Colère des surveillants de prison : quatre données pour comprendre le malaise des gardiens
Écrit par Jonathan PIRIOU sur janvier 22, 2018
Colère des surveillants de prison : quatre données pour comprendre le malaise des gardiens
Les surveillants de prison ne décolèrent pas. Leur mouvement de contestation se poursuit, lundi 22 janvier, avec près de 140 établissements (sur 188) touchés dans la matinée, selon l'Ufap-Unsa. Dimanche soir, une nouvelle agression a eu lieu à Longuenesse (Pas-de-Calais). La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, s'apprête à recevoir les organisations syndicales du personnel pénitentiaire. Franceinfo revient sur quatre données qui expliquent leur colère.
Une surpopulation record
C'est l'un des problèmes majeurs des prisons françaises. Au 1er décembre 2017, on comptait 69 714 personnes derrière les barreaux. Un chiffre proche du record, atteint en avril 2017, avec 70 203 personnes incarcérées. Ce phénomène touche particulièrement les maisons d'arrêt, qui accueillent les courtes peines. Leur taux d'occupation est en moyenne de 142%.
En avril dernier, une soixantaine de surveillants pénitentiaires avaient bloqué la maison d'arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) pour dénoncer une surpopulation record de 201%. Trois maisons d'arrêt ont un taux d'occupation supérieur ou égal à 200% : celles de La Roche-sur-Yon, Meaux et Nîmes. Autour de 1 500 personnes dormiraient chaque nuit sur des matelas posés au sol, d'après l'Observatoire international des prisons (OIP).
La cause principale de cette situation est que le nombre de détenus a doublé en France, ces 40 dernières années, selon l'Observatoire international des prisons. Mais le personnel n'augmente pas aussi vite que le nombre des détenus. Pour Didier Fassin, sociologue spécialiste des prisons contacté par franceinfo, "le niveau de surpopulation carcérale, ingérable pour les surveillants et insupportable pour les prisonniers, a aggravé les agressions contre le personnel, et aussi contre les détenus (dont on parle très peu)".
Des agressions fréquentes
Depuis 2011, on dénombre chaque année une moyenne de 4 124 agressions physiques dans les prisons françaises. En 2017, il y en a eu presque 11 par jour. Parmi ces agressions auxquelles est confronté le personnel, 51 prises d'otage ont eu lieu depuis 2011. Dans Le Monde, un surveillant pointe l'augmentation de détenus "plus jeunes" et "plus radicalisés". Ils "refusent farouchement toute forme d’autorité et ne sont pas là pour faire leur peine, mais pour s’opposer au système", constate Jean-François Forget, secrétaire général adjoint de l'Ufap-Unsa.Contacté par franceinfo, Emmanuel Baudin, secrétaire national de FO, relativise l'importance de ces détenus radicalisés "qui ne composent pas l'essentiel des prisons". "C'est la société dans son ensemble qui a changé. Il n'y a plus le respect qu'il y avait entre détenus et surveillants, explique-t-il. On a des gens qui n'ont jamais été insérés dans la société donc quand ils arrivent, ils sont de toute façon en rébellion. Et pour les détenus en situation de troubles psychiatriques, il n'y a plus d'obligations de soin donc forcément ça rajoute aux risques de violences." Emmanuel Baudin affirme cependant que la majorité des détenus ne pose pas de soucis.
Des salaires trop faibles
Malgré ce quotidien tendu et difficile, les salaires ne suivent pas, selon le personnel pénitentiaire. "On débute sur une base de 1 400 euros", confie Emmanuel Baudin, évoquant son cas personnel : "Moi, ça fait seize ans que je travaille dans les prisons et je touche 1 800 euros par mois, avec les primes." Selon Europe1, qui cite le rapport de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), le salaire net moyen des gardiens de prison s'élevait pourtant à 2 258 euros en 2015. Un chiffre qui étonne Emmanuel Baudin : "C'est sans doute le salaire avec les heures supplémentaires. Mais nous, ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir vivre avec un salaire décent sans faire d'heures supplémentaires."