On a testé… « Sonic Mania », étonnant retour aux sources pour la mascotte de Sega
Écrit par Jonathan PIRIOU sur août 19, 2017
C’est une boule bleue qui déboule, roule, rebondit, éclate les méchants robots de l’infâme Dr Eggman et progresse à une vitesse vertigineuse vers le niveau suivant. Cette boule, c’est le hérisson Sonic, mascotte de Sega depuis vingt-six ans : Sonic Mania, le nouveau volet de ses aventures, est disponible sur PC, Xbox One, PlayStation 4 et Switch depuis mardi 15 août.
Un épisode un peu particulier, mais quel épisode de cette série protéiforme ne l’est pas ? Le développement de celui-là n’est pas assuré par l’habituelle Sonic Team, mais par un fan australien, Christian Whitehead, déjà responsable des récentes versions mobiles des épisodes canoniques.
Le contrat est clair : il s’agit d’un épisode par un fan, pour les fans. Un jeu autant qu’un hommage aux années Mega Drive, celles du début des années 1990, quand la série de Sega pouvait encore passer pour un concurrent crédible au tout-puissant Super Mario.
Pas de doute, c’est du travail d’orfèvre : 12 environnements, deux niveaux à chaque fois, patchworks d’ennemis connus, de nouveaux boss, de défis renouvelés. D’ailleurs, si la moitié des mondes est inédite, l’autre est inspirée de certaines des aventures les plus emblématiques du hérisson, ici revisitées, détournées, réinventées.
Sonic Mania est une capsule temporelle, un trou dans le tissu de l’espace-temps. Un jeu de 2017, méticuleux et maniaque, qui a le charme des jeux de l’époque. De la prise en main aux graphismes, en passant par la musique, tout paraît authentique, d’époque. Impossible de prendre Christian Whitehead en flagrant délit d’anachronisme : il a tout compris. Dont des choses que la Sonic Team elle-même semble avoir depuis longtemps perdues de vue.
Le grand malentendu
C’est le grand malentendu qui frappe Sonic : conceptualisé dans son premier épisode comme une ode à la vitesse destinée à faire la preuve de la supériorité technique de la Mega Drive sur ses concurrentes, la mascotte de Sega est, depuis, restée enfermée dans ce cliché. Pourtant, dès le deuxième opus de ses aventures, Sonic devient en fait un jeu d’exploration – faux labyrinthe dont le joueur doit trouver la sortie avec le plus de panache possible. Partout, des embranchements, des voies alternatives, des occasions de faire du hors-piste.
Une exploration qui teste tout de même l’agilité du joueur : les passages les plus gratifiants – qui sont aussi souvent les meilleurs raccourcis – sont réservés aux as du joystick, à ceux qui seront capables de sauter au bon moment, de rebondir au bon endroit, de repérer des passages secrets, des anneaux cachés.
Sonic est un jeu de course aristocratique
Un bon niveau de Sonic, c’est un niveau dans lequel on va chercher à éprouver les limites de son architecture et l’inventivité de ses concepteurs, quitte à tomber, en cherchant un raccourci génial ou un bonus précieux, dans un bug mortel. Sonic est un jeu de course aristocratique, où les agiles empruntent souvent une voie des airs invisibles aux laborieux qui font le trajet à pied. Les phases de course en pilotage automatique (qui seront tout ce que les épisodes 3D ainsi que les épisodes 2D des années 2000 en retiendront), ego trips vaniteux mais ludiquement faibles, existent dans un bon Sonic, mais elles sont une récompense, un son et lumière gratifiant, pas le cœur de l’expérience.
Sonic 2 est le sommet de cette exploration par le talent. Les niveaux Oil Ocean ou Chemical Plant viennent immédiatement en tête. On ne s’étonnera pas d’en trouver de nouvelles versions dans Sonic Mania.
Tout ça, Christian Whitehead l’a compris. Ses niveaux sont architecturés comme une succession d’embranchements, de tests, comme ceux d’un jeu d’infiltration, comme une aventure à la Telltale, où les réflexes remplacent l’inventivité, où les questionnements moraux se soustraient à l’adresse.
Bien sûr, il ne faut pas faire passer Sonic Mania pour ce qu’il n’est pas. Même dans ses meilleures itérations (y compris dans celle-ci), Sonic n’a jamais eu la mécanique de précision d’un Super Mario, ni sa rigueur, son efficacité, sa géniale économie de moyens. C’est un jeu
régulièrement approximatif, souvent injuste. Un jeu où des bugs rôdent, où les niveaux sont noyés sous une profusion délirante de gimmicks aussitôt oubliés.
Mais ça lui va plutôt bien, à Sonic Mania. Jeu-musée autant que jeu vidéo, il célèbre le plaisir de jouer autant que celui de se souvenir, accumulant les clins d’œil, les références. Tel canon évoque ainsi l’obscurissime machine à pop-corn Sonic, tel élément du décor rappelle à notre bon souvenir les personnages oubliés de Sonic the Fighters, tel boss de fin de niveau rappelle le spin-off Dr. Robotnik’s Mean Bean Machine. En cela, la générosité un peu foutraque est justifiée, et même bienvenue.