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Tirs de fusil à Beaune: Comment est née l’intox autour d’un règlement de comptes de «gens du voyage

Écrit par sur août 13, 2018

Quelles étaient les motivations des agresseurs ayant blessé 7 jeunes à Beaune (Côte-d'Or) la nuit du 30 juillet en leur tirant dessus au fusil, après avoir tenté de leur foncer dessus en Renault Clio quelques heures plus tôt ? S'agissait-il d'un d'un acte à caractère raciste, comme le soutiennent les victimes? 

Alors que deux suspects aux lourds casiers judiciaires ontété interpellés et placés en garde à vue vendredi, certains sites d'extrême droite affirment connaître les détails cette affaire particulièrement médiatisée. « Fusillade "raciste" de Beaune : il s’agissait finalement d’un règlement de compte (sic) lié à un trafic de voitures entre gens du voyage et Maghrébins » titrait ainsi dès le samedi 11 août le blog Fdesouche.

Le site avance cette affirmation en reprenant une phrase d' un article de France 3 Bourgogne-Franche-Comté publié le même jour : « Selon les informations de France 2, les suspects sont originaires de la communauté des gens du voyage et se sont cachés dans différents camps au cours de leur cavale… » Or, selon Thierry Bas, procureur adjoint de la République de Dijon contacté par 20 Minutes, « c'est de l'invention pure et simple, de la désinformation : rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de gens du voyage. »

 

Thierry Bas ne cache pas sa colère face à cette affirmation fausse « qui viendrait d'un article de La Provence » selon l'écho qui lui en a été fait. Le 11 août, quelques heures avant la publication de l'article de France 3, le quotidien régional avance en effet cette information au conditionnel : « Selon une source proche du dossier, les deux hommes interpellés seraient des membres de la communauté des gens du voyage. »

La rumeur devient virale. Elle est reprise notamment sur le site d'extrême droite Riposte laïque dans un article moquant la vague d'indignation liée au caractère potentiellement raciste de l'incident : « Les deux suspects ne sont pas des gens du voyage, ils étaient effectivement mobiles [pendant leur fuite], mais ils ont un appartement à Dijon et en banlieue de Dijon. » 

Une voiture au coeur de l'affaire (mais pas de « trafic » en cause)

L'affirmation de Fdesouche sur un « règlement de comptes lié à un trafic de voitures », trouve quant à elle son origine dans un extrait d'un article du Parisien du 11 août, partagé le même jour par le compte Twitter du blog d'extrême droite : 

« Selon les premières investigations, les tireurs se sont rendus en pleine nuit, à bord d’une Renault Clio, dans le quartier populaire de Saint-Jacques, pour y trouver une personne en particulier liée à un trafic de voiture. Ils font chou blanc mais tombent nez à nez sur une bande de sept jeunes […] La situation s’envenime rapidement. […] Les suspects profèrent des insultes racistes couplées à des menaces : "Sales bougnoules, on va revenir vous calibrer" » peut-on ainsi lire dans ce passage.

Pour autant, on ne peut nullement affirmer comme le font certains sites en interprétant de manière fantaisiste cet extrait que les tirs au fusil représentent un règlement de comptes lié à un trafic de voitures, comme l'explique Thierry Bas : « Ce que l'on sait à coup sûr, c'est que la présence des deux suspects à Beaune est liée à la recherche d'une personne qui les avait probablement escroqués à propos d'une voiture et qu'ils pensaient trouver à Beaune. »

Le procureur adjoint de la République de Dijon poursuit : « Les deux hommes n'étaient pas venus à Beaune pour commettre une agression raciste, ils sont tombés sur le groupe de jeunes par hasard alors qu'ils cherchaient une autre personne, et c'est là que les choses ont dégénéré. » C'est à ce moment-là que seraient proférées les insultes racistes, avant que les deux suspects ne tentent d'écraser la bande en voiture. Pour finalement revenir quelques heures plus tard lui tirer dessus. 

La version des deux suspects, mis en examen « des chefs de tentative d'assassinat aggravée en raison de l'appartenance des victimes à une soi-disant race, religion ou éthnie, réelle ou supposée », confirme partiellement ce scénario, comme l'indique Le Parisien : « Les deux hommes, déjà condamnés pour vols et violences, ont contesté devant les policiers de la PJ de Dijon toute motivation raciste. […] Selon leur version, ils cherchaient un homme à qui ils avaient prêté une voiture. »

Thierry Bas conclut : « Dès le début de l'enquête, j'ai dit que plusieurs pistes pouvaient être envisagées : un règlement de comptes, une agression raciste… L'enquête juridique ouvre toutes les portes possibles, et on les ferme ensuite au fur et à mesure des avancées. »