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Entre Le Pen et Philippot, la ligne est coupée

Écrit par sur septembre 19, 2017

Sommé de lâcher les Patriotes, l’association qu’il a créée avant les législatives, le vice-président du FN est en difficulté. A six mois du congrès, la rupture entre lui et Marine Le Pen semble consommée.Les jeux sont faits, reste à voir les modalités.» L’indiscrétion émane d’un membre du bureau politique du parti, qui a participé lundi à la réunion de cette instance du FN. La journée avait pour objectif, entre autres, de régler les modalités du questionnaire qui sera envoyé aux militants, l’une des phases de la refondation engagée par Marine Le Pen à l’issue de la double défaite à la présidentielle et aux législatives. Mais le bureau politique a vite tourné autour de la question du départ de Florian Philippot de la présidence de son association Les Patriotes. En réalité, de son départ du parti tout court. Lequel serait désormais «acté», affirme un membre de son premier cercle. Une autre source veut croire qu’«à ce stade, rien n’est irréversible», mais ça n’a pas l’air d’être la préoccupation première de l’eurodéputé.

«Divorce»

Le sujet des Patriotes est venu sur la table peu après le déjeuner, à la faveur de Marine Le Pen elle-même, qui a laissé Gilles Lebreton, autre membre du bureau politique, ouvrir les hostilités. A Philippot : «Les gens nous disent que Les Patriotes sèment le trouble, que tu veux la jouer solitaire.» Le débat ouvert, Le Pen a (re)demandé à son numéro 2 de quitter son association créée pendant les législatives, objet de frustrations et de tensions chez certains cadres. Ils voient dans cette initiative une provocation dans un parti archicentralisé qui ne reconnaît pas les tendances. A minima, une déclaration d’indépendance de la part de celui qui a largement pesé sur la stratégie ces dernières années, mais continuait de menacer de partir si des sujets comme la sortie de l’euro venaient à être abandonnés du futur programme «patriote», au profit de la seule stigmatisation de l’immigration. C’est que le FN est en pleine «refondation», et il ne faudrait pas que celle-ci se transforme en cacophonie. Raté, refus de Philippot.

«Cela fait cinq ans que vous me faites des coups sans arrêt. Quand j’aurai quitté Les Patriotes, ça sera quoi ? Je n’ai même plus le droit de manger un couscous.» On parle ici du «couscousgate», du nom de cette série de tweets haineux dont Philippot et ses proches ont récemment été victimes pour une simple photo d’eux mangeant un couscous à Strasbourg. «Ça sera quoi la prochaine fois ? La couleur de ma cravate ?» Réponse de Le Pen : «Si tu dois partir, le Front national n’en mourra pas. J’en ai vu d’autres.» Puis : «C’est comme dans un divorce, ça peut se passer bien ou ça peut se passer mal.»

Mardi, sur RMC et BFM-TV, Philippot n’est pas revenu sur sa décision : «On ne fera pas la refondation avec un pistolet sur la tempe», a-t-il dit, pourtant acculé par la dirigeante frontiste, invitée d’une autre matinale. En cas de refus, Le Pen a assuré qu’elle «prendrai[t] [ses] responsabilités». Cela paraît de plus en plus inévitable. «Dans les jours qui viennent», souffle-t-on au parti. Car Philippot n’a pas l’intention de céder.

Débandade

L’énarque voit dans les attaques concernant Les Patriotes un «prétexte»de ses adversaires au sein du parti pour le faire tomber. Beaucoup au FN, cadres comme militants, imputent au souverainiste la débâcle de la dernière séquence électorale, avec une stratégie trop «tournée à gauche»et donc peu à même d’attirer les électeurs de François Fillon déboussolés par la débandade de leur champion. Si, il y a encore quelques jours, des cadres haut placés tentaient de tempérer la crise en réduisant les tensions de ces derniers mois à des «querelles d’ajustement» en les mettant sur le compte d’une culture interne pas habituée aux clivages, il semble pourtant que la rupture entre la présidente et son numéro 2 est à l’ordre du jour.

La situation est telle qu’elle rappelle à certains le psychodrame des rapports entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret avant la scission du FN, à la fin des années 90. «Je [fais] confiance [à Florian Philippot] pour lever [les] ambiguïtés, pour rassurer les adhérents du Front national et pour, je le souhaite, se reconcentrer, comme l’intégralité des dirigeants du Front national, sur cette grande œuvre de refondation», a lancé mardi Marine Le Pen, présentant son numéro 2 comme un obstacle à l’opération de reconquête engagée par le parti. Un dernier argument pour justifier son départ. Ne reste plus qu’à voir les modalités.