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Le gouvernement français présente son nouveau plan anti-radicalisation

Écrit par sur février 23, 2018

Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté un nouveau plan de lutte contre la radicalisation islamiste à travers de nouveaux aménagements pour les prisons et des mesures de prévention en milieu scolaire.

Édouard Philippe a présenté, vendredi 23 février à Lille, un plan de 60 mesures du gouvernement contre "la radicalisation islamiste", qui renforce notamment l'isolement des détenus radicalisés dans les prisons françaises et accentue le contrôle de l'enseignement hors contrat.

Le principal volet, comme attendu, concerne les prisons : 1 500 places vont être créées "dans des quartiers étanches, exclusivement dévolus aux détenus radicalisés", dont 450 "d'ici la fin de l'année", a annoncé Édouard Philippe à l'issue d'un "comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation".

Les quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER), où la dangerosité des prisonniers est évaluée pendant plusieurs mois, passeront de trois à sept. Deux quartiers de prise en charge des personnes radicalisées (QPR) doivent être créés en 2018, sur le modèle de celui existant dans la prison de Lille-Annœullin.

Le plan acte également la création de trois nouveaux "centres de prise en charge individualisée" en milieu ouvert, qui s'inspirent d'un centre au Danemark. Ils concerneront principalement des personnes sous contrôle judiciaire, notamment des "revenants" des zones de combat jihadistes en Syrie et en Irak.

Sur près de 70 000 détenus en France, 512 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits de terrorisme. Et 1 139 prisonniers de droit commun ont été identifiés comme "radicalisés", selon l'administration.

Éouard Philippe a notamment insisté sur les mineurs de retour de zones de guerre jihadiste. Défendant "une prise en charge au long cours, et notamment un suivi psychologique, pour favoriser leur réinsertion", le plan prévoit notamment la création d'une formation spécifique pour les personnels qui s'occuperont de ces "lionceaux du califat" parfois embrigadés par l'organisation État islamique.

Au dernier pointage officiel, 68 mineurs, en quasi-totalité de moins de 13 ans et aux trois quarts de moins de huit ans, sont de retour en France. Environ 500 seraient encore en Irak ou en Syrie.Lutter contre le "complotisme" à l’école

L'exécutif a aussi développé un large volet de prévention, conscient que la "déradicalisation" s'avère très délicate. Ces difficultés à trouver une parade efficace avaient été symbolisées par l'échec du premier centre de "déradicalisation", en Indre-et-Loire, basé sur le volontariat, qui n'avait rapidement plus accueilli personne.

"Cest le 1er plan qui porte spécifiquement sur la prévention de la radicalisation" s'enthousiasme Muriel Domenach, secrétaire générale du CIPDR (Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la radicalisation), contactée par France 24 . Un virage pertinent selon elle, "car les sociologues comme les spécialistes de l’anti-terrorisme se rejoignent : la réponse sécuritaire ne suffit pas ; il faut un volet de prévention qui articule logiques sociale et de sécurité, avec les acteurs de terrain, pas des gourous de la 'déradicalisation'".

Pour le volet éducation, le Premier ministre a affiché son soutien à une proposition de loi au Sénat qui va renforcer le contrôle sur les écoles hors contrat, qui n'accueillent que 74 000 élèves mais sont en forte progression. Leur régime de déclaration va être unifié et mis à jour. Le gouvernement souhaite que la proposition de la sénatrice centriste Françoise Gatel "puisse aboutir rapidement et aller à son terme", a-t-il souligné.

L'éducation à l'information va également être "systématisée" afin de lutter contre le "complotisme". En appui de la campagne "Stop Jihadisme" lancée en 2016, l'exécutif veut aussi développer un "contre-discours" à la propagande jihadiste plus ciblé et moins institutionnel, ou encore à mieux coordonner les alertes sur la radicalisation dans les structures psychiatriques.

Dans la lignée des décrets permettant d'écarter un militaire ou un fonctionnaire exerçant une activité sensible pour des motifs de radicalisation, le Premier ministre a également annoncé le lancement d'une mission pour étudier les cas dans la Fonction publique en général.

"Nous devons envisager de pouvoir écarter de ses fonctions un agent en contact avec des publics sur lesquels il est susceptible d'avoir une influence, et dont le comportement porte atteinte aux obligations de neutralité, de respect du principe de laïcité, voire comporte des risques d'engagement dans un processus de radicalisation".

La mission, confiée au ministre de la Fonction publique Gérald Darmanin, devra rendre ses propositions d'ici fin juin.

"Enfin, on a un plan d'envergure, qui fait un saut qualitatif par rapport aux précédents plans en abordant la question de la radicalisation sous plusieurs angles : la justice, la santé, l'éducation, la recherche", s'est réjoui auprès de l'AFP le psychanalyste Fethi Benslama, expert reconnu de la lutte contre radicalisation jihadiste, insistant sur la nécessité de suivre "l'évaluation du dispositif".