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Simone Veil, la mère courage de notre génération », par Robert Badinter

Écrit par sur juin 30, 2017

Qu’est-ce qui fait la grandeur de Simone Veil ?

Certains évoqueront ses fonctions éminentes, deux fois ministre, députée européenne et Présidente du Parlement européen, membre du Conseil constitutionnel.

Quelques-uns salueront l’éclat de ses titres, décernés sans jamais avoir été sollicités, Grand-Croix de la Légion d’honneur et bien d’autres ordres étrangers qui témoignent du crédit international dont elle jouit.

D’autres souligneront l’étendue de sa culture et sa passion pour les arts. Ils rappelleront que Simone Veil est aussi une écrivaine, dont le livre Une Vie a connu un éclatant succès et lui a ouvert les portes de l’Académie française.

Beaucoup enfin s’attacheront a la noblesse des causes qu’elle a toujours soutenues : les droits humains, et d’abord les droits des femmes, les progrès de l’Union européenne et l’affermissement de l’État de droit.Sa vie exemplaire, son amour des siens, sa fidélité sans faille aux valeurs de la République, son attachement à la cause des femmes, ont fait de Simone Veil un modèle de ce que doit être une personnalité politique de premier rang.

Cependant, la vie de Simone Veil, à bien des égards comblée, est marquée d’épreuves cruelles et de deuils. Au cœur de la vie de Simone, comme un foyer de braises jamais éteintes et toujours prêt a s’enflammer, il y a son expérience de la déportation, du chemin de souffrances qu’ont suivi des millions de juifs venus de tous les points cardinaux de l’Europe occupée par les nazis, et qui conduisait à Auschwitz-Birkenau et a la mort programmée.

Bien des récits, bien des œuvres littéraires ou cinématographiques ont évoqué cet ultime voyage dans les wagons a bestiaux ou les déportés ne pouvaient même pas s’allonger. Nombreux étaient les vieillards ou malades qui mouraient dans ce transport. Quelques très rares survivants au regard perdu d’angoisse rétrospective l’ont raconté : l’arrivée sur le quai de Birkenau ou les attendaient chiens loups et SS, cravache en main, la sélection par le médecin nazi et la fumée épaisse et noire des crématoires.

Simone a vécu à seize ans cet enfer-la. Elle a connu la marche de la mort lorsque les SS ont vidé Auschwitz de ses survivants pour les acheminer dans le froid glacial de l’hiver jusqu’ aux camps de concentration en Allemagne. Là, à Bergen-Belsen, sa mère malade devait succomber dans ses bras avant leur libération par les Alliés. Sa soeur, résistante, déportée a Ravensbrück, a pu survivre, mais son père et son frère, arrêtés avec elle, disparurent en Lituanie.

Telle a été l’adolescence de Simone Veil. Nous savons que les souffrances vécues là par les déportés sont incommunicables à ceux qui ne les ont pas connues. Mais Simone Veil a trouvé en elle la force vitale et le caractère qui lui ont fait répondre aux pires épreuves par un hymne a la vie.

Telle est la victoire morale de Simone Veil sur les nazis. Elle a refusé la tentation de la désespérance dans l’être humain et choisi de toutes ses forces la vie. Et celle-ci a justement comblé l’adolescente d’Auschwitz, auprès de son mari Antoine, de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

À mesurer l’immensité des épreuves qu’elle a connues et surmontées, on comprend pourquoi tant de respect, d’admiration et d’affection entourent Simone Veil, la « mère courage » de notre génération.

Elle a, par son exemple, montré qu’une vie ne prend sens que si elle transcende notre égoisme par la grandeur morale des causes que l’on sert. À présent que s’effacent les survivants de notre génération, je salue Simone Veil, Juste entre les Justes.