Otages libérés au Burkina Faso : « Toutes nos pensées vont aux familles des soldats et aux soldats qui ont perdu la vie »
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 11, 2019
Les deux touristes français retenus en otage pendant huit jours entre le Bénin et le Burkina Faso avant d’être libérés par l’armée françaiseont décollé de Ouagadougou à 11 heures, samedi 11 mai, après une rencontre avec le président Roch Marc Christian Kaboré et doivent être accueillis sur la base aérienne de Villacoublay, en région parisienne, par Emmanuel Macron aux alentours de 18 heures.
Visiblement toujours en état de choc mais l’air en bonne condition physique, Patrick Picque et Laurent Lassimouillas sont arrivés au palais de Kosyam aux alentours de 9 heures, samedi, accompagnés de Kisoon Jang, ressortissante sud-coréenne libérée avec eux lors de l’opération militaire menée dans le nord du Burkina Faso dans la nuit de jeudi à vendredi, pendant laquelle deux militaires français des forces spéciales ont été tués.
Toutes nos pensées aux familles des soldats et aux soldats qui ont perdu la vie pour nous sortir de cet enfer », a déclaré l’un des deux anciens otages, Laurent Lassimouillas, les traits tirés et la voix tremblante lors d’une déclaration à la presse pendant laquelle Patrick Picque et Kisoon Jang ont préféré garder le silence. Les trois anciens otages sont arrivés au palais de Kosyam accompagnés d’une délégation française venue de Paris, parmi laquelle se trouvait Eric Chevallier, le directeur du centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay, et une représentation de l’ambassade de France au Burkina Faso.
Une citoyenne américaine, également secourue au cours de l’intervention, n’était pas présente lors de cette rencontre, ayant été « récupérée » par les autorités américaines, a précisé à la correspondante du Monde au Burkina Faso, Sophie Douce, le ministre des affaires étrangères burkinabé Alpha Barry.
Une « pensée » pour leur guide
Laurent Lassimouillas a également remercié lors de sa prise de parole « les autorités françaises et celles du Burkina » pour l’opération de libération, menée alors qu’ils étaient sur le point d’être transférés au Mali. Laurent Lassimouillas a également déclaré avoir « une pensée »pour leur « chauffeur-guide béninois », tué avant leur enlèvement au Bénin le 1er mai.
Le ministre des affaires étrangères burkinabé, Alpha Barry, s’est félicité par la même occasion de la bonne coopération entre la France et le Burkina Faso, régi par un accord de défense signé en décembre dernier à Paris à l’occasion de la visite du président Roch Marc Christian Kaboré à Emmanuel Macron. « Au terme de cet accord, les forces françaises peuvent mener des opérations dans notre pays en collaboration avec les forces de défense et de sécurité burkinabés, ça a été le cas dans cette opération », a expliqué Alpha Barry, samedi, précisant qu’une « quinzaine de militaires burkinabés » ont participé à l’opération militaire des forces françaises en matière de renseignement. « Nous allons continuer à travailler ensemble, à intensifier notre relation dans le domaine de la défense et de la sécurité, afin d’enrayer la menace terroriste au Sahel », a affirmé le ministre des affaires étrangères burkinabé.
« La plus grande précaution doit être prise dans ces régions »
Plus tôt dans la matinée, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a invité les touristes à la plus grande prudence au sud du Sahel. Interrogé sur Europe 1, samedi, il a déploré les « risques majeurs » pris par les ex-otages : « La zone où étaient nos deux compatriotes était considérée depuis déjà pas mal de temps comme une zone rouge, c’est-à-dire une zone où il ne faut pas aller, où on prend des risques majeurs si on y va. »
Pour M. Le Drian, « la plus grande précaution doit être prise dans ces régions pour éviter que de tels enlèvements n’aient lieu et pour éviter des sacrifices de nos soldats » :
« Il faut que tous ceux qui veulent faire du tourisme dans ces pays s’informent auparavant de ce qu’on appelle les “conseils aux voyageurs” mis en place et entretenus régulièrement par le Quai d’Orsay et qui indiquent les zones sûres, celles à petit risque et celles à gros risque. »
Le nord du Bénin formellement déconseillé
Sur son site, le ministère des affaires étrangères déconseille formellement aux voyageurs de se déplacer dans l’extrême nord du Bénin, frontalier du Burkina et du Niger, « compte tenu de la présence de groupes armés terroristes et du risque d’enlèvement ». Les attaques djihadistes, concentrées d’abord dans le nord du Mali, se sont étendues vers le centre du pays puis vers le Burkina Faso et menacent désormais les pays côtiers du golfe de Guinée, jusque-là épargnés.
« La menace a changé de forme, elle est devenue beaucoup plus mobile et ce sont maintenant les pays situés au sud du Mali qui sont les cibles, avec des fragilités singulièrement au Burkina Faso mais même dans le nord du Bénin », a relevé Jean-Yves Le Drian samedi. « Il faut maintenir la pression sur ces groupes », a poursuivi le ministre, jugeant l’action de la force française Barkhane « tout à fait essentielle » dans ce contexte.
Cette force antidjihadiste compte 4 500 soldats sur cinq pays du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et Mauritanie). « C’est vrai que Barkhane n’a pas vocation à rester éternellement dans la zone mais aujourd’hui, le maintien des risques, des menaces, nécessite cette présence », a-t-il estimé.