Elections en Allemagne : les quatre secrets d’Angela Merkel pour durer
Écrit par Jonathan PIRIOU sur septembre 24, 2017
A la tête de l'Allemagne depuis 2005, la chancelière Angela Merkel a vu défiler quatre présidents de la République française, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron. Tous s'en vont, elle demeure. Si son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), remporte comme prévu les législatives du 24 septembre, elle devrait, sauf coup de tonnerre, exercer un quatrième mandat à la tête de l'Etat fédéral. Mais comment fait-elle pour rester au pouvoir alors que tous les dirigeants européens valsent autour d'elle ? Quels sont les secrets de celle qui a choisi comme slogan de campagne "Une Allemagne où il fait bon vivre" ? Eléments de réponse.
1Elle joue de son image rassurante
Premier trait marquant : par son train de vie modeste, Angela Merkel est un gage de stabilité pour les Allemands. A Berlin, elle vit dans un appartement sans clinquant, au bord de la Spree, et non à la chancellerie. Et on ne lui connaît qu'un seul luxe : une petite datcha dans l'Uckermark, une région de forêts et de lacs très peu habitée, "au milieu de nulle part", souligne Amaury Guibert, le correspondant de France 2 à Berlin, joint par franceinfo.
Si cette austérité correspond à la réalité, c'est aussi un atout de communication dont elle use. A chaque campagne électorale, la chancelière exploite son image de ménagère économe pour cibler l'électorat féminin et renforcer son image de "Mutti" (maman). Fin août, elle livrait ainsi au populaire magazine Bunte sa recette de soupe de pommes de terre pour ne rien laisser perdre ("les écraser avec un pilon et non un presse-purée"). Il y a quatre ans, lors de la précédente campagne des législatives, elle avait déjà donné ses conseils "pour réaliser de succulentes rinderroulades, un plat typiquement allemand".
Dans une Allemagne prospère, première puissance économique d'Europe, Angela Merkel s'attache ainsi à montrer qu'elle ne gaspille pas l'argent du contribuable. Et offre à ses concitoyens l'image précieuse d'une dirigeante stable dans un monde instable.
2Elle écoute l'opinion publique
A l'étranger, on lui a parfois reproché une attitude jugée trop attentiste, notamment lors de la crise financière de 2008. Cette chancelière peu impulsive a pourtant su, à l'occasion, répondre très vite aux attentes des Allemands, quitte à changer d'avis. Ministre de l'Environnement en 1997, elle avait défendu avec ardeur le nucléaire lors des négociations sur le protocole de Kyoto. En 2011, après la catastrophe de Fukushima, elle bascule du côté des antinucléaires.
"L'opinion allemande a une peur très ancrée du nucléaire et Angela Merkel l'a écoutée", estime la journaliste Michaela Wiegel, correspondante à Paris du quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung,contactée par franceinfo. Moins de trois jours après l'accident nucléaire au Japon, la chancelière annonce ainsi l'arrêt provisoire de plusieurs centrales. Deux mois plus tard, elle confirme que l'Allemagne sortira définitivement du nucléaire en 2022.
Sur l'ouverture du mariage aux homosexuels,elle a tout autant surpris. S'agissait-il de couper l'herbe sous le pied de son rival du Parti social-démocrate (SPD) ? Sans doute. Comme le rappelle Amaury Guibert, son président, Martin Schulz, "en avait fait un argument de campagne" au printemps dernier. "Il avait déclaré qu’il n’accepterait aucune coalition qui ne mette pas en priorité la légalisation du mariage pour tous. Selon les sondages, les trois quarts des Allemands y étaient favorables", souligne le correspondant. Le sujet risquait de nuire aux conservateurs de la CDU, en pleine campagne électorale.
Opposée à titre personnel au mariage pour tous, Angela Merkel a finalement lâché du lest et annoncé qu'elle laissait les députés de son parti se prononcer librement, sans consigne de vote. Le 30 juin 2017, le texte est approuvé par une majorité de 393 élus sur 623. "En trois jours, retournement complet et c'était réglé", résume Amaury Guibert.
3Elle sait être fidèle à ses valeurs
"Nous y arriverons !" L'injonction d'Angela Merkel à l'été 2015 a marqué les mémoires. A ce moment-là, des centaines de milliers de Syriens fuient la guerre qui dévaste leur pays. Le 27 août, une information bouleverse l'Europe, alors que ses dirigeants participent à un sommet des Balkans de l'Ouest : 71 corps de migrants sont retrouvés dans un camion, au bord d'une autoroute autrichienne. "Nous sommes tous bouleversés par ces terribles nouvelles, réagit alors la chancelière allemande. C'est un avertissement pour que l'on se mette au travail, pour résoudre ce problème et faire preuve de solidarité." Le journaliste Amaury Guibert analyse : "Il ne s'agit pas d'un bateau qui coule au milieu de la Méditerranée. Là, ça se passe aux portes de la maison."
Et Angela Merkel se saisit de la question. Quatre jours plus tard, alors que la Hongrie annonce son intention de bloquer les migrants, la chancelière lance, lors de sa traditionnelle conférence de rentrée, son fameux slogan pro-migrants : "Wir schaffen das !" ("Nous y parviendrons").
"Dire qu'elle a ouvert les portes de l'Allemagne n'est pas tout à fait exact, poursuit Amaury Guibert, puisque les portes étaient ouvertes. En fait, elle a annoncé qu'elle n'appliquerait plus l'accord de Dublin" et qu'elle ne renverrait donc pas les migrants dans le pays d'Europe par lequel ils étaient entrés. Sous l'impulsion d'Angela Merkel, l'Allemagne accueille plus d'un million de réfugiés en quelques mois. Dans les gares allemandes, ils sont accueillis avec une incroyable chaleur, comme le montre ce reportage de France 2.