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Accord Merkel-SPD en Allemagne: Macron salue une “bonne nouvelle pour l’Europe” et pour lui

Écrit par sur mars 4, 2018

POLITIQUE – Il était encore un peu tôt pour sabrer le champagne, mais l'Elysée n'a pas perdu de temps pour saluer l'accord de gouvernement validé ce dimanche 4 mars par le parti social démocrate allemand (SPD) -et qui remet Angela Merkel en selle pour au moins deux ans. "Le président de la République se réjouit du résultat du vote du SPD. C'est une bonne nouvelle pour l'Europe. La France et l'Allemagne travailleront ensemble, dès les prochaines semaines, pour développer de nouvelles initiatives et faire avancer le projet européen", s'est réjouie la présidence. Une manière de souligner que ce dénouement fait grandement les affaires du chef de l'Etat.

La fin de la crise politique outre-Rhin devrait en effet permettre de dégeler les discussions sur la réforme de l'UE, défendue par Emmanuel Macron lors de son grand discours pro-européen de la Sorbonne. L'issue de l'imbroglio né des élections législatives du 24 septembre dernier est en effet idéale pour le gouvernement français. Le premier projet de coalition "Jamaïque", impliquant les écologistes et surtout les libéraux du FDP, foncièrement hostiles à toute réforme de la zone euro, aurait pu sonner le glas de plusieurs propositions défendues par Paris. Elle a finalement échoué. Et alors qu'une crise profonde se profilait, paralysant l'Allemagne et de fait toute réforme d'ampleur de l'Union européenne, le SPD de Martin Schulz (en phase avec la ligne européenne française) a finalement accepté de revenir à la table des négociations avant de sceller (dans la douleur) un nouvel accord gouvernemental validé par ses militants.

Ce scénario permet donc à Angela Merkel de se maintenir au pouvoir pour un quatrième et dernier mandat, elle dont Emmanuel Macron a publiquement salué "l'audace et le sens de l'Histoire".L'Europe au coeur du contrat de coalition

"C'est vraiment une très bonne nouvelle que de voir nos amis allemands trouver le chemin d'un pacte gouvernemental parce que nous avions besoin d'avoir des partenaires solides qui puissent être à nouveau à l'initiative", avait déjà salué mi-février le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, sur LCP. Le projet européen d'Emmanuel Macron pour relancer l'Europe – il prône notamment un budget et un ministre des Finances de la zone euro – "a rencontré un écho favorable dans les discussions entre le SPD, la CDU et la CSU" (sociaux-démocrates et conservateurs allemands), avait-il ajouté.

Le contrat de coalition définitif place en effet la réforme de l'Union européenne au coeur des priorités des deux acteurs et endosse notamment l'idée d'un budget de la zone euro pour des investissements communs, alors que pendant des mois les conservateurs d'Angela Merkel avaient fait la sourde oreille. "On voit bien qu'il y a quand même une tendance, une logique à doter l'Union européenne d'instruments qui vont permettre de préparer l'avenir, d'avoir des vrais projets à l'échelle européenne", a souligné Jean-Baptiste Lemoyne.

L'avènement de cette "GroKo" est d'autant plus saluée par le gouvernement français qu'elle constitue un miroir de la grande coalition qu'espère fédérer Emmanuel Macron lors des élections européennes de 2019. Ce que les adversaires d'Emmanuel Macron n'ont pas manqué de souligner ce dimanche. "Angela Merkel fait le pôle mondialiste. De la même manière que En Marche et Les Républicains commencent déjà à se rapprocher. On a vu M. Juppé rejoindre presque M. Macron pour les futures européennes", a dénoncé Marine Le Pen sur France 3.

Un équilibre fragile à l'heure du Brexit

Ce dégel tombe d'autant mieux qu'Emmanuel Macron se prépare à l'offensive. Celui-ci a notamment prévu de lancer ses "consultations citoyennes" pour débattre de l'avenir de l'Europe à Strasbourg le 17 avril, jour où il s'exprimera devant le Parlement européen. Des "conventions démocratiques" censées "libérer la parole sur l'Europe, redonner confiance et éclairer le débat", en faisant remonter les aspirations des citoyens, qui auraient été compliquées si l'Allemagne s'était relancée dans une campagne législative.

L'exécutif se réjouit donc de la préservation du moteur franco-allemand "à un moment-clé, à un tournant de l'Union européenne avec le Brexit". Mais l'équilibre politique trouvé en Allemagne demeure fragile. La coalition entre sociaux-démocrates et conservateurs détient seulement une courte majorité au Bundestag (un peu plus de 53%), après les élections générales du 24 septembre marquées par une percée historique de l'extrême droite (AfD) et une érosion des partis traditionnels. Et les tergiversations internes au sein des deux partis politiques montrent que leurs dirigeants ne bénéficient pas d'un blanc-seing pour gouverner.

Signe de leur défiance réciproque, le contrat de coalition prévoit une clause de sortie au bout de deux ans. La chancelière de 63 ans n'a en outre jamais été autant critiquée dans son parti, qu'elle dirige depuis environ deux décennies. Surtout depuis qu'elle a cédé au SPD le ministère des Finances, traditionnelle chasse gardée des conservateurs.

Plusieurs cadres du parti chrétien-démocrate ont ouvertement mis en cause sa ligne centriste et sa politique migratoire longtemps généreuse qui a vu l'arrivée depuis 2015 de plus d'un million de demandeurs d'asile.

Un premier accroc sur les partis paneuropéens

Tout n'est d'ailleurs pas complètement rose dans le tableau idyllique que dresse le centre-droit macroniste des relations franco-allemandes. A l'issue des prochaines élections européennes, il n'est même pas certain que les eurodéputés français élus sous la bannière d'Emmanuel Macron siègent dans le même groupe que ceux soutenus par Angela Merkel. Contrainte à une relative prudence sur la scène internationale tant que les négociations gouvernementales n'avaient pas abouti, la chancelière a d'ailleurs déjà apporté un premier accroc au contrat de confiance qui l'unie à son partenaire français.

Fragilisée dans son propre parti et soucieuse de ne s'aliéner personne, la chancelière s'est clairement désolidarisée de la proposition d'Emmanuel Macron de modifier le mode de scrutin des élections européennes. Ce dernier prévoit que les partis paneuropéens se présentent aux élections avec des têtes de liste et que celle arrivant en tête devienne automatiquement le prochain président de la Commission européenne.

Or le président français milite lui pour un changement via la création lors des élections européennes de "listes transnationales", avec des candidats de différents pays venant de la même mouvance politique. Une option qui aurait permis à ces listes de nommer à leur tête des candidats non issus des familles politiques établies au Parlement européen et pouvant ensuite aspirer à être nommées à la tête de la Commission.

Une manière très macronienne de bousculer le jeu corseté des partis européens ce qui remettrait en cause l'hégémonie du PPE (parti conservateur européen) auquel adhère la CDU-CSU. "La famille politique à laquelle j'appartiens, le PPE, a entre temps inscrit l'institution des têtes de liste dans ses statuts", a-t-elle botté en touche dans une fin de non-recevoir. Parallèlement, le Parlement infligeait un revers à Emmanuel Macron en rejetant la création de listes transnationales en 2019.

Un avertissement pour Emmanuel Macron qui, s'il peut se réjouir d'avoir une interlocutrice ouverte face à lui, sait que rien ne sera possible sans le soutien actif de l'Allemagne sur la scène européenne.