Elections législatives au Canada : six choses à savoir sur le Premier ministre Mark Carney, ex-banquier et novice en politique
Écrit par Jonathan PIRIOU sur avril 29, 2025
Arrivé au pouvoir début mars après la démission de Justin Trudeau, l’économiste originaire du Grand Nord vient d’être élu pour la première fois au Parlement.Il veut “s’opposer au président Trump”, et c’est sans doute ce qui l’a porté vers la victoire. Mark Carney est assuré de rester Premier ministre du Canada, après la victoire du Parti libéral aux élections législatives anticipées, lundi 28 avril. Faute d’une majorité à la Chambre des communes, le successeur de Justin Trudeau devra former un gouvernement minoritaire et composer avec les autres formations politiques pour diriger. Franceinfo brosse le portrait de cet économiste et ex-banquier, qui n’a commencé sa carrière en politique qu’en mars, en prenant la tête de son parti et du gouvernement.1 Il est né dans une petite ville du Grand Nord
Fils d’enseignants, Mark Carney est le troisième d’une fratrie de quatre enfants. Agé de 60 ans, il est né à Fort Smith, une commune de moins de 3 000 habitants, dans la province des Territoires du nord-ouest. Le Canadien a retenu de ces premières années dans le Grand Nord que “nous sommes juste un petit et humble élément d’un écosystème”, rapporte Politico(Nouvelle fenêtre).
Lorsque Mark Carney était âgé de 6 ans, sa famille a déménagé à Edmonton, capitale de la province rurale de l’Alberta. Après avoir été scolarisé dans des établissements catholiques, ce fan de hockey a obtenu une bourse pour étudier l’économie dans la prestigieuse université américaine Harvard, poursuit Politico. Mark Carney a travaillé trois ans dans des banques, avant de reprendre ses études à l’université britannique d’Oxford, où il a obtenu un doctorat en économie. C’est aussi là qu’il a rencontré sa future épouse, Diana Fox, elle-même britannique.
2 Il a dirigé deux banques centrales
Economiste reconnu, Mark Carney a été nommé gouverneur de la Banque du Canada en 2008, en pleine crise économique mondiale. Il fait le choix, alors contesté, de baisser et maintenir à un bas niveau les taux d’intérêts, “aidant les entreprises à continuer d’investir alors que les marchés plongeaient”, analyse la BBC(Nouvelle fenêtre).
En 2013, Mark Carney est devenu le premier étranger nommé à la tête de la Banque d’Angleterre. Le Canadien, à qui on attribue une modernisation de l’institution, a, là encore, dû faire face à une crise d’ampleur : le vote du Brexit en 2016. Durant des mois, il a mis en garde, en vain, contre les conséquences sur l’économie britannique d’une sortie de l’Union européenne, rappelle le Guardian(Nouvelle fenêtre).Un parcours qu’il a mis en avant dans la campagne pour les législatives canadiennes. “Je sais comment faire face aux crises”, a-t-il déclaré lors d’un débat télévisé, assurant que le Canada avait besoin de ses compétences de négociateur et d’économiste pour faire face à la guerre commerciale avec les Etats-Unis.
3 Il défend la finance verte
Après ses années à la tête de ces deux banques centrales, Mark Carney a été nommé envoyé spécial de l’ONU pour l’action climatique, en 2019. L’année suivante, il a rejoint un fonds de gestion d’actifs engagé dans la finance durable, avant de créer, en 2021, une alliance de banques et d’institutions financières promouvant la neutralité carbone.
La même année, Mark Carney a publié Valeur(s), un livre dans lequel il dénonce l’inaction politique contre la crise climatique. Son Grand Nord natal “est désormais en train de fondre, enclenchant un processus qui relâche du CO2 et du méthane, ce qui accélère le réchauffement climatique”, y écrit-il, appelant à développer la finance verte.
4 Il a trois nationalités (pour l’instant)
Trois des grands-parents de Mark Carney sont nés en Irlande. Attaché à ses racines, le libéral a demandé la nationalité irlandaise dans les années 1980. Il a aussi obtenu la nationalité britannique en 2018, alors qu’il était gouverneur de la banque d’Angleterre.
Début mars, l’ex-banquier a toutefois annoncé à la presse qu’il avait entamé des démarches auprès de l’Irlande et du Royaume-Uni pour renoncer à ces deux citoyennetés, selon la CBC(Nouvelle fenêtre), l’audiovisuel public canadien. “Je ne juge pas [ceux qui ont plusieurs passeports]. Je dis simplement qu’en tant que Premier ministre, je devrais avoir seulement une nationalité”, avait expliqué celui qui briguait alors la tête de son parti et du gouvernement, à la suite de la démission de Justin Trudeau.
5 Novice en politique, il vient d’être élu pour la première fois
Rareté dans la vie politique canadienne, Mark Carney a été nommé Premier ministre sans jamais avoir occupé de poste au gouvernement, ni obtenu de mandat électoral. “Les Canadiens ne savent presque rien de lui”, expliquait à franceinfo Darrell Bricker, directeur du pôle politiques publiques chez Ipsos Canada, à la veille du scrutin.
Les électeurs ont commencé à découvrir ce père de quatre filles en janvier, lorsqu’il a annoncé briguer la succession de Justin Trudeau. Malgré son manque de notoriété, Mark Carney est parvenu à remporter le vote interne au Parti libéral, face notamment à l’ex-ministre des Finances Chrystia Freeland. Il a aussitôt endossé le rôle de Premier ministre et convoqué des élections anticipées.La campagne pour les législatives a montré que l’ex-banquier “n’avait pas de talent naturel pour faire campagne ou pour les discours”, juge Darrell Bricker. Cela ne l’a toutefois pas empêché de s’imposer largement dans la circonscription de Nepean, en banlieue d’Ottawa. Pour sa toute première candidature à une élection, le Premier ministre a obtenu 63,7% des votes dans ce territoire acquis aux libéraux, rapporte la CBC(Nouvelle fenêtre).Il a fait campagne sur son opposition à Donald Trump
Le succès de Mark Carney s’est joué sur deux éléments : le changement de leadership à la tête du Parti libéral, alors que nombre de Canadiens étaient lassés de Justin Trudeau, et, surtout, la guerre commerciale initiée par Donald Trump. En imposant des droits de douane sur l’acier et l’automobile, le président américain a chamboulé les élections chez son voisin.En déclarant à plusieurs reprises qu’il voulait faire de son voisin septentrional le “51e Etat américain”, le milliardaire a aussi provoqué un regain de patriotisme au Canada et redonné de l’élan au parti au pouvoir. Les attaques de Donald Trump “favorisent structurellement les libéraux, associés depuis les années 1960 à la défense de l’identité nationale”, explique à franceinfo Luc Turgeon, politologue à l’université d’Ottawa.
Mark Carney ne s’y est pas trompé. Lorsqu’il a convoqué les élections législatives, le Premier ministre a demandé aux Canadiens de lui donner “un mandat fort” pour répondre aux menaces du président américain. “Donald Trump a initié une guerre commerciale. (…) Nous n’avons pas demandé [à mener] cette bataille. Mais dans cette guerre commerciale, comme au hockey, nous allons gagner”, avait promis le libéral, lors d’un meeting le 20 avril.