Menaces sur le patrimoine architectural du XXe siècle
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juin 24, 2018
Le geste est violent. Haute de 96 mètres, enveloppée d’une résille en béton fibré couleur pierre, la tour parallélépipédique impose son écrasante présence, surplombant la Maison du peuple de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) à laquelle elle est accolée.
Si le projet voit le jour, l’un des bâtiments les plus importants de l’entre-deux-guerres, construit entre 1935 et 1938 par les architectes Eugène Beaudouin (1898-1983) et Marcel Lods (1891-1978), assistés en particulier par le constructeur Jean Prouvé (1901-1984), risque de ne plus être que l’ombre de lui-même, oblitéré par son excroissance de vingt-sept étages.
Cette intrusion, née de l’appel à projets Inventons la Métropole du Grand Paris, dont l’objectif est de créer des passerelles entre les mairies et des investisseurs potentiels, pourrait créer une situation inédite : en dépit des textes qui devraient lui garantir une nécessaire protection, jamais un bâtiment contemporain à haute teneur patrimoniale ne serait à ce point bafoué. « Les appétits suscités par la spéculation immobilière dans le cadre du Grand Paris sont-ils au-dessus des lois ? », s’interroge le conservateur général honoraire du patrimoine, administrateur de Sites & Monuments, Bernard Toulier.
Le projet, porté par le groupe Duval, prévoit d’installer dans la tour un hôtel de luxe Hyatt, un restaurant gastronomique, ainsi qu’une centaine d’appartements de grand standing avec vue panoramique. La Maison du peuple devrait, elle, être restaurée afin d’accueillir un concept de type cuisine et culture où cohabiteraient un pôle fooding et services et un espace de présentation des collections permanentes du Centre Georges-Pompidou, partenaire de l’opération.
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a co-visibilité entre un monument historique et une création, se défend Rudy Ricciotti, l’auteur de la tour. Pourquoi, là, ça serait interdit? » L’architecte , qui évoque dans cette affaire…