Zinédine Zidane, en Ligue des champions comme chez lui
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 2, 2018
Et Zinédine Zidane serra le poing avant de manifester son soulagement. L’écran géant du stade Santiago-Bernabeu indiquait alors la sixième minute du temps additionnel et l’entraîneur français du Real Madrid, d’un calme olympien jusqu’ici, pouvait enfin fendre l’armure. Dans une atmosphère irrespirable, les Merengue de l’ex-n°10 des Bleus ont réussi, mardi 1er mai, à éliminer les Allemands du Bayern Munich et à se hisser en finale de la Ligue des champions pour la troisième fois d’affilée. « Ce fut compliqué pour mon cœur », a-t-il reconnu, dans un sourire, après la rencontre.
Celui qui a apporté au club espagnol sa undécima (onzième) victoire dans la compétition, en 2016 à Milan, puis sa duodécima (douzième), en 2017 à Cardiff, tentera de lui offrir, le 26 mai à Kiev, sa decimotercera (treizième) couronne. Dans la capitale ukrainienne, le Real pourrait retrouver Liverpool, quintuple vainqueur de l’épreuve, qui était en ballottage favorable (victoire 5-2 au match aller) avant son déplacement, mercredi, sur la pelouse de l’AS Roma.
En passe d’égaler Ancelotti
En vingt-huit mois d’exercice seulement, le Marseillais rejoint des figures du métier, Fabio Capello (1993, 1994, 1995 avec le Milan AC) et Marcello Lippi (1996, 1997 et 1998 avec la Juventus), seuls entraîneurs de l’histoire à disputer trois finales consécutives de Ligue des champions. Avant même la finale de Kiev, il a déjà fait mieux : les deux Italiens, dans leur trilogie respective, n’en ont remporté qu’une. Après la qualification, Zidane a rappelé une évidence : « Ce n’est pas normal d’être en finale pour la troisième fois d’affilée. »
Déjà sacré en 2014, lorsqu’il officiait sur le banc madrilène comme adjoint de Carlo Ancelotti, Zidane pourrait, en cas de triomphe à Kiev, égaler son ancien mentor, trois fois vainqueur du tournoi (2003, 2007, 2014), ainsi que l’Anglais Bob Paisley, sacré sur le banc de Liverpool en 1977, 1978 et 1981. Si d’aventure il soulevait encore le trophée, « ZZ » deviendrait le premier technicien à être couronné trois fois de suite.
Pour dire les choses simplement : le Real Madrid, sous Zidane, n’a jamais été éliminé en Ligue des champions. Il a accompli cette prouesse sans transfert faramineux et, chose anachronique, avec un 11 titulaire presque inchangé depuis sa première finale européenne ; même si, de plus en plus fréquemment, deux des trois membres du trident d’attaque surnommé « BBC », Gareth Bale et Karim Benzema, débutent sur le banc au profit des Espagnols Isco et Lucas Vasquez.
« Des entraîneurs plus compétents, il y en a à la pelle », a osé clamer Zidane, pourtant bardé de diplômes et de titres, avant la réception du Bayern. Doit-on y voir de la fausse modestie ou du sarcasme alors que l’ex-milieu du Real (2001-2006) – dont la sublime reprise de volée avait offert la Ligue des champions aux « Galactiques » en 2002 – fait désormais partie des entraîneurs les plus couronnés du Vieux Continent ?
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Vitrine de l’institution madrilène, adulé par les socios, les supporteurs-actionnaires du club, « Zizou » peut d’autant plus savourer cette énième épopée européenne qu’elle vient égayer une saison morose sur la scène espagnole. Couvé par son « père spirituel » Florentino Pérez, le puissant patron du Real dont il fut le conseillerzélé et directeur sportif, le Français a rapidement fait une croix sur sa couronne en Liga, acquise au printemps 2017 et tout juste récupérée par le FC Barcelone.
A quatre journées du terme de la saison, les Merengue errent à la troisième place du championnat, à quinze points du leader catalan et à quatre unités de son dauphin, l’Atlético Madrid. Cet hiver, Zidane a battu sa coulpe alors que ses joueurs traversaient une période sombre, marquée par l’élimination en quarts de finale de Coupe du roi par la modeste équipe de Leganés.
Une sortie de crise réussie
« Il ne reste plus que la Ligue des champions au Real cette saison, disait alors un proche du vestiaire madrilène. Jusqu’ici, Zidane bénéficie de la confiance des dirigeants. Mais on sait que tout peut aller très vite au club. » Sur la sellette, l’entraîneur a poli son image de grand frère du vestiaire pour sortir de la crise. Très proche de son groupe, il a multiplié les entretiens individuels pour remobiliser ses cadres et serrer les rangs. Un climat d’union sacrée règne depuis au sein de la « Maison blanche ».
Zidane a également rallongé les séances d’entraînement, axant sa préparation sur les courses, l’endurance et l’impact dans les duels et le travail défensif. Outre son fidèle adjoint David Bettoni, rencontré au centre de formation de l’AS Cannes au début des années 1990, il s’appuie sur son préparateur physique, Antonio Pintus. Connu pour ses méthodes musclées et éprouvantes, l’Italien connaît bien Zidane pour l’avoir fait souffrir sur les pelouses, de 1996 à 1998 à la Juventus Turin.
Le déclic est intervenu face au Paris-Saint-Germain, en huitièmes de finale de Ligue des champions. Au match aller, les choix tactiques et le management de « ZZ » désarçonnent son homologue Unai Emery, guère inspiré dans ce domaine et battu (3-1) sur le fil à Bernabeu. Au Parc des Princes, le Real étend sa toile et enterre avec maîtrise les ambitions européennes du PSG. En quarts, la capacité de Zidane à s’adapter à l’adversaire, à modifier ses schémas de jeu et à lancer ses jeunes talents (Isco, Marco Asensio) contribue à écarter l’expérimentée Juventus. La gestion de Cristiano Ronaldo, buteur attitré du Real et régulièrement ménagé, est aussi à mettre au crédit de l’entraîneur madrilène : à 33 ans, le Portugais est une fois encore le meilleur buteur de la compétition, avec 15 réalisations.
« L’ADN de ce club, c’est de ne rien lâcher jusqu’à la dernière minute », a rappelé Zidane mardi soir, enclin à incarner cette « culture de la gagne » chère au Real. Sous contrat jusqu’en 2020, conforté par ses dirigeants, Zidane a confirmé qu’il souhaitait poursuivre sa mission à Madrid la saison prochaine. Quel que soit le dénouement de la finale de Kiev, son avenir immédiat est donc tout tracé.