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A Aubervilliers, l’instit racontait des histoires

Écrit par sur décembre 14, 2015

Alors que l’Etat islamique a directement menacé les enseignants, un professeur a prétendu, lundi matin, avoir été agressé dans sa classe par un homme se réclamant de l’EI. Avant de se rétracter.Il est un peu moins de 9 h 30, lundi, lorsque l’information tombe : un instituteur a été agressé au cutter dans sa classe de maternelle, à Aubervilliers, en proche banlieue parisienne. Un mois après les attaques qui ont frappé Paris, la nouvelle replonge le pays dans l’angoisse. Immédiatement, les services spécialisés font le lien avec Dar-al-islam, le magazine francophone de l’Etat islamique (EI). Dans son dernier numéro, la publication jihadiste s’en prenait violemment aux fonctionnaires de l’Education nationale, «des ennemis d’Allah» qui«enseignent la laïcité», et qui sont «en guerre ouverte contre la famille musulmane».

Rangers.Aussitôt, la ministre de l’Education se rend sur place, ainsi que le préfet de Seine-Saint-Denis, et le maire d’Aubervilliers. Soulagement : les jours de l’enseignant ne sont pas en danger. Le parquet de Bobigny, compétent au départ, s’efface rapidement derrière la section antiterroriste du parquet de Paris, tout en demeurant extrêmement prudent : «Ce n’est pas parce que le parquet de Paris est en charge du dossier que c’est un acte terroriste.» Une enquête est ouverte pour «tentative d’assassinat sur un enseignant en relation avec une entreprise terroriste», et les investigations sont confiées à la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle du 36, quai des Orfèvres. Il est à peine midi, et personne n’imagine une seconde qu’il s’agit d’un faux témoignage.

Lors d’une première audition à l’hôpital Lariboisière (où il a été admis en urgence), l’instituteur livre une description précise de son agresseur imaginaire : un homme, habillé en tenue de peintre de couleur blanche, ganté, cagoulé, et chaussé de rangers, lui aurait planté un cutter dans le cou aux alentours de 7 h 15, avant de lui frapper la tête contre le mur. Ensuite, l’assaillant aurait lancé «c’est Daech, c’est un avertissement, ça ne fait que commencer» en prenant la fuite. Les policiers ne parviendront jamais à recouper ce récit.

Automutilé.C’est d’abord l’heure à laquelle se serait déroulée «l’attaque» qui fait tiquer les enquêteurs. L’instituteur a expliqué être venu tôt «pour préparer sa classe». Aucun témoin direct n’a pu recouper l’accusation. Deuxième bizarrerie : l’enseignant a soutenu que c’est à l’intérieur de la classe que l’agresseur se serait saisi du cutter et d’une paire de ciseaux.

Vers 14 heures, coup de théâtre : l’instituteur de 45 ans craque et affirme avoir tout inventé. Selon le ministère de l’Education, il s’est automutilé. Yannick, un parent d’élève, le décrit comme un homme «très ouvert, un peu baba cool». Djibril, élève en CM1, se souvient d’un «maître très gentil, qui jouait de la guitare». Il travaillait dans cette école maternelle depuis une vingtaine d’années.

Dans la journée, la question des conditions de sécurité monte. Devant la presse, la ministre Najat Vallaud-Belkacem rappelle que deux circulaires ont été adoptées après les attentats du 13 novembre pour renforcer la sécurité aux abords des établissements scolaires. Il est désormais interdit de stationner devant les établissements, et des contrôles d’identité sont systématisés pour les personnes extérieures. Par ailleurs, «un nouveau plan» est en préparation depuis la semaine dernière avec le ministère de l’Intérieur. Plusieurs mesures doivent être annoncées en fin de semaine, notamment un plan de formation du personnel enseignant aux gestes de premiers secours.

Mais la vraie question, complexe, reste la protection policière des établissements. «On ne peut pas avoir des cars de police ou des bataillons de militaires devant chaque école, ce n’est techniquement pas possible», rappelle Sébastien Sihr, le responsable du Snuipp, le principal syndicat du primaire. Public et privé confondus, la France compte 64 000 établissements scolaires (écoles, collèges, et lycées). Comme sa collègue du Snes (secondaire) Frédérique Rolet, il appelle à ne pas tomber dans la psychose. «Les enseignants sont tendus, comme tous les citoyens. Nous vivons tous dans un climat anxiogène. »

«Chat glacé».Jean-Rémi Girard, du Snalc (syndicat conservateur), est plus critique envers le gouvernement. Il s’indigne des conditions de sécurité, trop légères dans certains établissements. A 17 h 45, le maire d’Aubervilliers et plusieurs professeurs sortent de l’école sans dire un mot. Sur le parvis, des gamins jouent à «chat glacé» et courent dans tous les sens en se demandant s’ils auront bien classe ce mardi. Au même moment, le ministère de l’Education indique que «les élèves seront accueillis [dès ce mardi, ndlr] par un enseignant remplaçant». Djamel, père d’un enfant scolarisé dans l’école voisine, se dit «choqué, mais pas en colère». Il ajoute : «Je ne sais pas comment je vais expliquer cette histoire à mon enfant.»