Emiliano Sala s’en est allé
Écrit par Jonathan PIRIOU sur février 8, 2019
Emiliano Sala est décédé. L’attaquant italo-argentin n’a pas survécu au crash de l’avion qui le menait de Nantes à Cardiff. Son corps a été identifié jeudi par la police de Dorset. Le monde du football pleure un homme apprécié de tous.
Emiliano Sala n’est plus. Le corps de l’attaquant italo-argentin a été identifié jeudi par les autorités britanniques après avoir été repêché mercredi dans la carcasse de l’avion retrouvé au fond de la Manche. L’appareil avait disparu le 21 janvier alors qu’il faisait la liaison entre Nantes et Cardiff. Il transportait Sala et le pilote, David Ibbotson, dont le corps n’a pas été retrouvé. L’Argentin est décédé à l’âge de 28 ans.
La disparition de Sala avait provoqué un élan de solidarité sans précédent. Il y a eu d’innombrables témoignages d’affection. Il y a eu la mise en place d’une cagnotte pour récolter les fonds nécessaires à la reprise des recherches sous-marines quand elles étaient sur le point d’être abandonnées. Personne ne voulait croire à cette issue, même si elle devenait toujours plus probable au fur et à mesure que le temps passait. Parce que Sala était apprécié et aimé de tous. Parce qu’il était un exemple de volonté et de combativité. Parce qu’il n’abandonnait jamais et luttait toujours jusqu’au bout. Mais il n’a rien pu faire pour se sortir de cet avion maudit.
Sa vie s’est arrêtée brutalement, alors qu’il en était à un tournant. Auteur d’un excellent début de saison avec le FC Nantes, le Sud-Américain s’était engagé avec le Cardiff City FC, le samedi précédant sa disparition. Revenu à Nantes pour saluer ses ex-coéquipiers et récupérer ses dernières affaires, il avait pris cet avion pour rejoindre son nouveau club.
“Il avait beaucoup d’espoir, vous savez ce que c’est que de jouer en Premier League. Il n’aurait jamais cru qu’il atteindrait ce niveau, c’était un truc de fou“, avait déclaré son père, Horacio Sala, le jour de la disparition du joueur à une radio locale argentine, alors que l’espoir de retrouver son fils vivant perdurait alors. L’ascension de Sala dans la hiérarchie du football mondiale n’était pas spectaculaire, certes. Mais elle était concrète et le fruit d’une remarquable pugnacité.
Une tardive éclosion
Arrivé l’année de ses 20 ans à Bordeaux, en 2010, après avoir été repéré dès ses 15 ans et avoir fait ses gammes au Proyecto Crecer (filiale du club bordelais située à San Francisco, en Argentine), Emiliano Sala avait en effet mis longtemps à éclore au plus haut niveau. En Gironde, cet avant-centre d’1m87 à la démarche dégingandée, et dont la pointe de vitesse n’a jamais été le point fort, a dû faire ses preuves dans l’antichambre du monde professionnel.
En 2011-12, il avait réalisé une saison correcte avec la réserve bordelaise (11 buts en 30 matches) et fait ses débuts avec l’équipe première, lors d’un 8e de finale de Coupe de France perdu à Lyon (3-1 a.p.). Mais le club girondin ne l’estimait pas encore assez aguerri. Il avait alors enchaîné les prêts fructueux à Orléans, en National, et Niort, en L2, avec à chaque fois 18 buts en 37 matches de championnat à la clé. Mais à son retour à Bordeaux, pour la saison 2014-15, il n’avait toujours pas convaincu. En concurrence avec Cheick Diabaté, Sala n’avait marqué qu’un but en 11 matches de L1 (quatre titularisation), avant d’être de nouveau prêté lors du mercato d’hiver. Ce prêt, dans un club de l’élite cette fois, allait lui permettre de passer un cap.
“Apprécié de tous”
C’est à Caen qu’avait débarqué le grand avant-centre italo-argentin, en janvier 2015. Il allait s’y révéler. Durant cette pige d’une demi-saison, il s’était bien intégré au collectif, avait claqué 4 buts et réalisé 2 passes décisives lors de ses 5 premiers matches, affichant finalement le bilan de 5 buts en 13 rencontres de Ligue 1. Rien d’exceptionnel, mais suffisant pour suggérer qu’il avait le niveau pour être la pierre angulaire d’une attaque. Suffisant, aussi, pour marquer les esprits. Fabien Mercadal, coach du Stade Malherbe depuis seulement six mois, n’a jamais dirigé Sala. Mais il a évoqué ce mardi un joueur “apprécié de tous ses anciens coéquipiers et du personnel administratif” et un “vestiaire (caennais), très, très, très impacté” par la disparition de ce dernier.
Sala n’avait pourtant fait qu’un court passage à Caen. A l’été 2015, il avait été vendu pour 1 million d’euros à Nantes par Bordeaux. Il allait y inscrire 48 buts en 133 matches, prenant une importance croissante dans l’effectif des Canaris. Importance matérialisée statistiquement : auteur de 6 buts en 31 matches de L1 lors de sa première saison avec le FCN, il avait doublé son total lors de l’exercice suivant avec 12 buts en 34 matches, avant de confirmer en 2017-18 avec une nouvelle fois 12 buts, en 36 matches, et de partir sur des bases encore plus élevées en ce début d’exercice (12 réalisations en 19 rencontres).
“Un attaquant comme on en voit peu”
Doté d’un excellent jeu de tête, Sala était un buteur dans l’âme, “un attaquant comme on en voit très peu aujourd’hui“, selon l’entraîneur nantais Vahid Halilhodzic. Mais pas (seulement) un renard des surfaces. Il faisait preuve d’une combativité de tous les instants, apportait une contribution précieuse dans les sorties de balle grâce à un jeu dos au but de bonne facture et une présence athlétique indéniable dans la surface.
Son activité sur le terrain était une qualité qu’il revendiquait. “Je cours beaucoup. On peut penser que, du coup, je suis moins lucide devant le but, mais c’est mon jeu. Je me sens bien si je cours, si je touche beaucoup de ballons”, déclarait-il notamment. “Évidemment, en tant qu’attaquant, j’attends le but avec impatience. Mais ça ne me perturbe pas mentalement“, disait-il même lors de sa première saison à Nantes, durant laquelle il mit 17 journées à trouver le chemin des filets en L1.
Un transfert record… et une glaçante prémonition
C’était une caractéristique de son jeu, mais aussi un témoin de sa personnalité. Les joueurs attirés par le but sont souvent férus de statistiques, jugés par ce prisme et donc obnubilés par le fait de marquer, ce qui peut faire d’eux de grands champions, mais pas forcément d’excellents coéquipiers. Sala n’avait pas cette réputation. Sa carrière, dénuée d’incartades, et la multiplication des hommages qui lui sont rendus ne dépeignent rien d’autre qu’un homme appréciable. Waldemar Kita, président du FC Nantes, l’a par exemple qualifié de “garçon poli, gentil, adorable et adoré par tout le monde, toujours très respectueux et très courtois” sur CNEWS, ce mardi. Il venait pourtant de s’en séparer… mais pour la somme de 17 millions d’euros. Nantes n’avait jamais vendu un joueur aussi cher.
Après son transfert, Sala était donc revenu de Cardiff par cet avion de tourisme. Il avait vidé son casier à la Jonelière, échangé quelques mots avec ses ex-coéquipiers. Son ami Nicolas Pallois l’avait conduit à l’aéroport. Sala, selon nos confrères de 20 minutes, lui avait confié que le trajet pour venir à Nantes ne s’était pas très bien passé et qu’il avait des craintes pour le retour. Si seulement il s’était écouté…