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Séries TV: Des scénaristes livrent à Londres les secrets de la “writer’s room”

Écrit par sur février 7, 2016

Smita Bhide a écrit "Hunted" de Frank Spotnitz. Camille de Castelnau travaille au "Bureau des Légendes" d'Eric Rochant.

Elles livrent les secrets de la fameuse "writer's room", salle d'écriture où des scénaristes se remuent les méninges en groupe pour faire naître les séries.

"Ce système américain faisait le buzz au Royaume-Uni mais personne ne l'utilisait. Frank (Spotnitz, créateur de Hunted, NDLR) étant Américain, il a voulu l'importer ici", se rappelle la scénariste britannique Smita Bhide lors d'une table ronde au festival Totally Serialized qui a réuni fin janvier les professionnels européens de la création de séries TV à l'Institut français de Londres.

Dans la writer's room de "Hunted", série d'espionnage anglo-américaine diffusée sur la BBC depuis 2012, trois scénaristes, un scénariste en chef et une assistante se sont enfermés avec Frank Spotnitz pendant six semaines, à raison de neuf heures par jour, cinq jours par semaine.

"Un énorme choc culturel, dit Smita, pour des auteurs qui ont l'habitude d'avoir leur routine quotidienne et peuvent rester en pyjama toute la journée s'ils le veulent".

"Ca ressemble à l'école, vous répondez à des questions difficiles, le showrunner (scénariste-producteur) est un peu comme un professeur qu'il faut satisfaire. Vous êtes avant tout un outil, un pourvoyeur d'idées", explique Smita dont c'était la première expérience d'écriture télévisuelle. Camille de Castelnau raconte, elle, qu'en guise de test, Eric Rochant lui avait demandé de venir en salle d'écriture pour une précédente série afin "de se taire et juste écouter".

"Après 15 jours, il m'a demandé d'écrire une scène", ajoute-t-elle soulignant que tout se passe "par mimétisme".

Le "plus compliqué" pour Smita était "de mettre en mots chaque idée et de convaincre les autres auteurs".Beaucoup d'idées sont tuées dans l'oeuf, dit-elle, reconnaissant qu'il ne faut "pas être trop sensible". Ensuite, chaque élément de l'histoire est détaillé sur des fiches épinglées au mur.

"C'est un processus créatif très intense avec de nombreuses versions différentes de l'histoire", note-t-elle insistant sur "la discipline et la rigueur incroyable" de l'exercice. Camille de Castelnau explique que pour le "Bureau des Légendes", une série diffusée sur Canal+ sur le monde de l'espionnage avec la Syrie en toile de fond et Mathieu Kassovitz en espion-vedette, l'équipe d'auteurs de la saison 1 était composée d'une dizaine de scénaristes juniors et trois seniors qui avaient déjà travaillé avec Eric Rochant.

"Les juniors devaient nous écouter parler et parfois, au bout de deux jours, Eric se tournait vers l'un d'eux et disait +toi, qu'est-ce que tu en penses?+", raconte-t-elle. Un système abandonné pour la saison 2 et 3. Les auteurs juniors avaient "trop à prouver" et "ils ne pouvaient pas dire de bêtises parce que c'était leur minute". De la dizaine d'auteurs juniors, "une seule a survécu et est devenue senior" pour la saison 2, "plus facile à écrire parce que le concept est là".

Toutes deux insistent sur le fait que la writer's room n'est pas "démocratique", le showrunner étant l'ultime décisionnaire, une sorte "de dictateur inoffensif" selon Smita.

Ces chefs d'équipes "ont toujours raison", notent-elles en coeur, confiant aussi avoir beaucoup ri pendant ces séances de création.

Côté argent, si Smita rappelle que les scénaristes américains de séries TV sont "payés trois fois plus" que leurs homologues britanniques, Camille souligne qu'un auteur qui travaille régulièrement sur une série gagne très bien sa vie.

Pour Camille, la magie de la "writer's room" opère lorsqu'"on bloque sur un problème, que je donne une mauvaise idée et qu'Eric grimpe sur ma mauvaise idée pour en trouver une super bonne. Il y a alors un vrai sentiment de boulot collectif".