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Qu’est-ce qui peut faire perdre Fillon?

Écrit par sur novembre 21, 2016

François Fillon est l'archi-favori du second tour de la primaire de la droite. Après avoir recueilli plus de 44% des voix, distançant ses concurrents de près de 16 points, l'ancien Premier ministre fait figure de vainqueur avant l'heure. Pourtant, il existe encore des facteurs qui peuvent faire perdre Fillon.Surprise totale après le premier tour de la primaire : François Fillon a survolé le scrutin avec 44% des voix. A tel point, qu'avant le discours d'Alain Juppé, planait la rumeur d'un éventuel retrait du candidat longtemps favori. Le Bordelais a dû lui-même le préciser en prenant la parole devant la presse et ses militants : "J'ai décidé de continuer le combat". Bref, la finale semble jouée d'avance. Mais il existe des écueils à éviter pour François Fillon.

Loin des projecteurs pendant la campagne, son programme peut en rebuter certains

Les attaques avaient commencé avant le premier tour. La semaine dernière, sentant le vent tourner, les juppéistes avaient attaqué le très libéral programme économique de François Fillon et son objectif revendiqué de supprimer 500.000 postes de fonctionnaires au cours du prochain quinquennat. "Le programme le moins crédible", cinglait Alain Juppé.

Lire aussi : Juppé-Fillon, le match des programmes

Le programme de François Fillon, "les Français ne le connaissent pas", explique le député Benoist Apparu à l'AFP. Alors que l'attention se focalisait sur les programmes des deux duellistes annoncés, Juppé et Sarkozy, celui de l'ancien ministre du Travail n'a pas été aussi scruté. Ses adversaires comptent donc bien le faire découvrir aux électeurs. Le "programme de François Fillon est un programme qu'il ne pourra pas tenir", selon Jean-Pierre Raffarin qui s'est demandé si on pouvait mener un quinquennat "sans recruter de fonctionnaires, dans les hôpitaux, la gendarmerie ou la police?". "On n'a aucune chance de réformer par la brutalité", a-t-il assuré.

Outre l'économie, les soutiens du maire de Bordeaux veulent aussi appuyer sur le volet diplomatie. Le député Hervé Mariton se dit aussi "inquiet" : "Sa proximité avec Poutine est contraire aux intérêts de la France et à ceux des chrétiens d'Orient", estime ce soutien d'Alain Juppé.

Le camp Juppé compte bien batailler contre un projet "très conservateur" aussi au niveau sociétal. François Fillon veut réécrire la loi Taubira, notamment sur les règles de la filiation. C'est vraisemblablement pourquoi Natahlie Kosciusko-Morizet ou Franck Riester ont déjoué la tendance en affichant leur soutien à Alain Juppé et non à l'ultra favori François Fillon, sur qui la quasi-totalité de la famille politique se réunit actuellement.

On ne sait pas qui va voter pour le second tour

La primaire est un objet démocratique non identifié. Les sondeurs ont eu beaucoup de mal à estimer le nombre de votants (plus de 4 millions selon le décompte lundi matin) et encore plus le résultat. Les ressorts du vote Fillon sont encore mal connus. Bref, cette situation inédite fait dire aux juppéistes que rien n'est encore joué. "Il a pris 30 points en quinze jours (…), en une semaine on peut reprendre les quinze points en question", a assuré à l'AFP le député Benoist Apparu. "Il y a eu une poussée très forte, puissante mais en même temps très volatile et très fragile" en faveur de François Fillon, a indiqué lundi Jean-Pierre Raffarin, sur BFMTV/RMC, tout en reconnaissant un "envol impressionnant" de ce score. "On va appliquer le théorème Fillon. Ce n'est pas plié", a encore affirmé Raffarin, soutien de Juppé.

Au-delà de ce corps électoral instable, il y a aussi la question de la mobilisation. Le match semble joué d'avance, pourquoi se déplacer et attendre longtemps au bureau de vote? L'interrogation pourrait gagner beaucoup d'électeurs. Si ce scénario peut faire peur aux équipes de François Fillon, il menace surtout Alain Juppé. Après son score très faible, ses supporters peuvent être rapidement pris par la démotivation. Les électeurs-supporters de Nicolas Sarkozy pourrait aussi trouver une autre occupation dimanche et oublier de reporter leur voix sur l'ancien collaborateur de leur champion.

Que vont réellement faire les électeurs de Sarkozy?

A part Nathalie Kosciuscko-Morizet, les candidats éliminés et leurs principaux soutiens ont tous dit la même chose : oui ils vont voter François Fillon, mais leurs électeurs doivent se sentir "libres". En clair, pas de consignes de vote. Et si l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy bénéficiait d'un très mauvais report de voix? Mathématiquement, si l'ensemble des électeurs de Nicolas Sarkozy et ceux de Bruno Le Maire décident de ne pas suivre leur champion et de voter contre François Fillon, c'est plié. Sauf que l'on n'a jamais vu des reports de 100% des voix d'un candidat vers un seul autre…

Et si les électeurs de gauche s'en mêlaient pour faire perdre Fillon? Et ceux du FN?

Pour mettre en difficulté Fillon, il faudrait aussi compter sur l'apport d'électeurs nouveaux, venus d'au-delà de la droite. Et Fillon fait figure d'épouvantail à gauche : "La droite a choisi un candidat bien à droite, c'est le candidat ultra : ultra conservateur, ultra libéral, ultra anti-mariage pour tous, ultra anti-social, il coche toutes les cases", a déclaré lundi le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, au micro de France Info. Mais le patron des socialistes se garde bien d'émettre un appel à voter pour le maire de Bordeaux dimanche prochain : "Ce n'est pas ma responsabilité de choisir entre les candidats de la droite, c'est la responsabilité des électeurs de droite."Même chose au FN : pour Nicolas Bay, secrétaire général du parti mariniste, François Fillon a par ailleurs été le "chef d'orchestre" de la politique sarkozyste lorsqu'il était à Matignon entre 2007 et 2012, coresponsable du "million d'étrangers entrés en 5 ans" et de l'"explosion de la dette et du chômage".

De là à imaginer un vote massif de la gauche et du FN vers Juppé? C'est presque impossible. Il y a déjà eu, selon des sondages, 15% des électeurs venant de la gauche. Selon un autre sondage (OpinionWay) lundi, Alain Juppé obtiendrait dimanche prochain 79% des voix des électeurs de gauche souhaitant se déplacer, contre 3% pour Fillon. Mais ces électeurs ne seraient pas encore assez nombreux : Fillon est crédité de 56% des voix au total. Côté FN, les électeurs frontistes qui se déplaceraient ont aussi leur préférence : ils ont choisi Fillon, puisque 53% veulent voter pour lui, contre 33% pour Juppé.