Pierre Bergé l’anticonformiste
Écrit par Jonathan PIRIOU sur septembre 8, 2017
Il était fougueux et contradictoire, emporté et généreux, capable d'engouements indiscutables et d'engagements controversés: hommage à Pierre Bergé, mécène chevaleresque.
Le souvenir d'un "grand Monsieur", c'est ce que garderont toutes celles et ceux que les hasards de la vie ont conduit à croiser le chemin de Pierre Bergé, qui s'est éteint le 8 septembre, à 86 ans, à Saint-Rémy-de-Provence. Attentif, passionné, péremptoire, coléreux, il avait des engouements tranchés, des dilections aussi indiscutables que cette sollicitude qui l'a voué à protéger l'héritage de deux écrivains qu'il admirait, Zola et Cocteau. Il aurait aimé, disait-il, être un artiste. Ne l'était-il pas quand il accompagnait de son intelligence prospective l'imagination créatrice de son compagnon, Yves Saint-Laurent, à qui il a fait ériger deux musées qu'il ne verra pas terminés, l'un à Paris (dont l'ouverture est prévue le 3 octobre, avenue Marceau), l'autre à Marrakech (qui sera inauguré le 19 du même mois).
Ce seront, dans la capitale française comme dans la deuxième ville du Maroc, où il a acquis une maison dès la fin des années 1960, deux bâtisses d'exception dédiées au couturier et à son oeuvre. Elles abriteront une collection éblouissante de milliers de vêtements, de quelque quinze mille accessoires, de dizaine de milliers de dessins. Il faudra visiter, bientôt, ces lieux comme le mémorial d'une existence ardente, d'une vie émaillée de combats parfois très courageux, car la victoire y était impossible.
Vive les perdants!
Dans la collection disparate des entretiens, des interventions et des tribunes vibrantes de Bergé, se vérifie, à chaque époque, son audace, son anticonformisme, ses erreurs aussi (ainsi de telle défense rhétoriquement bien contestable de la gestation pour autrui), et surtout son entêtement si chevaleresque à soutenir de futurs perdants, comme Ségolène Royal ou Vincent Peillon, quand tant de conformistes, déjà décrits par son cher Flaubert, se contentent de rallier en meute les vainqueurs insubmersibles. Générosité de Pierre Bergé. Générosité de ce mécène de la gauche, ami intime de François Mitterrand, et qui n'a pas hésité, emporté par son enthousiasme, à dépeindre Emmanuel Macron en "général d'Empire".
Qu'importent, après tout, ces foucades du coeur et ces oblitérations dela raison. Ce qui reste de lui, ce qui demeurera longtemps de son passage parmiles vivants, c'est une haute, une belle idée de la culture – une idée de sanécessaire centralité.