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Il y aura un deuxième procès Merah

Écrit par sur novembre 3, 2017

Paris – Il y aura un deuxième procès Merah: le parquet général a annoncé vendredi qu'il faisait appel du verdict de la cour d'assises de Paris qui a condamné à 20 ans de prison Abdelkader Merah pour association de malfaiteurs terroriste mais ne l'a pas jugé complice des sept assassinats commis par son frère Mohamed.

Le ministère public a estimé que la cour d'assises spéciale de Paris "n'avait pas tiré toutes les conséquences juridiques des faits qui lui étaient soumis" au cours des cinq semaines d'audience, notamment pour avoir acquitté Abdelkader Merah de la "complicité d'assassinats" qui lui était reprochée. 

L'appel du parquet général concerne également son coaccusé Fettah Malki, condamné à 14 ans de prison pour avoir vendu l'arme et le gilet pare-balles à Mohamed Merah ayant servi à tuer des militaires, des enfants et un enseignant juifs en mars 2012, en connaissant sa radicalisation jihadiste. 

L'avocate générale Naïma Rudloff avait requis la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans contre Abdelkader Merah, en retenant contre lui la complicité, et 20 ans de réclusion contre Fettah Malki avec une peine de sûreté des deux tiers. 

"Rien ne me surprend", a réagi auprès de l'AFP l'avocat d'Abdelkader Merah, Eric Dupond-Moretti, après l'appel du parquet général. 

L'avocat a précisé qu'il allait consulter son client pour savoir s'il souhaitait faire appel. Evoquant, la perspective d'un nouveau procès, il a insisté sur la nécessité de réfléchir à "la question de la victime dans le procès pénal, du poids de l'opinion publique, de l'image de l'institution judiciaire et de la façon dont le terrorisme nous a anesthésiés". 

Mohamed Merah n'était pas "un "loup solitaire ayant agi seul sans complicité, en l'occurence celle de son frère. Cet appel offre la possibilité supplémentaire d'établir cette complicité, voire d'autres. C'est par conséquent une bonne nouvelle pour les familles des victimes à qui l'on doit faire justice", a salué pour sa part le président du Consistoire, Joël Mergui. 

– "Le mal absolu" – 

Dans ce procès, "nous sommes les seuls en défense à nous être placés sur le terrain probatoire de la preuve", a néanmoins estimé Me Dupond-Moretti en ciblant "les parties civiles qui n'ont pas plaidé le fond du dossier" lui préférant "le terrain victimaire". 

"La question est: est-ce qu'un type qui incarne le mal absolu par les temps qui courent peut se voir condamné au bénéfice du doute?", a-t-il interrogé.  

Il a cependant rendu hommage au travail des juges qui "ont résisté à la pression de l'opinion publique et ont effectué un vrai travail pour motiver leurs décisions".  

Après cinq semaines d'un procès sous haute tension, la cour a souligné que Mohamed Merah a "toujours été seul" au moment où il a commis les sept assassinats, les 11, 15 et 19 mars 2012 à Toulouse et Montauban, avant d'être tué par les forces d'élite de la police le 22 mars. 

"S'il partageait bien les motivations" du jihadiste, "aucun élément de la procédure ne montre" qu'Abdelkader Merah "connaissait les objectifs visés et les crimes commis par son frère", a-t-elle dit. 

Confrontés aux poids de la douleur des victimes et à la symbolique du premier procès des attentats jihadistes en France, les juges avaient trouvé un compromis en droit qui ne pouvait satisfaire des attentes contradictoires. 

Deux figures emblématiques des parties civiles ont manifesté leur cruelle déception. 

"On est trop naïf en France. Il faut qu'on se réveille pour protéger notre pays, pour protéger nos enfants", a lancé jeudi soir Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohamed Merah.  

"C'est mieux que rien mais nos enfants, eux, ont pris perpétuité. Dans quinze ans, il aura tout oublié. Nous, notre peine, notre malheur est éternel", a abondé Samuel Sandler, père et grand-père de trois victimes de l'école juive de Toulouse. 

Plusieurs avocats représentant des familles de victimes ont néanmoins salué un verdict équilibré. 

"C'est un jugement qui devrait satisfaire les parties civiles", a confié Me Simon Cohen, principal avocat des familles de victimes pour qui "la cour (…) n'a cédé ni devant les terroristes de tous poils ni devant certaines menaces".  

Même satisfecit pour Me Olivier Morice, avocat de la famille d'un militaire tué à Montauban pour qui "une justice sereine" a "été rendue".