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Explosions en Iran : “Israël a mené une riposte de désescalade”

Écrit par sur avril 20, 2024

“Escalade” : maître-mot au Moyen-Orient, depuis le 7 octobre 2023. Vendredi 19 avril, à l’aube, trois explosions ont retenti près d’une base militaire, dans la province d’Ispahan, au cœur de l’Iran.

L’origine israélienne de l’attaque a été très rapidement confirmée par un haut responsable américain, cité par la chaîne chaîne ABC News. 

Toujours selon des sources américaines, l’État hébreu riposte à l’attaque historique menée par l’Iran, le weekend précédent. Dans la nuit du 13 au 14 avril, la République islamique a tiré quelque 300 drones et missiles contre Israël.

En Iran, l’agence officielle Irna a annoncé qu'”aucun dégât majeur” n’avait été rapporté après les explosions. Selon le New York Times, qui cite des responsables iraniens, l’attaque a été menée par de petits drones, probablement lancés depuis le territoire iranien.

D’après NBC et CNN, Israël aurait prévenu Washington de sa riposte. Mais les États-Unis “n’ont pas été impliqués dans une opération offensive”, selon les termes du secrétaire d’État américain Antony Blinken.

Aucun officiel israélien – à ce stade – n’a directement confirmé l’attaque.

Dans les heures qui ont suivi, la communauté internationale a lancé des appels à la retenue avec un mot d’ordre partagé : éviter une escalade régionale, alors que se poursuit en toile de fond la guerre entre Israël et le Hamas depuis les sanglantes attaques du mouvement islamiste, le 7 octobre.

Qu’entend tirer Israël de cette attaque contre l’Iran, menée sans l’aval de son allié américain ? France 24 s’est entretenue avec un expert des questions militaires, Guillaume Ancel, ancien officier français et écrivain

Venons-nous d’assister à une attaque inédite de la part d’Israël contre la République d’Iran 

Rappelons qu’Israël a maintes fois opéré des éliminations ciblées contre des individus liés à Téhéran, ou frappé les intérêts de l’Iran soit en Syrie, soit au Liban. Mais c’est en effet la première fois que l’Etat hébreu lance une attaque contre le territoire iranien avec des “vecteurs” comme des drones ou des missiles. Tout comme avant eux, le 13 avril, les Iraniens ont attaqué pour la première fois directement Israël sur son sol.

Et c’est ici que réside la source d’inquiétude pour la région : jusqu’alors, on croyait qu’une forme de “dissuasion” entre l’Iran et Israël les empêchait de se faire la guerre de façon directe, sans passer par les “proxies” de l’Iran (comme le Hezbollah). Mais le 13 avril, l’Iran a montré à Israël qu’il était parfaitement capable de franchir cette limite, et prêt à tirer des missiles contre Israël. Aujourd’hui, Israël, à son tour, montre que lui aussi est parfaitement prêt à riposter. Pour l’instant toutefois, la riposte demeure d’une très basse intensité. 

Une réponse modérée et opérée près d’une semaine après l’attaque iranienne. Pourquoi l’état-major israélien a-t-il attendu ?

Le gouvernement de Netanyahou a beaucoup hésité car – comme le révèle la presse israélienne – il y a d’importantes dissensions stratégiques au sein du leadership israélien : aux radicaux-religieux – qui se voient déjà recourir à l’option nucléaire contre l’Iran – s’opposent des acteurs plus raisonnables. Parmi eux, le cabinet de guerre israélien : ces militaires ont conscience qu’Israël n’a pas les moyens d’une escalade régionale sans une implication directe des Américains. Ces derniers ont très clairement fait savoir qu’ils n’accepteraient pas qu’Israël provoque une escalade de la guerre. 

Or lorsqu’un État tente d’éviter une “riposte” d’escalade, il laisse justement un peu de temps s’écouler, pour montrer qu’il est “réfléchi”. C’est sans doute ce qui explique que les Israéliens aient attendu plusieurs jours pour trouver le type de riposte jugé adéquat. Il ne s’agit donc pas d’une embuscade, mais au contraire d’un message stratégique, qu’on pourrait formuler ainsi : “nous gardons notre calme parce que de toute façon, votre attaque ne nous a même pas fait mal . En revanche, ayez bien conscience qu’on peut vous toucher au cœur même de l’Iran”.

Une forme de mise en garde n’ayant engendré ni victimes ni dommages, selon Téhéran. L’attaque israélienne et celle menée par Téhéran contre Israël le 13 avril obéissent-elles à la même logique ?

Le 13 avril, l’Iran a prévenu trois jours avant afin que chacun puisse se “mettre en ordre de marche” : Téhéran a “chorégraphié” une attaque. L’attaque israélienne du 19 est tout à fait symétrique : l’État hébreu rappelle que lui aussi, a les capacités de toucher le territoire iranien. 

En même temps, le (petit) type de drone manifestement choisi par Israël montre que – comme les Iraniens quelques jours avant – les Israéliens ne voulaient pas commettre de dégâts irréversibles. C’est typiquement ce qu’on appelle une riposte de désescalade.  

En revanche, les Iraniens ont immédiatement “mis en spectacle” et médiatisé leur frappes. Les Israéliens eux, tiennent à ce qu’il soit compris qu’ils sont à l’origine de l’attaque, mais sans “en faire trop”. (L’attaque n’a pas été directement revendiquée par un officiel israélien à ce stade, les informations ont filtré par les médias américains, NDLR). Benjamin Netanyahu en effet, dans une forme de déni et de dédain, voudrait montrer qu’il est étanche aux pressions de Téhéran. Et que son vrai sujet de préoccupation n’est que Gaza, où il entend continuer son opération de dévastation.

Si Washington était au courant de l’attaque israélienne, l’État hébreu a frappé sans l’assentiment américain. Qu’est-ce que cela dit de la relation israélo-américaine ?

Cela montre un véritable changement. Les experts militaires ont toujours considéré qu’Israël était totalement dépendant de la volonté américaine et jusqu’ici, dans tous les conflits au Proche-Orient, quand les Américains sifflaient la fin de partie, tout s’arrêtait, et personne ne discutait. 

Car les États-Unis fournissent entre 80 et 90 % des munitions utilisées par Tsahal, y compris celles du Dôme de fer, ce système qui a protégé l’Etat hébreu des 300 missiles et drones lancés par l’Iran dans la nuit du 13 avril. Au vu des munitions utilisées pour contrer l’attaque, il est probable qu’Israël soit en train de demander un réapprovisionnement à son allié. 

Voilà pourquoi l’actuel gouvernement israélien exaspère les Américains depuis l’attaque terroriste du 7 octobre : pourtant dépendant des États-Unis, le Premier ministre israélien fait en quelque sorte un bras d’honneur au président Joe Biden à chaque demande américaine.

Alors que depuis début janvier, les États-Unis travaillent à une trêve sur Gaza, notamment pour permettre la libération des otages israéliens encore vivants, Benjamin Netanyahou, lui, fait tout pour qu’il n’y ait pas de cessez-le-feu : il sait trop bien que si la guerre s’arrête, les Israéliens le pousseront vers la sortie.