Édouard Philippe à Matignon : quels sont les pouvoirs du premier ministre ?
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 15, 2017
Le député-maire du Havre a été nommé à Matignon au lendemain de l'investiture officielle d'Emmanuel Macron.était un secret de polichinelle, c'est désormais acté. Le juppéiste Édouard Philippe est le nouvel occupant de Matignon. Dans un premier temps, il aura surtout la mission de conduire la campagne en vue des élections législatives, dont le résultat conditionnera son avenir à l'hôtel de Matignon. Néanmoins, en endossant le costume de premier ministre lors de la passation de pouvoir avec Bernard Cazeneuve, ce lundi 16 mai, Édouard Philippe est investi d'autres pouvoirs. Il est difficile de circonscrire les pouvoirs du premier ministre, qui ne sont jamais autant marqués et éclatants qu'en période de cohabitation. En période normale, les orientations politiques des deux têtes de l'exécutif ne diffèrent – en principe – pas.
Dans la constitution française de 1958, acte fondateur de la Ve République, des pouvoirs très importants sont conférés au président ainsi qu'au premier ministre, ce qui a conduit certains constitutionnalistes à qualifier cette organisation des pouvoirs "d'exécutif bicéphale", pour souligner la double gouvernance au sommet de l'État. Pendant son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait qualifié François Fillon de "collaborateur", ce qui est inexact en vertu du texte constitutionnel, même si le premier ministre est malgré tout désigné par le chef de l'État.
Incarnation de la majorité parlementaire et rôle politique fort
Les pouvoirs du premier ministre peuvent se scinder en deux grandes parties. Il a d'une part un rôle politique et d'autre part un rôle administratif. Chef de l'exécutif, il dirige l'action du gouvernement qui lui-même "détermine et conduit la politique de la nation", selon l'article 20 de la Constitution. Il est aussi chef de la majorité parlementaire, ce qui explique la possible remise en cause d'Édouard Philippe à Matignon à l'issue des législatives de juin, si d'aventure La République En Marche n'obtenait pas la majorité escomptée. Il ne nomme pas lui-même les membres du gouvernement – dont il dirige pourtant l'action – mais il propose des noms de personnalités au président de la République, qui est libre de les accueillir favorablement ou non. Si le chef de l'État n'a pas à obtenir la signature du premier ministre pour la dissolution de l'Assemblée nationale ou un projet de référendum, le contreseing du chef de l'exécutif est indispensable pour les actes de promulgation des lois ou les ordonnances, mais aussi pour les décrets de convocation du Parlement en session extraordinaire.
Par exception, le premier ministre peut présider le Conseil des ministres à la place du président de la République. En 2005, Dominique de Villepin avait eu à endosser cette charge et à remplacer Jacques Chirac, très affaibli en raison d'un accident vasculaire cérébral.
Chef politique mais également chef de l'administration ministérielle
La différence est ténue. Si le premier ministre est le chef du gouvernement, il n'est pas le supérieur hiérarchique de ses ministres, qui sont chacun responsables de leur administration ministérielle. Ainsi, il ne peut, en principe, pas contraindre un ministre à prendre une décision qu'il n'approuverait pas. Un blocage qui n'en est pas réellement un puisque le premier ministre peut tout de même proposer la révocation des ministres au président, si une faute grave est constatée.
En tant que premier ministre, Édouard Philippe va également être placé à la tête d'une administration ministérielle. Il est en ce sens au-dessus des employés et fonctionnaires de ce département dans l'organigramme administratif. Un statut qui ne régit pas le poste des différents ministres.