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“Ça explose et on fait comme si de rien n’était !” : la rentrée chaotique des élèves réunionnais en plein regain de l’épidémie de coronavirus

Écrit par sur août 27, 2020

Les écoles de La Réunion espéraient une rentrée sereine : c’est raté. Le nombre de cas de coronavirus flambe sur l’île, jusqu’ici relativement épargnée par l’épidémieQuarante-huit nouvelles personnes infectées ont été enregistrées en 24 heures mardi 25 août, avec quatre nouveaux clusters. Une semaine après la rentrée scolaire, qui a eu lieu lundi 17 août, certains établissements sont déjà contraints de renvoyer des élèves chez eux.

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Mais pas question, pour l’académie de La Réunion, de fermer systématiquement des écoles entières. A Saint-Denis, Saint-Paul et dans d’autres villes de l’île, une trentaine d’élèves ont été testés positifs au Covid-19 depuis la semaine dernière. Les 14 établissements concernés ont demandé à leurs camarades de classe de rester chez eux. Tout comme les professeurs ayant été en contact avec le groupe. Les autres enfants, eux, sont attendus en classe. Et cela n’est pas pour rassurer les parents : “Il peut y avoir d’autres cas qui n’ont pas été détectés, des asymptomatiques par exemple”, s’alarme Marina, mère d’un élève de CP à Saint-Benoît. “Quand je dépose mon fils à l’école le matin, tous les petits sont rassemblés sous le préau, sans masque ni distance, alors que le virus circule. On les jette dans la gueule du loup !” rapporte-t-elle, inquiète.

Chaque jour, de nouveaux établissements enregistrent des cas de contamination parmi leurs élèves. Et les rumeurs vont bon train. “Les informations ne circulent pas toujours de façon officielle. Mais par le bouche-à-oreille, on voit bien qu’il y a des cas partout !” Aurore, à Saint-Benoît, a d’ores et déjà retiré sa fille du collège du Bassin Bleu où elle est scolarisée en classe de troisième : “Avec les profs placés en quarantaine, elle n’a que deux heures de cours par jour. Je la garde à la maison !” affirme la mère de famille, même si elle souhaite “éviter de tomber dans la paranoïa”.

Nouveau jeu à la Réunion : celui qui reste le plus longtemps avec sa classe dans son lycée sans être confiné a gagné (non).— Valérie Robert ️ (@ValRobert974) August 24, 2020

Des élèves “agglutinés dans de petits escaliers”

Au sein des établissements, les professeurs rapportent des situations lunaires. Dans le lycée de Saint-Denis où Guillaume* enseigne, trois lavabos ont été disposés à l’entrée pour que les élèves se lavent les mains chaque matin : “Les grilles ouvrent cinq minutes avant le début des cours. Donc à 7 heures, une centaine d’élèves se ruent sur les trois robinets, se collent tous pour se rincer rapidement les mains, avant de rejoindre leurs classes”, raconte-t-il, sidéré.

Scènes similaires dans un autre établissement de la ville : “Les 1 000 élèves du lycée prennent leur recréation en même temps : ils sont agglutinés dans de petits escaliers, regroupés dans des endroits exigus. A la cantine, ils patientent par soixantaine et déjeunent tous ensemble, sans masque”, détaille François*, un professeur. Difficile dans ces conditions de retracer tous les cas contacts du malade, surtout quand les groupes sont brassés : “Ils maintiennent à domicile des classes, mais avec la réforme du lycée, les élèves n’ont pas de classe unique. Ils ont plusieurs groupes selon les cours qu’ils ont choisis. Au terme d’une journée, ils ont en fait rencontré tous les élèves d’un même niveau”, soupire Guillaume.

Mille élèves prennent leur récréation ensemble. On ne peut pas recouper tous les cas contacts.François, professeur à Saint-Denisà franceinfo

Pourquoi, s’interrogent les professeurs, ne pas mettre en place des mesures pour éviter les contacts entre élèves ? “On n’a rien retenu des mesures mises en place en juin dernier. On pourrait organiser des arrivées et des sorties échelonnées, ou des récrés décalées”, propose François. “Trop compliqué”, rejette Gilles Frémenteau, proviseur au lycée Mémona Hintermann-Affejee, à Saint-Denis. “On me demande d’accueillir 1 140 élèves, ce qui demande une gestion très particulière. Le bâtiment est rempli : je n’ai pas assez d’espace pour faire des demi-groupes ou des récréations décalées. Il faudrait renvoyer des élèves chez eux”, explique le proviseur. “Vu le retard que nous avons pris, cela ne me semble pas une bonne idée. Les épreuves du baccalauréat se rapprochent pour les terminales et elles ne vont pas être faciles.”

Protocole national, situation locale

Car le but, pour l’académie de La Réunion, est d’éviter le plus possible la fermeture d’établissements : “Nous procédons à des recherches de cas contacts et à des maintiens à domicile pour les cas avérés d’élèves malades et leur entourage direct. Les décisions sont prises sur une base scientifique, et non pas sur de potentiels cas contacts [parent malade, etc.], explique l’académie, contactée par franceinfo. “Certains élèves ont accumulé un retard conséquent ces derniers mois. Maintenant, le principe est que le maximum d’élèves retournent à l’école.”

Sabrina, mère d’élèves à Saint-Denis, est du même avis. L’école de son fils, âgé de 7 ans, fait partie des rares établissements de La Réunion à avoir décalé le retour en classe après la découverte d’un cluster dans la zone. “Après avoir passé une bonne partie de son CP à la maison, mon fils a fait sa rentrée à distance. Il fait ses exercices depuis la maison et n’a parlé à son instituteur qu’au téléphone, regrette Sabrina. “On n’explique pas pareil que le professeur. Et comme je dois travailler, je le fais garder. Je ne suis pas sûre qu’il soit moins en sécurité à l’école !”

La Réunion suit le protocole national indépendamment de la situation locale, ce qui fait bondir de nombreux Réunionnais. “C’est cocasse : pendant le confinement, il n’y avait pratiquement pas de cas à La Réunion. Maintenant, ça explose et nous faisons comme si de rien n’était !” gronde Guillaume, le professeur de Saint-Denis.

La rentrée a eu lieu avec une circulaire totalement dépassée.Guillaume, professeur à Saint-Denisà franceinfo

Lors de la rentrée des enfants réunionnais, les dernières consignes dataient du 11 juillet et prévoyaient un retour en classe quasi-normal : “La rentrée a eu lieu deux semaines avant la métropole, avec une circulaire tout à fait inadaptée. Les nouvelles consignes vont arriver en même temps que la rentrée de septembre, ce qui nous donne le sentiment d’être des citoyens de seconde zone”, soupire le professeur. Il s’étonne que la préfecture ait interdit le week-end dernier les rassemblements de plus de dix personnes sur toute l’île, mais que lui puisse réunir dans sa classe 35 élèves, “à 45 cm les uns des autres” “C’est incohérent !”

Nombre de Réunionnais voient désormais les écoles comme des clusters en puissance : “La question n’est pas ‘est-ce que ça va exploser ?’ mais ‘quand’ ?” s’inquiète François. Qui, en attendant, prépare ses élèves à l’enseignement à distance en cas de nouveau confinement.