Guerre commerciale: nouvelle escalade entre Pékin et Washington, l’UE dans l’expectative
Écrit par Jonathan PIRIOU sur avril 11, 2025
L’imposition par les États-Unis de droits de douane anormalement élevés à la Chine constitue une violation grave des règles du commerce international”, a affirmé la Commission des droits de douane du Conseil des affaires d’État, qui déplore une pratique “unilatérale d’intimidation et de coercition”, selon un communiqué publié vendredi par le ministère chinois des Finances.
“Comme à ce niveau de tarifs douaniers, les produits américains exportés vers la Chine n’ont plus aucune possibilité d’être acceptés sur le marché” chinois, si Washington continue d’augmenter ses droits de douane, “la Chine l’ignorera”, est-il ajouté.
L’incertitude générée par la politique de Donald Trump continue de faire plonger le dollar, qui a atteint vendredi un plus bas face à l’euro en plus de trois ans.
Les marchés boursiers européens, qui avaient été les seuls à résister jeudi, sont repartis dans le rouge après les annonces de Pékin, sans retrouver les chutes du début de la semaine. A l’inverse, les principaux indices de Wall Street semblaient partis pour ouvrir dans le vert, d’après les échanges électroniques d’avant l’ouverture.
– “Résister ensemble” –
Mercredi, Donald Trump a annoncé le gel pour 90 jours des plus grosses surtaxes punitives qu’il venait d’imposer à 60 partenaires commerciaux, le temps de boucler des négociations avec Washington.
Néanmoins, les États-Unis maintiennent depuis début avril un taux plancher de 10% et des surtaxes douanières de 25% sur l’acier, l’aluminium et l’automobile, notamment contre l’UE.
La Chine, elle, a été finalement frappée par une surtaxe monumentale à 145%.
Lors d’une rencontre vendredi avec le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, le président chinois Xi Jinping a appelé l’Union européenne à “résister ensemble” face à la guerre commerciale de Donald Trump.
“La Chine et l’UE doivent assumer leurs responsabilités internationales, protéger conjointement la mondialisation économique et l’environnement commercial international et résister ensemble à toute coercition unilatérale”, a lancé Xi Jinping à Pékin.
A l’issue de cette rencontre, Pedro Sanchez a indiqué devant la presse que “l’Espagne et l’Europe [avaient] un déficit commercial important avec la Chine qu'[ils devaient] s’efforcer de rectifier”. Mais “nous ne devons pas laisser les tensions commerciales entraver le potentiel de croissance des relations (…) entre la Chine et l’UE”, a-t-il ajouter.
– “Très intelligent” –
Le président français Emmanuel Macron a prévenu vendredi sur X que le rabaissement des droits de douane américains à 10% était “une pause fragile”. “Avec la Commission européenne, nous devons nous montrer forts: l’Europe doit continuer de travailler sur toutes les contre-mesures nécessaires”, a-t-il estimé.
Dans l’immédiat, l’UE a suspendu sa riposte, ce que Donald Trump a jugé “très intelligent”.
Le commissaire européen en charge du commerce, Maros Sefcovic, se rendra lundi à Washington pour échanger sur le sujet, a annoncé vendredi un porte-parole de l’exécutif européen.
Si les discussions avec les États-Unis échouent, la Commission européenne pourrait taxer les géants américains de la tech, a menacé sa présidente Ursula von der Leyen.
“Il existe un large éventail de contre-mesures”, a-t-elle indiqué dans le Financial Times, citant “une taxe sur les revenus publicitaires des services numériques” et le recours à l'”instrument anticoercition”, surnommé “bazooka” et pensé comme un outil de dissuasion.
De son côté, la Banque centrale européenne “surveille la situation et est toujours prête à intervenir” en utilisant les instruments dont elle dispose, a déclaré vendredi à Varsovie sa présidente Christine Lagarde, sans donner plus de détails.
D’autres pays asiatiques — dépendants de leurs exportations vers les États-Unis — font profil bas. A l’instar du Vietnam et du Cambodge, producteurs de textiles et membres de l’Association des nations d’Asie du sud-est (Asean), qui a dit qu’elle ne prendrait pas de mesures de rétorsion.
Donald Trump s’est montré serein jeudi en jugeant que “la transition aurait un coût et poserait des problèmes” mais qu’en fin de compte, “ça serait une bonne chose”. Le président américain a encore menacé jeudi soir le Mexique de nouveaux droits de douane.
Son ministre des Finances Scott Bessent a affirmé de son côté ne “rien” voir d'”inhabituel” sur les marchés, alors que des élus démocrates ont estimé que le président républicain les avait peut-être illégalement manipulés en encourageant l’achat d’actions juste avant sa volte-face mercredi.