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Grèce : les Européens s’accordent au forceps sur la sortie du plan d’aide

Écrit par sur juin 22, 2018

Les négociateurs avaient prévenu : refermer la parenthèse grecque et lâcherenfin du lest au pays après huit années de tutelle financière ne serait pas chose aisée. L’Eurogroupe de jeudi 21 juin à Luxembourg a confirmé la difficulté de l’exercice : les dix-neuf ministres de la zone euro n’ont finalement réussi à s’accorder sur les conditions de sortie de la Grèce de son troisième plan d’aide qu’à une heure très avancée de la nuit.

L’accord est historique et ouvre la porte à un retour du pays sur les marchés financiers le 21 août, trois ans après avoir frôlé le Grexit et dix ans après le début d’une violente crise économique et financière dont les citoyens grecs ne se sont toujours pas remis (le chômage reste à 20 % de la population active, à 43 % pour les jeunes).L’Eurogroupe avait promis à au moins deux reprises, en mai 2016 et en juin 2017, un allègement de l’énorme dette grecque (encore 178 % de son PIB) au premier ministre de la gauche radicale Alexis Tsipras. Mais à chaque fois du bout des lèvres, et à condition qu’Athènes remplisse des critères d’éligibilité assez vagues.

Jeudi soir à Luxembourg, les ministres ont pourtant tenu leur promesse, et de manière assez substantielle. La période de grâce durant laquelle le pays ne paiera ni intérêts ni capital sur 40 % de son stock de dettes (96 milliards d’euros, prêtés par le mécanisme européen de stabilité) sera allongée de dix ans. Athènes ne commencera à rembourser qu’à partir de 2032 au lieu de 2022.

Filet de sécurité

Autre concession, technique mais importante : la « maturité » de ces tranches de dette sera allongée de dix ans. La Grèce aura jusqu’à l’année 2069 pour rembourser l’intégralité des dettes contractées auprès du MES. Enfin, ses créanciers ont décidé de constituer un filet de sécurité de 15 milliards d’euros au pays, activable si l’accès aux marchés devenait trop coûteux dans les vingt-deux mois suivant le 21 août.

Il s’agissait de doter le pays d’un viatique suffisant pour rassurer les marchés, convaincre les investisseurs de lui faire à nouveau confiance, et lui ménager en conséquence des conditions de financement à des coûts supportables. « C’est un bon accord, crédible », ont souligné plusieurs sources proches des négociateurs.Athènes craignait par ailleurs de ne gagner qu’un régime de semi-liberté, l’Eurogroupe souhaitant garder un moyen de contrôle sur le pays, surtout éviterqu’à la faveur des prochaines élections législatives (2019), ou d’une alternance politique, Athènes ne remette en cause les réformes imposées. Mais Alexis Tsipras avait donné des gages ces derniers jours : il ne reviendrait pas sur les onze réformes successives des retraites mises en place ces huit dernières années.

Du coup, la surveillance imposée par l’Eurogroupe à Athènes sera plus conséquente que celle décidée pour le Portugal ou l’Irlande, par exemple, mais n’aura rien d’une tutelle prolongée. D’ici 2022, le pays devra se soumettre à un audit de ses comptes publics quatre fois l’an par la commission et le MES et risquera de voir une partie de ses allègements de dette suspendus en cas de remise en cause des réformes agréées durant les plans d’aide.

Les négociateurs ont multiplié les superlatifs jeudi soir. « La crise grecque s’achève ici, ce soir », s’est félicité le commissaire à l’économie Pierre Moscovici. « Il s’agit d’un bon accord qui va permettre à la Grèce de voir son avenir avec confiance, d’investir et de créer de la croissance pour le peuple grec », s’est félicité Bruno Le Maire depuis Luxembourg. « Le problème de la dette grecque est derrière nous », a ajouté, très optimiste, le ministre des finances français.

Pari très audacieux

« J’étais là au premier jour [de la crise grecque] quand l’institut de statistiques grec nous a révélé l’ampleur des chiffres [du déficit, deux fois pire que prévu, fin 2009]. C’est avec émotion et un sentiment de gravité qu’on tourne la page ensemble », a rappelé de son côté Christine Lagarde, la patronne du Fonds monétaire international (FMI), un autre des créanciers de la Grèce. « J’aurais été très heureux si les créanciers avaient effacé d’un coup 300 milliards d’euros de la dette grecque », a plaisanté le ministre des finances Euclide Tsakalotos.

L’accord n’aurait pas été possible sans un petit pas de Berlin. Très sévère avec le pays depuis le début de la crise, l’Allemagne a toujours hésité à prêterdavantage à Athènes. Au point que le ministre des finances Wolfgang Schäuble était devenu une bête noire des Grecs. Ces dernières semaines, son successeur, le social-démocrate Olaf Scholz, semblait vouloir marcher dans ses pas. Il a finalement choisi de privilégier un accord crédible pour les marchés financiers.

Cette position n’avait rien d’évident dans le contexte de profonde crise politique dans laquelle est plongée la coalition gouvernementale à Berlin, la chancelière Angela Merkel étant attaquée par l’un de ses partenaires, la CSU bavaroise, sur sa politique d’accueil des migrants. Mais aussi pour avoir fait trop de concessions au président Macron et avoir accepté le principe d’un budget de la zone euro mardi 19 juin lors du sommet de Meseberg.

L’accord grec n’aurait pas non plus été possible sans les efforts, considérables, des Grecs et l’attitude du gouvernement d’Alexis Tsipras, qui, après avoir pris la décision douloureuse, à l’été 2015, pour éviter un Grexit, d’abandonner ses promesses d’en finir avec l’austérité, a fini par accepter à peu près toutes les réformes des créanciers.

La Grèce referme une douloureuse parenthèse. Pour autant, à Luxembourg, tout le monde a pris un pari très audacieux sur le futur du pays. Car pour parvenir à contenir sa dette à des niveaux supportables, la Grèce devra dégager un surplus primaire (surplus budgétaire avant paiement des dettes) de 3,5 % de son PIB jusqu’en 2022 puis d’encore 2,2 % en moyenne pendant encore… trente-sept ans ! « Ce sera pour la prochaine génération de négociateurs », lâchait l’un d’eux, jeudi soir.