Scandale des vaches malades: 800 kilos de viande polonaise retrouvés en France
Écrit par Jonathan PIRIOU sur février 1, 2019
Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a annoncé ce matin que les services sanitaires français avaient retrouvé la trace de 795 kilos de viande bovine avariée. Cette affaire fait suite à la révélation de pratiques frauduleuses dans un abattoir polonais.
La fraude est «terrible, économique et sanitaire». C’est ainsi que Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, a présenté ce matin l’affaire qui a dépassé les frontières polonaises: les services sanitaires du ministère ont retrouvé «795» kilos de viande avariée, répartis dans «neuf entreprises» du secteur agroalimentaire français. On ignore l’identité de ces entreprises.
À la mi-journée, «plus de 500 kilos» ont été retrouvés dans les entreprises de transformation «dupées», par les services sanitaires du ministère, et détruits, a précisé la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Le ministre n’a cependant pas pu préciser si la viande était partie dans le commerce ou non. «Cela a pu rester dans les frigos», a-t-il présumé. «Toutes nos équipes de la DGAL (Direction générale de l’alimentation, ndlr) sont sur le coup», a-t-il tenu à rassurer. Sur ce point, le ministre a rappelé que «la traçabilité des produits lorsqu’ils arrivent en France marche plutôt bien».
Plusieurs autres pays de l’Union Européenne, notamment le Portugal, la Roumanie et la Slovaquie, ont annoncé avoir identifié, récupéré et commencé à détruire la viande de boeuf provenant de l’abattage illégal.
Des animaux tués clandestinement
Cette annonce survient au surlendemain de l’ouverture d’une enquête en Pologne par le parquet d’Ostroleka, dans le nord-est du pays, au sujet de l’abattage et la commercialisation de bovins malades par un abattoir local, à Kalinowo. Ce dernier a été fermé et une enquête ouverte sur son propriétaire. À l’origine du scandale se trouve un journaliste, Patryk Szczepaniak, qui pour le compte de la chaîne de télévision TVN24 s’est fait embaucher dans l’abattoir. Après trois semaines d’immersion, ses images tournées en caméra cachée ont été diffusées: on y voit des bovins traînés au sol, la corde au cou, manifestement malades. D’après le journaliste les animaux sont tués clandestinement, de nuit, sans aucun contrôle vétérinaire. Sur les images, les travailleurs de l’abattoir retirent les preuves du mauvais état des vaches, comme des plaies de pression ou des tumeurs indiquant qu’elles étaient souffrantes et couchées sur le côté pendant des jours.
«2,7 tonnes de viande avariée ont été vendues à des pays de l’UE»
Pawel Niemczuk, responsable des services vétérinaires polonais
L’affaire est d’autant plus grave qu’elle touche toute l’Europe, la Pologne étant un grand exportateur de viande sur le continent. Sur les quelque 560.000 tonnes de bœuf produites dans le pays chaque année, 85% sont exportés, pour une valeur supérieure à 1,5 milliard de dollars.
Le responsable des services vétérinaires polonais, Pawel Niemczuk, a annoncé que «2,7 tonnes de viande avariée ont été vendues à des pays membres de l’UE», à savoir la Finlande, la Hongrie, l’Estonie, la Roumanie, la Suède, l’Espagne, la Lituanie, le Portugal, la Slovaquie, l’Allemagne, la Lettonie, la République Tchèque et la France. «Les listes de distribution sont établies», a-t-il assuré en précisant que la viande allait être rapidement retirée du circuit commercial, et que dans certains pays les lots avaient déjà été détruits.
Le président de l’Association polonaise de producteurs de bétail à viande Jerzy Wierzbicki reconnaît que «le marché polonais est inquiet, sur toute la chaîne», et que les prix du boeuf «ont baissé d’environ 7% par rapport au début de la semaine». En revanche, il nie que ces vaches étaient malades. Selon lui, à regarder les images, «c’étaient des vaches contusionnées, qui n’étaient pas en mesure de quitter le camion toutes seules. De telles vaches ne doivent pas être conduites à l’abattoir mais doivent être tuées chez l’éleveur par une personne qualifiée pour le faire.»LIRE AUSSI – La viande, un produit au cœur de plusieurs scandales alimentaires dans le monde
En Pologne même, 7 tonnes de cette viande avariée ont été distribuées dans une vingtaine de points de vente. Le ministre de l’Agriculture polonais a de son côté reconnu qu’une fraude avait bien été commise, tout en insistant sur son caractère «isolé». «Nous avons affaire à une pathologie: sur un site, des vaches malades étaient abattues à l’insu et sans le feu vert des vétérinaires», a-t-il résumé. Le commissaire européen à la Santé et à la Sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, a pour sa part fait savoir qu’une équipe d’inspecteurs se rendrait sur place lundi et y resterait jusqu’au vendredi, tout en appelant les autorités polonaises à assurer le respect des normes européennes.
Un énième scandale sanitaire
Ce scandale sanitaire est loin d’être le premier en Europe. Parmi les plus connus se trouve l’affaire de la viande de cheval en 2013, dont le procès s’est récemment ouverten France. Dans ce scandale alimentaire, 4,5 millions de plats cuisinés, dont ceux de l’entreprise Spanghero en France, censés contenir de la viande de bœuf, étaient en réalité conçus à partir de viande de cheval. Une affaire qui avait mis au jour la complexité et l’opacité des circuits d’approvisionnement et de transformation des produits carnés sur le continent. En effet, la viande avait été achetée en Roumanie, stockée aux Pays-Bas par un intermédiaire chypriote puis redistribuée en Europe.
On retient également le scandale plus ancien dit de la «vache folle», apparu en 1986 au Royaume-Uni. Dix ans plus tard, l’Union européenne avait décrété un embargo sur la viande britannique, finalement levé à l’échelon européen en 1999 et par la France en 2002. Cette épidémie avait entraîné 224 décès dans le monde, les vaches malades transmettant à l’homme une maladie neurodégénérative,dite «de Creutzfeldt-Jakob».