Le gouvernement teste l’idée d’une retraite à taux plein à 63 ans
Écrit par Jonathan PIRIOU sur octobre 8, 2018
Sans toucher à l'âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans, l'exécutif avance la piste d'un an de travail supplémentaire pour partir avec une pension sans décote. Objectif : inciter les Français à travailler plus longtemps.Faire travailler les Français plus longtemps sans toucher à l’âge légal de départ à la retraite ou la durée de cotisations ? Le gouvernement, selon les Echos et le Monde, aurait une nouvelle idée : instaurer un «âge-pivot» à… 63 ans. D’après les deux quotidiens, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, doit exposer, ce mercredi aux partenaires sociaux, cette solution pouvant être intégrée l’an prochain au grand big bang des retraites. Emmanuel Macron s’étant engagé durant la campagne présidentielle à instaurer un système universel par points et ne pas reculer l’âge de départ à la retraite, fixé à 62 ans depuis 2017, créer un «âge-pivot» un an après cet âge légal obligerait ceux qui veulent partir avec une retraite à taux plein à travailler plus longtemps. Explications.
Aujourd’hui, pour partir avec la totalité de sa retraite, il faut non seulement attendre 62 ans (sauf pour ceux qui ont commencé à travailler jeune, ont un handicap ou eu une carrière pénible) mais surtout avoir cotisé entre 40 et 43 annuités (160 à 172 trimestres) selon son année de naissance. Demain, si le gouvernement applique cette idée, une personne remplissant ces mêmes conditions devra travailler un an de plus pour partir avec toute sa retraite. Certes, elle pourra toujours s’en aller mais subira alors une «décote» de sa pension. Comme c’est déjà, par exemple, le cas aujourd’hui lorsque quelqu’un se retire de la vie active sans avoir tous ses trimestres de cotisations (perte de 5% par année). Pour pouvoir partir sans décote malgré un manque de trimestres cotisés, il faut aujourd’hui travailler jusqu’à 67 ans. A l’inverse, si une personne bosse plus longtemps, elle gagne une «surcote» sur le montant de sa future pension.
Même la CFDT est contre
Cette solution de l’«âge-pivot» plaît beaucoup au Medef. L’organisation patronale aimerait même qu’un départ à taux plein ne puisse se faire avant 64 ou 65 ans. En 2015, ses représentants avaient réussi à inscrire ce mécanisme dans l’accord Agirc-Arrco. Depuis, un salarié du privé touche ainsi sa complémentaire retraite à taux plein s’il attend 63 ans. S’il part avant, il subit une décote de 10% pendant trois ans. S’il part après, il bénéficie d’un bonus de 10% à 30% selon le nombre d’années supplémentaires travaillées.
Côté syndicats, on refuse catégoriquement que le modèle des complémentaires soit transposé au régime général. «Il faut que l’âge de départ à la retraite reste à 62 ans, il faut que ce soit "je cotise et je reçois" dans les paramètres actuels et on améliore à l’intérieur des paramètres, a lancé Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, lundi matin sur RMC-BFM TV. Tous ceux qui ont dans la tête un élément paramétrique, c’est-à-dire qu’on veut jouer sur l’âge dans cette réforme, auront l’opposition de la CFDT. C’est clair et net.» Même tir de barrage à Force ouvrière : «Si, aujourd’hui, on passait d’un âge légal de 62 ans à 63 ans, on aurait à peu près 40% de la population qui partirait avec une décote», a prévenu Pascal Pavageau, son numéro 1, sur France Inter, critiquant au passage le système par points souhaité par Emmanuel Macron, «une individualisation, un changement de philosophie avec une logique où il faut rechercher des points tout au long de sa vie». «Aujourd’hui, chaque trimestre où je travaille, je gagne des droits à la retraite ; demain, chaque minute où je ne travaille pas, je perds des points. La retraite par points, finalement, c’est du travail sans fin», a fustigé Pavageau. La présentation de la réforme des retraites est prévue début 2019.