La Russie accusée d’avoir recours à la chloropicrine sur le front, qu’est-ce que cet agent chimique ?
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 2, 2024
Mercredi 1er mai, les États-Unis ont accusé la Russie d’avoir eu recours à la chloropicrine, un produit chimique interdit par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.Qu’est-ce que cette substance toxique, aussi bien utilisée comme pesticide que comme arme “militaire” à partir de la Seconde Guerre mondiale ? Voici ce qu’il faut savoir.Moscou cherche-t-il à empoisonner ses adversaires sur le font ? Dans un communiqué publié mercredi, les États-Unis ont accusé la Russie d’avoir eu recours à un agent chimique, la chloropicrine. “L’utilisation de ces produits chimiques n’est pas un incident isolé et est probablement motivée par le désir des forces russes de déloger les forces ukrainiennes de positions fortifiées et de réaliser des avancées tactiques sur le champ de bataille”, a commenté le département d’État. Des accusations rejetées jeudi par le Kremlin, qui les a qualifiées “d’infondées“.
Si la chloropicrine a des “applications industrielles”, elle est réputée pour être “un agent chimique militaire (…) connu depuis la Seconde Guerre mondiale”, explique sur LCI Olivier Lepick, historien spécialiste des armes chimiques. “Ce sont les Français qui l’ont utilisé pour la première fois sur le champ de bataille au cours de l’année 1915”, précise-t-il.
L’usage d’une telle substance, s’il est avéré, constituerait une violation de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), la chloropicrine étant un produit très toxique. “C’est un agent suffocant, irritant, largement utilisé pendant un certain nombre de conflits au cours du XXᵉ siècle (…). C’est un produit qui peut être mortel à certaines concentrations, notamment dans les endroits confinés”, commente Olivier Lepick.
Selon la Bibliothèque nationale de médecine, “la chloropicrine se présente sous la forme d’un liquide légèrement huileux, incolore à jaune, avec une forte odeur irritante. (…) Les vapeurs sont toxiques par inhalation et irritent les yeux, le nez et la gorge”, peut-on lire sur le site américain.
Des précédents pour la Russie
Un “franchissement de seuil de la part des Russes qui ont des précédents en matière de substances chimiques militaires”, pointe du doigt Olivier Lepick. Rappelons qu’en août 2020, l’ancien opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, avait frôlé la mort après un empoisonnement qu’il avait attribué au Kremlin.
Autre tentative d’assassinat plus tôt, en mars 2018 : l’ancien agent double russe Sergueï Skripal et sa fille, Ioulia Skripal, ont été empoisonnés au moyen d’un agent neurotoxique, le Novitchok, “cette fois-ci avec un organophosphoré beaucoup plus puissant et moderne”, détaille Olivier Lepick.
Depuis le 24 février 2022, les soldats ukrainiens ont signalé à plusieurs reprises l’utilisation de mystérieux produits, notamment des grenades remplies d’une “substance chimique inconnue”. De son côté, la Russie a accusé l’Ukraine d’utiliser la chloropicrine dans un communiqué publié en février 2024, décrivant “des munitions larguées par des drones contenant des irritants toxiques identifiés”.
S’il est demandé à la Russie de faire preuve de plus de transparence quant à l’utilisation d’armes toxiques, le pays affirme de son côté ne plus posséder d’arsenal chimique militaire. Olivier Lepick nuance : “On n’est pas non plus dans une guerre chimique extensible”, tempère le spécialiste.
“Les Russes ont des limites car ils pourraient utiliser des produits beaucoup plus toxiques, quand vous comparez les agents chimiques militaires modernes et la chloropicrine. On est dans des ordres de toxicité qui vont de 1 à 10.000”, poursuit Olivier Lepick.