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Le sculpteur sénégalais Ousmane Sow est mort

Écrit par sur décembre 1, 2016

Le sculpteur sénégalais Ousmane Sow est mort le 1er décembre au matin à Dakar, à l’âge de 81 ans. Né dans cette ville le 10 octobre 1935, il est le sixième enfant de Moctar Sow, ancien combattant de la première guerre mondiale, devenu transporteur routier, et de Nafi N’Diaye, descendante d’une vieille famille de Saint-Louis-du-Sénégal.

Par sa mère, Ousmane Sow a pour grand-oncle Lat Dior Ngoné Latyr Diop (1842-1886), connu sous le nom de Lat Dior, figure célèbre de l’histoire sénégalaise : il a conduit la lutte armée contre la présence coloniale française, noué des alliances politiques, conduit ses hommes au combat et est mort dans une bataille. Quand, un siècle plus tard, Ousmane Sow fait des guerriers africains l’un de ses principaux motifs, l’histoire de sa famille et celle du Sénégal n’y sont donc pas pour rien.

Départ pour Paris en 1956

Passé par l’école française et l’école coranique, Ousmane Sow aurait pris conscience de son goût pour la sculpture en s’attaquant à des blocs de calcaire sur les plages dakaroises, essais dont il semble que rien n’ait été conservé. A la mort de son père, en 1956, il part pour Paris. Il y accomplit des études d’infirmier, puis une formation de kinésithérapeute, tout en vivant de petits métiers et en fréquentant des élèves de l’Ecole des Beaux-Arts.

Quand le Sénégal accède à l’indépendance, le 4 avril 1960, il adopte la nationalité de son pays natal, puis y rentre en 1961 pour y exercer son métier. L’exercice de celui-ci et la formation qui l’a précédé ont, pour l’artiste à venir, une importance flagrante : il leur doit une connaissance très sûre de l’anatomie humaine. Elles ont aussi une conséquence matérielle : permettre à Sow d’accomplir ses premiers essais de sculpteur sans avoir à s’inquiéter de leur succès.

De retour en France, il poursuit ces deux activités, son cabinet médical étant susceptible de devenir son atelier à chaque moment de liberté. Il fabrique des marionnettes articulées qui interprètent des histoires imaginées par lui et dont il tire un film d’animation.

Retour au Sénégal

A son retour, définitivement, au Sénégal en 1978, il se consacre à son art. Ayant mis au point une technique sur laquelle il est demeuré très avare de précisions techniques, il construit et modèle ses premières grandes figures, la série Nouba, du nom du peuple qui vit au Soudan. Il n’est pas le premier à s’intéresser à eux et à leurs luttes rituelles : le photographe britannique George Rodger, puis la cinéaste allemande Leni Riefenstahl – surtout connue comme propagandiste du régime nazi – leur ont consacré des reportages devenus célèbres. Leurs images contribuent à la préparation des groupes de lutteurs et de jeunes femmes que Sow crée au début des années 1980 et qui lui valent une reconnaissance rapide et internationale. Montrés à Dakar et à Paris, à Genève et à New-York, ils poursuivent leur carrière à la Documenta de Kassel en 1992 et à la Biennale de Venise en 1995.

D’un réalisme appuyé, d’une échelle souvent supérieure à la taille humaine, ces nus suggèrent le mouvement avec une justesse où se ressent la science anatomique de l’artiste. Pour autant, il ne craint pas d’aller vers un héroïsme épique, modelant torses, avant-bras et cuisses d’athlètes d’une puissance telle qu’ils semblent rivaliser avec les Titans que le maniérisme italien aimait à imaginer à la suite de Michel-Ange. Après les Noubas, il s’attache aux Maasaï, éleveurs et guerriers d’Afrique de l’Est et aux Zoulous, qui réussirent à tenir tête et même à vaincre parfois les colons boers et britanniques dans ce qui est aujourd’hui l’Afrique du Sud. Viennent ensuite, dans les années 1990, les Peuls, qui forment une partie de la population du Sénégal. Sow en donne à voir des scènes d’une vie quotidienne d’autrefois dont il ne reste plus que souvenirs et photographies. Les signes du monde moderne sont en effet absents de ses œuvres.

Une figure populaire

En 1999, il se saisit d’un sujet à la fois lointain et proche : la bataille de Little Bighorn, au cours de laquelle, en juin 1876, Sioux et Cheyennes anéantissent le 7e régiment de cavalerie du lieutenant-colonel Custer. De cet épisode symbolique de l’invasion des territoires indiens, Sow fait une scène tumultueuse, chevaux, combattants des deux camps, cadavres et prières. Elle est présentée durant l’été 1999 sur la Passerelle du Pont des Arts à Paris, en compagnie de pièces des séries antérieures. Cette manifestation, qui est réputée avoir été vue par 3 millions de personnes, fait de l’artiste une figure indubitablement populaire et il l’est resté depuis lors, comme en attestent le nombre et la rapidité des réactions à l’annonce de son décès.

Il laisse aussi une œuvre discutée. Le 11 décembre 2013, il est le premier artiste noir à entrer à l’Académie des Beaux-Arts, au fauteuil du peintre américain Andrew Wyeth. On peut se réjouir de cette reconnaissance officielle. On peut regretter qu’elle enferme Sow dans une tradition de la sculpture réaliste occidentale la plus classique, dont les artistes africains des générations suivantes se sont dégagés vivement et qu’elle ait fait de lui, à son insu sans doute, le champion des ennemis les plus acharnés de l’art actuel. Son œuvre vaut mieux que cet usage abusif.

Le succès de 1999 permet à Sow d’expérimenter le bronze, reprenant dans ce matériau plusieurs de ses premières créations, le lutteur herculéen, la mère et l’enfant, la danseuse nue. Les rejoignent en 2002 un Victor Hugo et les héros de sa série Merci, dont Nelson Mandela et Charles de Gaulle. En 2015 un hommage à Toussaint Louverture – héros de l’indépendance haïtienne et de la fin de la traite négrière – est installé à La Rochelle. Une première version, Toussaint Louverture et la vieille esclave,a été acquis en 2014 par le Museum of African Art de Washington. On retrouve dans toutes ces pièces la monumentalité, la volonté d’être à la fois symbolique et explicite et, surtout, la célébration de la lutte pour la liberté et l’indépendance des peuples noirs.