En ce moment

Titre

Artiste


Parler de Mireille Darc au passé est si difficile

Écrit par sur août 28, 2017

L'actrice nous a quittés ce 28 août, à l'âge de 79 ans. Son ami et confident, le grand chef cuisinier Antoine Westermann, s'est confié au Figaro. Il se souvient de la générosité et de l'altruisme de l'actrice et réalisatrice.

Son élégance et sa beauté ont marqué le septième art des années 60 et 70. Mireille Darc est décédée ce 28 août, à l'âge de 79 ans. Son ami de toujours, Antoine Westermann, grand chef et propriétaire célébrissime du Drouant, qui reçoit chaque année le jury du Goncourt, a accepté quelques heures seulement après l'annonce de sa disparition de nous parler d'elle.

Ému au point de mélanger l'imparfait et le présent, il évoque une amitié rare avec celle que le grand public aime à surnommer la grande sauterelle et avec son dernier amour, l'architecte Pascal Desprez, à qui il a confié la décoration de son restaurant new-yorkais, le Coq Rico.

Mireille Darc était pour Antoine Westermann sa première confidente, son témoin de mariage, une fine gueule et une battante qui, jusqu'à son dernier souffle, montra un formidable et contagieux appétit de vivre.

LE FIGARO.- Vous connaissiez Mireille Darc depuis vingt ans. Quel souvenir gardez-vous d'elle?

J'ai eu tant de moments de joie avec Mireille. Parler d'elle au passé est si difficile… Elle voulait revenir à New York, là où j'ai ouvert mon restaurant. Son mari Pascal Desprez a été mon architecte. Elle adorait New York mais n'a pas pu faire le voyage… Je retiens son sourire éternel et sa générosité. Pour elle, donner était plus important que recevoir. Quand elle faisait ses documentaires, entreprenait des projets, elle le faisait sans tapage, en toute discrétion. Il n'y avait que la vérité du cœur qui comptait pour elle… C'est cela qui a guidé sa vie. C'est ce qui faisait Madame Darc. Ces derniers jours, je n'avais qu'un espoir: qu'elle puisse être en paix. Elle qui avait toujours un bon mot dans chaque situation. (Silence) Mais désormais elle restera muette….

C'était une véritable amie. Je l'ai tant aimée. Le hasard a fait qu'aujourd'hui, je me trouve à Grignan dans la Drôme, là où je me suis marié. Nous n'étions pas beaucoup à la cérémonie, seulement douze personnes. Mireille était mon témoin. Cela ne pouvait pas être quelqu'un d'autre. C'est une femme au cœur immense, une actrice extraordinaire… Elle a accompli des choses qui resteront éternelles. Mais elle souffrait beaucoup depuis un an. Malgré ma peine, c'est une sorte de délivrance de savoir qu'elle est peut-être désormais soulagée.

Comment l'avez-vous rencontrée?

La cuisine nous a rapprochés. Elle était curieuse, fouineuse et aventurière. Elle aimait me défier sur mon propre terrain et j'adorais ça. Elle était si stimulante, il n'y avait pas de place pour le mensonge, la relation ne pouvait être que profonde et sincère. Elle disait retrouver cela dans ma cuisine. Mais la sienne était aussi d'une grande élégance et d'une grande finesse. Elle possédait totalement la culture du bon produit. Elle n'avait pas peur de prendre sa voiture et d'aller à Rungis même si c'était uniquement pour chercher une variété de pamplemousse. Là-bas, on la connaissait, on la respectait et les grossistes savaient qu'on ne pouvait pas lui vendre n'importe quoi.

Elle vous mijotait de petits plats?

J'ai plein de recettes de Mireille qui me viennent à l'esprit mais son pot-au-feu, ce plat de communion parfaite à table, elle le réussissait mieux que personne. Elle m'a surpris, comme souvent quand elle cuisinait, mais là encore plus! Le bouillon était d'une grande finesse, sa viande cuite à la perfection, ses assaisonnements si justes, rien de dominé, tout était équilibré. Je lui donnais des recettes. Elle les prenait et les tournait à sa manière. C'est comme ça qu'elle a fait, durant toute sa vie.

Dans l'intimité, quelle femme était-elle?

J'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes dans ma vie… Mais Mireille est à part. Elle pensait aux autres avant de penser à elle. Tous ses films? Elle s'en moquait. «Parle-moi de toi!», répétait-elle. C'était une femme profondément gentille et bonne. Elle était toujours là quand on avait besoin d'elle. On pouvait la joindre à n'importe quel moment de la journée. Et puis, quand elle avait des choses à dire, elle n'hésitait pas. Elle avait un caractère bien trempé.

C'était donc une vraie battante?

Oui. Et pourtant, elle a subi plusieurs opérations en un an et enduré une douleur que peu auraient pu supporter. Ces dernières années, elle transitait sans cesse entre l'hôpital et la maison. Je me demandais comment elle faisait pour être si forte. «Je veux être avec vous», disait-elle. Alors que physiquement, elle n'en pouvait plus, elle continuait de sourire, l'air de dire: «Tout ira mieux, demain.» La dernière envie qu'elle a partagé avec moi , ce fut de trouver de bonnes pommes. Pour elle, j'ai relevé ce défi. J'ai mis toute mon énergie pour trouver les meilleures variétés de pommes sur le marché, avec le goût juste. Elle m'a stimulé une fois de plus. J'aimais tant ça chez elle, notre relation était unique. Elle savait rendre chacune de ses relations uniques, entrer en contact profond avec chacun, elle entrait dans notre intériorité, avec tant d'amour. Je me souviens de ce moment, au tout début de notre amitié. Je vivais à l'époque un chagrin, une souffrance. Elle est immédiatement venue me voir. Nous avons discuté toute la journée. Elle m'expliquait que la vie, c'était autre chose que la souffrance. Que la vie, si on n'est pas trop con, ce n'est que du bonheur.