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Pourquoi les théories du complot ont-elles flambé après l’incendie de Notre-Dame ?

Écrit par sur avril 25, 2019

Il n’a pas fallu attendre longtemps avant de voir jaillir les premières théories du complot après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, lundi 15 avril. Un incendie volontaire, un attentat, un coup monté du gouvernement… autant d’hypothèses qui ont circulé sur les réseaux sociaux quelques heures après le sinistre. 

L’ampleur du phénomène, qui perdure plus d’une semaine après les images spectaculaires du brasier, est-elle propre à cet événement ? Que disent ces théories de notre société ? Fabrice Epelboin, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des réseaux sociaux et de leur rôle dans la crise des “gilets jaunes”, apporte son éclairage à franceinfo.

Franceinfo : Comment explique-t-on l’émergence de théories du complot comme celle qui accuse un pompier avec une chasuble jaune d’être un “gilet jaune” ?

Fabrice Epelboin : On constate une dimension traumatique qui joue beaucoup dans ce processus. L’émotion provoquée par l’événement pousse à l’irrationalité. C’est un phénomène d’emballement et, la plupart du temps, c’est de la panique. On perçoit aussi la colère sous-jacente de ces derniers mois, avec la crise inédite des “gilets jaunes”.

Et puis, on constate forcément un lien avec la religion. La cathédrale de Notre-Dame étant un symbole de la chrétienté en France, il fallait s’attendre à ce qu’une frange complotiste accuse les autres religions, l’islam et le judaïsme, d’être derrière cet incendie. Je pense à cette image qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux où l’on voit deux hommes prétendus musulmans rire alors que Notre-Dame est en feu derrière eux.

Que est le dernier événement marquant, à l’échelle internationale, qui a fait surgir de multiples théories du complot ?

Les attentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, ont bien sûr fait émerger énormément de théories car il y a eu beaucoup de questions sans réponse. A l’époque, on n’a pas pris la mesure de ces thèses complotistes autour de ces attaques. On a instrumentalisé, pointé du doigt les conspirationnistes sans essayer de chercher à enrayer le phénomène.

Pour Notre-Dame, on constate une dimension traumatique très proche de celle du 11-Septembre, car c’est le symbole d’une nation touchée en son cœur. D’autant plus qu’après les attentats dans les mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande, on s’attendait à une forme de réplique. Les théories du complot qui vont dans ce sens là trouvent donc un écho assez large.

Que disent ces théories du complot dans une telle séquence d’unité nationale ?

Le fait que la reconstruction soit menée par l’Etat n’empêche pas le doute et le questionnement. C’est un phénomène naturel dans une société où la confiance envers les médias traditionnels a disparu et l’enquête annuelle Kantar, pour le quotidien La Croix,l’atteste. Tout le monde part à la recherche de la vérité dans un monde où n’importe qui s’imagine remplacer les journalistes au pied levé. Sauf que vérifier une information, c’est compliqué et cela prend du temps.

L’élan de solidarité quelques heures après l’incendie a interféré avec les mesures qu’Emmanuel Macron devait annoncer dans le cadre du grand débat national, notamment celles visant à faire travailler davantage les Français. C’est compliqué de voir des grandes fortunes et des entreprisesdébloquer près d’un milliard d’euros pour Notre-Dame alors que certains pratiquent par ailleurs l’évasion fiscale. Nous sommes arrivés à une disparition totale de la confiance de la population envers les élites.