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Hollande appelle à une grande coalition contre Daech

Écrit par sur novembre 16, 2015

Le président français doit rencontrer dans les prochains jours Barack Obama et Vladimir Poutine, pour « unir nos forces ».Une grande coalition internationale, unique, pour «détruire» l'État islamique. Une rencontre avec Barack Obama dans les prochains jours et une autre avec Vladimir Poutine, «pour unir nos forces». Le glissement de la politique française était déjà perceptible depuis l'été dernier, mais les attentats de Paris ont accentué le virage. Dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, François Hollande a répété que Bachar el-Assad ne pouvait constituer «l'issue du conflit» en Syrie. Mais il ne l'avait jamais dit aussi clairement: «Notre ennemi, c'est Daech.»

«Les derniers événements tragiques témoignent que nous sommes tout simplement obligés d'unir nos efforts dans la lutte contre ce mal, le terrorisme»

Vladimir Puutine

Les attentats de Paris ont également fait bouger les lignes chez les principaux partenaires de la France. Il y a d'abord eu cet aparté entre Barack Obama et Vladimir Poutine, qui ont discuté dimanche pendant trente minutes au sommet du G20 d'Antalya, en Turquie. Ce tête-à-tête impromptu a permis aux deux présidents de rapprocher leurs positions sur le dossier syrien et de s'engager, en tout cas verbalement, à intensifier leur coopération contre la menace djihadiste. Puis il y a eu la main tendue de Vladimir Poutine à David Cameron. «Les derniers événements tragiques témoignent que nous sommes tout simplement obligés d'unir nos efforts dans la lutte contre ce mal, le terrorisme», a affirmé le président russe. Réponse du premier ministre britannique: les divergences sur le sort de Bachar «ne doivent pas devenir l'autel sur lequel la Syrie est sacrifiée». En France, alors que la politique étrangère fait souvent l'objet d'un consensus bipartisan, l'opposition demande au gouvernement de changer ses choix diplomatiques, de se rapprocher de la Russie et de cesser d'exiger le départ de Bachar el-Assad.

Depuis le début de la guerre, les États-Unis et la France ont poursuivi deux objectifs parallèles: vaincre Daech et faire tomber le président syrien, considéré comme le principal responsable du chaos. Mais Paris et Washington n'ont pas modifié leur politique, alors que la situation a radicalement changé sur le terrain. L'opposition modérée, représentée par l'Armée syrienne libre (ASL), sur laquelle voulaient s'appuyer les Occidentaux, a été marginalisée. Elle ne constitue plus une alternative. Profitant du «retrait» américain au Moyen-Orient, deux acteurs majeurs ont poussé leur influence en Syrie. La Russie, qui veut prouver qu'elle est redevenue une grande puissance, intervient militairement depuis le 30 septembre, y compris avec des hommes au sol, pour sauver le régime de Bachar el-Assad. L'Iran, avec ses pasdarans combattant aux côtés des forces syriennes, est redevenu un acteur incontournable depuis qu'il a réintégré la communauté internationale en signant l'accord sur le nucléaire.

Des intérêts contradictoires

Non seulement la politique du «ni-ni» (ni Bachar, ni Daech) préconisée par la France en Syrie n'a pas eu les résultats escomptés sur le terrain, mais elle se heurte aujourd'hui à l'opposition de puissances régionales si engagées dans le conflit qu'elles ne peuvent être exclues d'une future solution politique. C'était déjà tout l'enjeu des pourparlers de Vienne entre les puissances liées au conflit: trouver un compromis sur le sort de Bachar el-Assad. Les attentats de Paris donnent l'opportunité d'ouvrir le jeu et d'appeler à l'union la communauté internationale contre les djihadistes. Le mieux étant l'ennemi du bien, la grande coalition que François Hollande appelle de ses vœux décidera-t-elle, par pragmatisme et pour un temps au moins, de s'accommoder de Bachar el-Assad?

Le «fossé», selon les mots de David Cameron, qui oppose «ceux qui estiment qu'Assad devrait partir immédiatement et ceux qui continuent à le soutenir» finirait-il par disparaître que le problème de l'État islamique n'en serait pas pour autant résolu. Les pays engagés dans la guerre en Syrie ont des objectifs, stratégiques ou tactiques, très différents. 80 % des frappes russes ne sont pas dirigées contre Daech. La Turquie considère que les Kurdes sont un danger plus grand que l'État islamique. Les monarchies du Golfe, qui ont aidé les groupes djihadistes, en tout cas au début de la guerre, sont davantage préoccupées par la montée en puissance de l'Iran que par l'extension de Daech.

Guerre asymétrique

Dans cette guerre d'une complexité inouïe, dans laquelle sont impliqués plus de 30 pays, les alliances sont fragiles et les intérêts souvent contradictoires. Difficile d'imaginer qu'ils puissent s'accorder à court terme au sein d'une large et unique coalition. Sans compter que l'éradication de Daech au Levant ne fera pas disparaître la menace terroriste, qui se nourrit de nombreux autres foyers d'instabilité: en Libye, dans le Sahel, dans la Corne de l'Afrique ou dans les banlieues françaises et européennes. La guerre asymétrique menée par l'islamisme radical a été déclarée bien avant la guerre en Syrie. Celle qui oppose les sunnites aux chiites pourrait bien lui survivre.

L'adaptation diplomatique à la réalité du terrain comporte des risques et des avantages. «Le fait de désigner Daech comme notre priorité nous permet de gagner en clarté. Mais on risque aussi d'affaiblir les opposants modérés dans le débat syrien», explique Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique. La grande question reste de savoir si Russes et Iraniens se prêteront au jeu du compromis ou profiteront au contraire de l'ouverture pour pousser leur avantage dans la guerre syrienne.