Bernard Lavilliers engagé aux Francofolies de la Rochelle
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juillet 16, 2016
Le chanteur a présenté un tour de chant aux accents politiques et poétiques dans le cadre du festival de la chanson française.
Recordman absolu du nombre de passage aux Francofolies, ami proche de leur fondateur Jean-Louis Foulquier, aujourd'hui disparu, Bernard Lavilliers ne pouvait pas se contenter d'un concert ordinaire dans le cadre de la 32ème édition du festival, qui s'est ouverte le 13 juillet dernier.
Dès son entrée en scène, dans un Grand Théâtre que l'on a rarement vu aussi plein, Bernard Lavilliers impose une minute de silence pour les victimes de l'attentat de Nice, survenu 24h plus tôt. «Je ne dis rien, vous non plus» dit-il, la gorge serrée par l'émotion. Pantalon de cuir noir, chaussures rouges, cheveux blancs, Lavilliers a belle allure, parmi les quatre multi-instrumentistes qui constituent son groupe de scène. Ce vendredi 15 juillet, il présente en avant-première un spectacle qui fera l'objet d'une douzaine de représentations à la rentrée. C'est de retour d'un séjour au Brésil que le baroudeur favori de la chanson française a eu l'idée de revisiter son album Pouvoirs, sorti en 1979. Un an avant le succès grand public de O Gringo et son tube Stand the Ghetto, le Stéphanois consacrait un album-concept, comme on disait alors, au «pouvoir des religions, de l'argent, des femmes – ou de leur impossibilité à l'exercer.» Un disque manifeste aux allures de coups de poing, qui retrouve, dans le contexte actuel, une actualité sidérante. Sans en retoucher les textes, le chanteur en a modifié les arrangements. Les couleurs jazz-rock du disque original, qui sera réédité le 16 septembre prochain, ont été abandonnées en faveur de couleurs plus intemporelles.
Un artiste devenu institution
Alors que la chanson engagée est circonscrite à la marge, Bernard Lavilliers parvient à captiver son auditoire pendant plus d'une heure et demi avec des paroles écrites il y a près de quarante ans. Une véritable gageure relevée avec maestria par cet artiste devenu une institution au fil des ans. S'il a parfois prêté le flanc à la caricature du bourlingueur aux biceps bandés, Lavilliers campe aujourd'hui, à près de 70 ans, la figure d'un sage vigilant et alerte. Les thèmes qui composent la première face de Pouvoirs n'ont pas pris une ride. Sur Urubu, il compare les banquiers multinationaux américains aux vautours du même nom qui vivent du nord du Brésil. «L'avenir est un chien crevé sous un meuble» chante-t-il, avec des accents nihilistes qui font écho au no future du punk-rock anglais de la fin des années 1970.
En plus de ceux de l'album Pouvoirs, Lavilliers a regroupé les morceaux les plus engagés de son répertoire. Soit trois titres tirés de son disque Le Stéphanois, de 1975 («La grande marée», «CIA», «Les aventures extraordinaires d'un billet de banque»). Mais aussi des tubes radio des années 1980 comme On The Road Again ou Noir et blanc et son refrain inoubliable «La musique est un cri qui vient de l'intérieur». «J'ai créé celle-ci à La Rochelle en 1986» se souvient-il. Et surtout Stand the Ghetto, qui a popularisé le reggae en France et fait de Lavilliers un chanteur populaire. «C'est aussi une chanson politique, vous savez» s'amuse-t-il. Les Mains d'or, chronique désabusée du chômage, est dédiée à son père «parti au paradis des communistes il y a bientôt un an». Après les applaudissements nourris d'un public d'une ferveur impressionnante, Lavilliers reprend Est-ce ainsi que les hommes vivent, texte d'Aragon mis en musique par son maître, Léo Ferré.
A partir du 22 septembre en tournée. Le 7 octobre salle Pleyel, Paris (VIIIe).