Mercosur : arrêtons les fantasmes !
Écrit par Jonathan PIRIOU sur novembre 18, 2024
La croisade française contre le Mercosur repose sur des fantasmes. Le projet d’accord comprend des protections solides pour nos agriculteurs. La Chine, elle, déloge l’Europe d’un marché majeur.Le spectacle est navrant. La classe politique française, dans un concert unanime aussi rare que préoccupant, s’égare dans une croisade contre l’accord UE-Mercosur, transformé en épouvantail de tous les maux de notre agriculture. Cette posture, aussi démagogique que contre-productive, mérite d’être déconstruite à l’aune des faits.Commençons par tordre le cou aux fantasmes sur l’invasion redoutée des produits agricoles sud-américains. Les quotas négociés sont, en réalité, dérisoires : 99 000 tonnes de bœuf, soit 1,6 % de la production européenne. Plus révélateur encore : l’Europe importe déjà 200 000 tonnes de bœuf du Mercosur. L’accord ne fera donc qu’abaisser les droits de douane sur des volumes déjà existants. Même constat pour la volaille (1,4 % de la production européenne) ou le porc (0,1 %). Où est l’apocalypse annoncée
Le Ceta : l’apocalypse n’a jamais eu lieu
L’exemple du Ceta est édifiant. Malgré les prophéties catastrophistes, le Canada, pourtant champion mondial de la viande bovine, n’utilise quasiment pas ses quotas d’exportation vers l’UE. La raison ? L’impossibilité d’utiliser des hormones de croissance, interdites par la réglementation européenne. Les cassandres d’hier – Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en tête – en sont pour leurs frais.Plus grave encore, cette fixation sur l’agriculture masque les enjeux stratégiques colossaux. L’accord éliminerait 4 milliards d’euros de droits de douane pour les exportateurs européens. Il ouvrirait grand les portes d’un marché protégé par des barrières douanières massives : 35 % sur les voitures, 14 à 20 % sur les machines, 18 % sur les produits chimiques. La France, qui conserve un excédent commercial de 155 milliards d’euros avec l’Amérique latine – l’un des derniers au monde – se tire une balle dans le pied.La Chine avance à grands pas, l’Europe piétinePendant que nous tergiversons, la Chine avance ses pions. Pékin comprend parfaitement l’importance stratégique de cette région, riche en matières premières critiques – lithium, cuivre, niobium – essentielles pour notre souveraineté industrielle. Déjà deuxième partenaire commercial de la région, Pékin a signé des accords de libre-échange avec cinq pays et noué des partenariats « Route de la Soie » avec pas moins de 22 nations latino-américaines.