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Crise migratoire : cette fois, le torchon brûle entre Rome et Paris

Écrit par sur juin 13, 2018

Convocation de l'ambassadeur à Rome, excuses de Macron exigées et rencontre à Bercy annulée : Rome a peu goûté les propos du président français sur sa gestion du dossier Aquarius.

L'Italie n'a pas du tout, mais alors pas du tout, apprécié les commentaires d'Emmanuel Macron. Accusé de « cynisme » par le chef de l'État français après son refus d'accueillir l'Aquarius, le gouvernement italien, qui dénonçait dès mardi une posture « hypocrite », a convoqué ce mercredi l'ambassadeur français, annulé une rencontre bilatérale et exigé des excuses officielles. Emmanuel Macron a appelé à ne pas céder à l'émotion. Récit d'une escalade.

Un contexte explosif

Pour bien comprendre l'ire italienne, il faut se remettre le contexte : l'Italie accuse depuis des mois ses partenaires européens, à commencer par la France, de l'avoir laissée seule gérer la crise migratoire et les quelque 700 000 migrants arrivés sur ses côtes depuis 2013. En mars dernier, un contrôle opéré par des douaniers français en territoire italien à la gare de Bardonecchia, près de la frontière entre les deux pays, avait déjà mis le feu aux poudres. L'ambassadeur français avait été convoqué à Rome, un fait relativement rare dans les relations plutôt paisibles entre les deux pays.

Les «leçons hypocrites» de Macron

Aussi, ce mardi, quand Emmanuel Macron a dénoncé la « part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien » qui a refusé d'accueillir le navire Aquarius avec plus de 600 migrants à son bord, le nouveau gouvernement italien, adepte, qui plus est, d'une politique dure contre l'immigration illégale, s'est montré ulcéré. D'autant que le porte-parole de La République en marche, Gabriel Attal, a été lui encore plus loin, affirmant que la position de l'Italie face à l'Aquarius était « à vomir ». Dans une note de la présidence du Conseil italien transmise aux médias, Rome a immédiatement fait savoir que la France pouvait s'économiser ses « leçons hypocrites ».

L'ambassadeur français convoqué à Rome

Mais les choses ne se sont pas arrêtées là… La polémique sur le sort du navire humanitaire, finalement en route vers l'Espagne, a valu ce mercredi matin à l'ambassadeur de France à Rome, Christian Masset, une nouvelle convocation au ministère italien des Affaires étrangères. Preuve que les deux pays sont vraiment en délicatesse…

Des «excuses officielles» demandées

Au même moment, devant le sénat italien, le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini fustigeait la posture française. Et invitait Emmanuel Macron à « passer de la parole aux actes et à donner un signal de générosité » en accueillant plus de migrants, après avoir rappelé que la France s'était engagée à accueillir « 9 816 migrants » arrivés ces dernières années en Italie mais qu'elle n'en avait accueilli que 640. « Notre histoire de solidarité, d'humanité et de volontariat ne méritait pas d'être apostrophée dans ces termes par des représentants du gouvernement français dont j'espère qu'ils présenteront des excuses officielles dans les plus brefs délais », a encore déclaré le patron de la Ligue (extrême-droite), proche du FN en France.

Menaces sur une rencontre Conte-Macron

Quelques minutes plus tard, devant des journalistes cette fois-ci, Salvini se montrait même menaçant, alors que le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, est attendu vendredi à Paris : « Si les excuses officielles n'arrivent pas, le Premier ministre fera une bonne chose en n'allant pas en France. »

Le Maire boudé par son homologue italien

En fin de matinée, le Quai d'Orsay s'est contenté de rappeler que la France était « attachée au dialogue et à la coopération » avec Rome. Insuffisant visiblement puisque, dans la foulée, le ministre italien de l'Economie, Giovanni Tria, a annulé sa rencontre avec son homologue français Bruno Le Maire, prévue à Paris à 17h30 ! « Nous le regrettons », a simplement réagi Bruno Le Maire.

La mise au point de Macron

Muet toute la journée, le Palais a réagit en fin d'après-midi en annonçant … n'avoir reçu aucune demande officielle d'excuses de la part de l'Italie. Une manière de sous-entendre que Salvini ne s'exprimait qu'en son nom propre ? En tout cas, Emmanuel Macron ne semble pas impressionné par le nouvel homme fort de l'Italie. «On ne doit jamais céder à l'émotion que certains manipulent » a t-il lancé, en marge d'un déplacement en Vendée, avant de rappeler au nouvel exécutif italien que «ça fait un an que nous travaillons de manière exemplaire avec l'Italie ».

Vers un axe Vienne-Berlin-Rome ?

Déjà critiqué sur le plan intérieur pour avoir – a minima – tardé à réagir sur le dossier de l'Aquarius, Paris est quoi qu'il en soit clairement menacé d'isolement en Europe sur la question migratoire : le chancelier autrichien Sebastian Kurz, à la tête d'une coalition droite-extrême droite, a annoncé ce mercredi même la création d'un « axe » entre les ministres autrichien, allemand et italien de l'Intérieur pour lutter contre l'immigration illégale. Et le ministre italien de l'Economie, juste après avoir annulé sa rencontre avec Bruno le Maire, a confirmé sa rencontre avec son homologue allemand Olaf Scholz, prévue à Berlin jeudi.