?

Les campagnes grand public sont sans nuance et un seul message est martelé : se faire vacciner, et en particulier les personnes âgées et les personnes vulnérables. Sage précaution, mais on oublie d’ajouter que le vaccin contre la grippe est d’une efficacité limitée. «Autour de 65%», lâche le professeur Lina. Et cette efficacité varie avec l’âge. Elle est de l’ordre de 80% chez les jeunes, mais de moins de 45% pour les personnes de plus de 70 ans. «D’où l’importance de mesures annexes de protection dans les maisons de retraite, avec des masques, mais aussi la vaccination du personnel», note le professeur Lina.

De fait, sur ce sujet de la vaccination des personnes âgées, on découvre que les certitudes ne sont pas nombreuses. En 2014, le Haut Conseil de la santé publique a ainsi rendu un avis déroutant sur la vaccination des personnes âgées, notant : «Les données scientifiques disponibles à ce jour relatives à l’efficacité de la vaccination antigrippale saisonnière chez les personnes âgées de 65 ans et plus ne permettent pas de conclusion.» La raison ? Les études ne sont pas satisfaisantes et souffrent de nombreux biais.

Pour autant, ajoute le Haut Conseil, «l’impact de santé publique de la vaccination est important, avec environ 2.000 décès évités actuellement chaque hiver chez les personnes âgées de 65 ans et plus. Une meilleure couverture vaccinale permettrait d’augmenter cet impact épidémiologique». Mais, conclut le Haut Conseil, «la politique de vaccination contre la grippe des personnes âgées a été mise en place sans qu’il existe d’éléments scientifiques robustes démontrant l’efficacité des vaccins grippaux dans ce groupe de population». Pour le moins étonnant…

Le virus, quel virus ?

Le cru viral 2016-2017 s’annonce délicat, car cette année c’est le retour d’un virus de type A(H3N2) qui est proche de celui qui avait contribué, il y a deux ans, à une surmortalité de 18.000 personnes. 

Le H3N2 est méchant, en tout cas il est considéré comme dangereux pour les sujets fragiles. «Dès qu’il a été identifié, nous avons su que l’impact serait fort» sur les personnes âgées, explique l’épidémiologiste Daniel Levy Bruhl . «Le H3N2 ne va généralement pas attaquer directement les poumons comme le ferait le H1N1, il va plutôt générer des complications chez les personnes affaiblies. Cela peut passer par une surinfection bactérienne, ou précipiter l’évolution de pathologies comme les insuffisances cardiaques, respiratoires ou même le diabète. Ainsi, depuis le début de l’épidémie en décembre, si le nombre de cas n’est pas exceptionnel, la proportion de malades hospitalisés plus grande.»

Dernier point, depuis vendredi et le dernier bulletin épidémiologique, l’épidémie de grippe est désormais installée sur l’ensemble du territoire métropolitain. Bref, il n’y a plus de plus de refuge, à vos mouchoirs et à vos vaccins – mais il faut deux semaines avant que le vaccin ne soit efficace.