L’objet de leur désir
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juin 14, 2018
COUPE DU MONDE – Quatre ans qu’on l’attendait. Elle est là. Enfin. La vingt-et-unième Coupe du monde de l’histoire débute ce jeudi à 17h. A Moscou, la Russie et l’Arabie Saoudite auront l’immense honneur de mettre le Mondial sur les rails et d’ouvrir un mois royal ainsi que la course à la succession de l’Allemagne. Qui sera l’heureuse élue ? La France est sur les rangs. Mais elle n'est pas seule.
Le monde du football ne le connait pas. Ou à peine. La majorité des habitants de la planète n'a même jamais entendu son nom. Lui, c'est Silvio Gazzaniga. Il n'a pas créé la Coupe du monde. Il était sculpteur. Mais c'est à lui que le football doit le trophée derrière lequel 32 nations et 736 footballeurs vont éperdument courir dès jeudi. Cette merveille – qui a succédé à la coupe Jules-Rimet en 1974 – est la plus iconique des récompenses, par ses lignes, sa taille, son caractère unique ainsi que les 75% d'or pur qui la composent. Quiconque la reçoit devient instantanément éternel. Demandez donc aux vingt-deux bienheureux l'ayant soulevée le 12 juillet 1998.
C'était il y a vingt ans, déjà. Et à l'heure où la France s'est (re)prise de passion pour la bande à Zizou, les copains de Liza et la troupe d'Aimé, tout le monde a envie que la Mère Russie accouche d'une nouvelle tripotée de champions du monde. Vingt ans après, avouez que ça aurait de la gueule. Didier Deschamps, qui a participé aux festivités de très loin, n'attend rien d'autre de ses joueurs qu'ils renvoient un peu dans l'ombre les héros de l'été 98 et le DD capitaine des Bleus. Au cœur d’une Russie qui accueille la première Coupe du monde de son histoire, si elle est belle, l'aventure durera un mois, moins quelques poussières. De Kazan à Moscou, sept marches sont à gravir.Cet escalier vers le bonheur, une large majorité des Tricolores ne l'a jamais emprunté. Des quarts de finalistes "brésiliens", il ne reste que six rescapés au cœur d'une équipe qui brille par ses promesses, le talent de ses ouailles et sa fraicheur communicative. Quinze des Mondialistes Bleus n'ont pas plus de 25 ans. Dans l'histoire du Mondial, la jeunesse n'a jamais été une garantie. Mais, d'Antoine Griezmann à Kylian Mbappé, en passant par Paul Pogba et Raphaël Varane, ce groupe a trop de talent pour ne pas avoir envie d'y croire.
Le Brésil a soif de revanche
Les Tricolores ne sont pas les seuls à y penser en se rasant. Et c'est bien le problème. Entre ceux qui l'ont déjà fait dans un passé récent, comme l'Espagne et l'Allemagne, d'autres qui ont très envie de le refaire, comme le Brésil, l'équipe de France va trouver quelques obstacles sur une route qui, si elle est droite, reste pentue comme aucune autre.
Espagnols et Allemands, les deux derniers géants sacrés sur la plus belle scène qui soit, ressemblent de près comme de loin à des épouvantails. Si les Ibères ont mis le feu à la datcha avec le renvoi de leur sélectionneur à deux jours de leur entrée en lice face au Portugal, on ne les écartera pas de la route du sacre. Parce que l'Espagne reste l'Espagne. Les champions du monde en titre sortent, eux, d'une préparation couci-couça. On n'ira pas jusqu'à déclencher le signal d'alarme tant ces deux formations sont, avant le coup d'envoi du raout planétaire, les collectifs qui offrent le plus de garantie.Et puis il y a le Brésil et ses joueurs cinq étoiles. Depuis 2006, la sélection auriverde n'a sans doute jamais possédé autant de talent dans ses rangs. Devant, derrière, au milieu, c'est caviar à la louche. Et c'est surtout revanchard. Quatre ans après la claque du siècle – le Mineiraço -, les Brésiliens ont reconstruit sur un champ de ruines et, sous la coupe de Tite, font partie des sérieux prétendants au couronnement. D'autant que Neymar, étincelant jusqu’à sa blessure en quart il y a quatre ans, est sur pied. Et, alléché par son titre olympique conquis il y a deux ans à Rio, ne vise rien d'autre qu'un gros lot qui échappe au Brésil ainsi qu'au continent sud-américain depuis 2002.
Messi – Ronaldo, il n'en restera qu'un (ou aucun)
En Russie, les statistiques individuelles, le Ballon d'Or et toutes considérations personnelles passent désormais au second plan. Un seul mot d'ordre : "gagner la Coupe du monde". Demandez donc aux deux joueurs les plus repus de distinctions individuelles de l'histoire du jeu. Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, dix Ballons d'Or à eux deux, ne viennent que pour le Graal. Seul problème, de taille, il ne pourra en rester qu'un. Et peut-être même aucun. A l'heure d'entamer ce qui s'apparente à leur possible dernière conquête mondiale, l'Argentin et le Portugais sont en mission. Une mission qui les dépasse et qui va donner à cette Coupe du monde, si tant est que ce soit possible, un attrait plus dramatique qu'à l'accoutumée. Ce sera maintenant ou jamais.
Et puis, il y a les autres. Ceux que l’on n'attend pas encore. Ceux que l'on va découvrir, comme le Panama. Ceux que l'on va revoir avec un plaisir non feint, comme le Pérou ou l'Egypte, et nous feront oublier tant bien que mal ceux qui nous manquent, comme l'Italie et les Pays-Bas. Ceux qui vont gagner leur place dans l'éternité en rentrant dans nos foyers par une image, une célébration que personne n'oubliera jamais, en espérant que la VAR ne vienne pas les couper dans leur élan de joie. Qui seront les Rashidi Yekini de 2018 ? Les Bebeto ? Les Marco Tardelli ? Les Diego Maradona et autre Roger Milla ? Fermez les yeux. Et rouvrez-les ce jeudi sur les coups de 17 heures. Un mois de fête commence.