Les Vingt-Sept proposent un report du Brexit au 12 avril
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mars 22, 2019
Il fallait s’accrocher car des diplomates eux-mêmes s’y perdaient, dans la nuit de jeudi 21 à vendredi 22 mars. Alors que les dirigeants de l’Union européenne (UE) à Vingt-Sept planchaient sur le moyen de répondre à la première ministre britannique Theresa May, sans tomber dans son piège, qui était de leur faire porter la responsabilité d’un « no deal » sur le Brexit, ou de faire voler en éclats leur unité et d’obtenir un répit sans conditions, le plan auquel ils sont finalement parvenus, au bout d’au moins sept heures de réflexion, est aussi malin que complexe.
A moins de 200 heures du Brexit, Theresa May, dans une impasse totale, était venue chercher à Bruxelles un report du divorce au 30 juin, après deux tentatives ratées pour faire ratifier, par la Chambre des communes, l’accord conclu quatre mois plus tôt. Et pour éviter un « no deal » chaotique, contre lequel ont aussi voté les députés britanniques, à la mi-mars. Les Européens, après mûre réflexion, lui ont apporté une réponse à double détente.
Le 12 avril, « date fatidique »
Si Theresa May – ou un autre dirigeant britannique, car les Européens ont des doutes quant à sa capacité à se maintenir – parvient finalement à faire adopter l’accord de divorce, elle a jusqu’au 22 mai pour, ensuite, le faire proprement ratifier.
Cette date n’a évidemment rien d’innocent : c’est juste avant les élections européennes, qui ont lieu du 23 au 26 mai partout dans l’UE. Or, ces dernières semaines, il est apparu impossible, pour des raisons juridiques et politiques, de prendre le risque que le Brexit pollue ce scrutin sensible. « Il faut que le sujet du Brexit ait été réglé au moment ou les Européens votent », soulignait une source élyséenne, jeudi.
Si le gouvernement britannique ne parvient toujours pas à faire ratifier l’accord du divorce, alors il devra avoir signifié à l’UE, avant le 12 avril, s’il compte ou non participer aux élections européennes. Si oui, il se retrouvera de fait dans la position de réclamer un report long du Brexit, jusqu’à fin 2019. Et il aura à le justifier (organisation d’élections générales, nouveau référendum). Si le Royaume-Uni ne compte pas participer à ce scrutin européen, alors, il devra assumer un « no deal ».
Pourquoi le 12 avril ? Il s’agit de la date butoir, au Royaume-Uni, pour organiser le scrutin européen. « C’est la vraie date fatidique », explique t-on à l’Elysée, d’autant plus que « cela ne voudra pas dire qu’une extension longue est octroyée automatiquement [si Londres la réclame] ». Cette date permet, par ailleurs, de donner un peu d’air outre-Manche à la Chambre des communes et au gouvernement, en cas de vote négatif, pour changer de cap. « Si aucune décision n’est prise par Londres d’ici au 12 avril, un report de longue durée deviendra impossible » a, par ailleurs, précisé Donald Tusk, le président du Conseil.
« Nous avons apporté une réponse protégeant nos intérêts »
En clair : l’UE à Vingt-Sept donne quinze jours de plus à Theresa May pour réfléchir à sa stratégie, sachant que son pari de maintenir l’unité de son parti, les tories, tout en poussant coûte que coûte l’accord de retrait basé sur une sortie du marché intérieur et de l’union douanière, n’a pas fonctionné.
Les Européens voulaient éviter un sommet extraordinaire à la veille du Brexit théorique du 29 mars, tel qu’initialement imaginé par Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, respectivement président de la Commission et du Conseil. Il les aurait mis devant un choix historique : le « no deal » ou un report très long du Brexit, tout aussi difficile à accepter.
Or, depuis le début du processus, ils veulent souligner que la volonté de divorcer est celle des Britanniques, et pas la leur. Ils ont toujours refusé, et refusent encore, d’en porter la responsabilité et entendent forcer le gouvernement britannique à assumer seul son choix. Soit, le « no deal », le « deal », ou un report long. Le dispositif imaginé jeudi soir répond précisément à ce souci.