Etats-Unis : six choses à savoir sur Amy Coney Barrett, choisie par Donald Trump pour remplacer Ruth Bader Ginsburg à la Cour suprême
Écrit par Jonathan PIRIOU sur septembre 27, 2020
Nous allons annoncer quelqu’un de fantastique ! Je pense que demain [samedi] va être une grande journée.“En ces quelques mots, prononcés devant la foule acquise d’un meeting à Newport News, en Virginie (Etats-Unis), Donald Trump a fait savoir que son choix était fait, vendredi 25 septembre. Sans en dire plus, le président américain a suggéré avoir trouvé sa candidate pour un remplacement décisif : celui de la juge Ruth Bader Ginsburg à la Cour suprême. Moins d’une semaine après la mort de la doyenne de la Cour, icône progressiste et féministe aux Etats-Unis, le dirigeant républicain a choisi la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett.
Si la nomination d’Amy Coney Barrett est confirmée, la Cour suprême comptera alors six juges conservateurs et seulement trois juges progressistes. La décision de nommer un nouveau juge avant l’élection présidentielle, dénoncée par les démocrates, peut définitivement ancrer dans le conservatisme la plus haute juridiction des Etats-Unis. Une institution capable de trancher des débats fondamentaux de société, comme le droit à l’avortement ou le port des armes. Qui est cette magistrate, dont les convictions sont aux antipodes de celles défendues par Ruth Bader Ginsburg ? Eléments de réponse.
1Une universitaire à la vision “originaliste”
Amy Coney Barrett a grandi à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, avant de partir pour le Tennessee, où elle a étudié la littérature anglaise. C’est surtout à la faculté de droit Notre-Dame, à South Bend dans l’Indiana, que l’étudiante s’est illustrée. Diplômée avec mention très bien de cette institution confessionnelle catholique, elle l’a rejointe dès l’âge de 30 ans en tant que professeure, souligne le Chicago Tribune*. Et ce, pour une durée de quinze ans. Plusieurs de ses anciens collègues, cités par le New York Times, évoquent une universitaire et une juriste ingénieuse, saluant son travail malgré leurs désaccords.
Avant cela, Amy Coney Barrett a travaillé pour plusieurs avocats et pour un juge conservateur de la Cour suprême, Antonin Scalia, avec qui elle partageait une vision “originaliste” du droit. Il s’agit, en d’autres termes, d’interpréter la Constitution telle qu’elle a été pensée lors de sa rédaction, plutôt que de se baser sur des jurisprudences. “Dans un système de jurisprudences, la nouvelle majorité est chargée d’expliquer en quoi la vision constitutionnelle de ses prédécesseurs est imparfaite, et en quoi la sienne saisit mieux le sens de notre loi fondamentale”, critiquait-elle dans un article en 2013, relève Politico*.
2Une “fidèle catholique”, membre d’un groupe contesté
A 48 ans, Amy Coney Barrett est mère de sept enfants, tous âgés de moins de 20 ans, relève le New York Times*. Deux d’entre eux ont été adoptés et sont originaires d’Haïti. L’enfant le plus jeune du couple Barrett souffre de handicap, il est atteint de trisomie 21.
“Fidèle catholique”, selon ses propres mots, Amy Coney Barrett et son mari, un ancien procureur, sont aussi membres d’un groupe chrétien nommé The People of Praise (Le Peuple de louange, en français) fondé en 1971. Une organisation critiquée pour son organisation jugée autoritaire, certaines “têtes” du groupe régissant le quotidien de plusieurs membres, dévoile le Guardian*. Dans ce groupe, les époux ont ainsi autorité sur leurs femmes, et chaque membre doit faire don de 5% de ses revenus à la communauté.
Des critiques rejetées par Le Peuple de louange, qui se présente comme une communauté de “partage de vies”, “où nous nous soutenons mutuellement, d’un point de vue financier, matériel et spirituel”.
3Une favorite des conservateurs
Forte de quinze ans d’expérience universitaire, Amy Coney Barrett n’est cependant juge fédérale que depuis le mois d’octobre 2017, après avoir été nommée directement par Donald Trump. Lors de son audition de confirmation au Sénat, plusieurs élus démocrates lui avaient reproché certaines de ses déclarations, dans lesquelles elle parlait ouvertement de ses convictions catholiques. La juriste avait, entre autres, déjà déclaré qu’une “carrière légale” était “un moyen au service d’une cause” : “construire le Royaume de Dieu”. Devant le Sénat, elle avait assuré que ses croyances ne pèseraient en rien sur ses missions de juge.
“Le dogme religieux vit bruyamment en vous”, lui avait lancé la sénatrice démocrate Dianne Feinstein en 2017. Une citation qui a permis à la nouvelle juge fédérale de gagner en popularité dans les cercles catholiques traditionalistes : ces mots ont été repris sur des mugs ou des tee-shirts, comme le symbole supposé d’une intolérance à l’encontre des catholiques, souligne le New York Times.
Un an plus tard, Amy Coney Barrett figurait déjà parmi les candidats favoris pour un poste à la Cour suprême. Celui-ci a finalement été pourvu par Brett Kavanaugh, mais “je la garde pour Ginsburg”, avait ensuite déclaré le président américain, d’après le site Axios*.
4Une juge opposée au droit à l’avortement…
Amy Coney Barrett expose depuis longtemps des positions anti-avortement. Elle le faisait déjà en tant que professeure de droit, puisqu’elle était membre de l’organisation Faculty for Life, un groupe réunissant des universitaires opposés à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Comme le rappelle Reuters*, certains de ses votes en tant que juge fédérale vont dans le sens de ces convictions. Elle s’est ainsi opposée à certaines décisions visant à invalider des restrictions au droit à l’avortement.
Si la juge fédérale est bien nommée à la Cour suprême, le camp progressiste craint qu’elle ne vienne menacer l’arrêt historique Roe v. Wade de 1973, qui a légalisé le droit à l’avortement aux Etats-Unis. Reviendra-t-elle sur cette décision ? Lors d’un débat en 2016, l’universitaire estimait que le droit à l’avortement ne serait pas modifié dans un futur proche. Mais les restrictions locales contre l’IVG de certains des 50 Etats du pays pourraient, selon elles, évoluer, rappelle Harper’s Bazaar*.
5… et critique de l’Obamacare
Fin juin, le ministère de la Justice américain a demandé officiellement à la Cour suprême d’abroger Obamacare, la loi sur l’assurance-maladie votée par l’administration Obama. Alors que la juridiction doit réexaminer l’Affordable Care Act en novembre, quelle est la vision de sa potentielle future juge sur le sujet ?
En 2012, rappelle le Guardian, Amy Coney Barrett s’était attaquée à une mesure de la loi qui imposait aux compagnies d’assurance d’offrir une prise en charge des méthodes de contraception. L’enseignante avait alors évoqué “une violation grave de la liberté religieuse”. Dans ses écrits, Amy Coney Barrett a également critiqué l’action du président de la Cour suprême, John Roberts, permettant le maintien d’Obamacare, rappelle le Los Angeles Times*.
6Une défenseuse du droit au port d’armes
La candidate à la Cour suprême s’est aussi déjà exprimée sur la question du droit au port d’armes à feu aux Etats-Unis. Elle a notamment souhaité contester une loi interdisant l’acquisition d’armes à feu pour les personnes ayant commis des crimes.
Un entrepreneur, reconnu coupable de fraude, jugeait alors que ce texte, qui lui interdisait donc l’acquisition d’une arme, était contraire à la Constitution. Dans un avis, Amy Coney Barret estimait que cette loi violait le deuxième amendement de la Constitution dans son cas, car celui-ci n’avait jamais été accusé de violences.