Ni suspension, ni abrogation”: comment Les Républicains mettent la pression sur la réforme des retraites
Écrit par Jonathan PIRIOU sur janvier 13, 2025
La droite met en garde le gouvernement face à la perspective d’une suspension de la réforme des retraites, condition des socialistes pour ne pas censurer. “La suspendre sans scénario alternatif revient à sauter dans le vide sans parachute”, alerte notamment Laurent Wauquiez à deux jours de la déclaration de politique générale de François Bayrou.
Faire “travailler la poutre”, comme le préconisait l’ancien Premier ministre Édouard Philippe en 2017, est un art bien difficile. Il l’est d’autant plus pour son lointain successeur à Matignon, François Bayrou, privé de majorité à l’Assemblée nationale et contraint de trouver des compromis de part et d’autre pour éviter la censure.
En cherchant les bonnes grâces de la gauche à l’approche de la présentation des projets de budget et de sa déclaration de poltique générale, prévue mardi, ce dernier prend le risque de s’alliéner le soutien d’un partie du “socle commun” qui soutenait son prédécesseur, Michel Barnier. Preuve en est le message passé par le parti Les Républicains ce week-end.Deux hommes sont sortis du bois: Gérard Larcher, président LR du Sénat et Laurent Wauquiez, patron des députés du parti. Tous deux mettent la pression au moment où la gauche, hors LFI, négocie pied à pied avec le gouvernement, notamment sur la réforme des retraites, dont les socialistes demandent une “suspension”, leur condition pour une “non-censure”.
“Sauter dans le vide sans parachute”
“Ni suspension, ni abrogation” de cette loi, enjoint le premier dans une interview publiée par Le Parisien ce samedi, prévenant qu’une “participation” au gouvernement “ne veut pas dire renoncement”. “Si nous abrogions la réforme des retraites, le coût serait de 3,4 milliards d’euros en 2025, et près de 16 milliards en 2032”, assure-t-il, en se fondant sur les estimations de l’Assurance retraite.
Le président du groupe PS au Sénat, Patrick Kanner, a lui estimé que le gel de la réforme pendant six mois coûterait “entre 2 et 3 milliards d’euros”, qui pourraient être puisés dans le fonds de réserve pour les retraites.Dimanche, Laurent Wauquiez, dont le soutien à la précédente réforme n’a jamais été évident – certains de ses proches avaient voté la censure sur ce texte – chante la même chanson que Gérard Larcher, également dans Le Parisien.
“J’ai toujours dit que cette réforme était perfectible, mais pas s’il s’agit de creuser encore plus de déficits. La suspendre sans scénario alternatif revient à sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la Droite républicaine!”, prévient-il.
Et l’ex-patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes de persifler: “Ce qui me gêne, ce n’est pas de discuter avec la gauche, c’est de tout leur céder. J’ai le sentiment que la priorité du gouvernement est de négocier une assurance vie auprès du Parti socialiste, quelles qu’en soient les conséquences pour le pays. Ce que demande le PS est irresponsable.”
Une bonne mise en garde, même si Laurent Wauquiez dit ne pas faire “partie de ceux qui agitent la menace d’une motion de censure”, dénonçant “les artisans du chaos”.
“Arrêter de s’enrhumer quand Gérard Larcher tousse”
Déterminée à peser, la droite profite de ces interviews pour rappeler ses priorités. Gérard Larcher attend “que l’on poursuive la réduction du déficit et de la dépense publique avec des actes concrets, notamment sur les agences de l’État et la simplification”.
Laurent Wauquiez appelle également à “créer une allocation sociale unique avec des heures de travail en contrepartie” et à s’attaquer au “titre de séjour pour soins”, qui “coûte très cher”, d’après lui.
Chacun pousse ses pions. Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, était sur BFMTV ce dimanche. La droite? Aux élections législatives, “ils sont arrivés bons derniers, ils ne vont pas maintenant faire la leçon à tout le monde”, a-t-il répliqué. Tout en minimisant l’influence de LR, qui ne dispose que de 47 députés: “Cela suppose qu’à un moment on arrête de tous s’enrhumer quand Gérard Larcher tousse.”
La balle est dans le camp de François Bayrou, alors que le PS estime toujours que “le compte n’y est pas”. Les ministres Éric Lombard (Économie), Amélie de Montchalin (Comptes publics) et Catherine Vautrin (Santé et Travail), ont été reçus samedi soir à Matignon pour présenter la synthèse de leurs travaux, après une semaine d’intenses discussion à Bercy avec les responsables politiques d’opposition.
Ce lundi, le Premier ministre doit notamment recevoir à 17h30 les présidents des deux chambres du Parlement, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet. Fera-t-il un geste significatif envers la gauche lors de sa déclaration de politique génétale le lendemain? Avec quelles conséquences dans le “socle commun”? La réponse n’est plus qu’une question d’heures.