ONU: la destruction du patrimoine culturel devient un «crime de guerre»
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mars 25, 2017
Le Conseil de sécurité a voté à l'unanimité vendredi pour la résolution visant à reforcer les moyens de défense des sites menacés dans les zones de conflit. La ministre de la Culture, Audrey Azoulay, avait fait le déplacement à New-York pour défendre ce texte porté par la France et l'Italie.
Des bouddhas de Bamiyan en Afghanistan aux manuscrits de Tombouctou en passant par Palmyre, les attaques délibérées contre les grands sites mondiaux du patrimoine se sont multipliées ces dernières années. Dans une résolution adoptée à l'unanimité, les membres du Conseil de sécurité ont appelé à défendre systématiquement le patrimoine, après de premières mesures prises dans la foulée des attaques de l'organisation État islamique en Irak et en Syrie.
Le texte appelle à protéger le patrimoine dans toutes les zones de conflit, sans limitation géographique et pour tous types de menaces confondus (destruction, vol et pillage, trafic). Il souligne aussi qu'attaquer des sites du patrimoine culturel ou religieux «peut constituer, dans certaines circonstances et conformément au droit international un crime de guerre», et les «auteurs de telles attaques doivent être poursuivis en justice».
«C'est la même volonté destructrice qui vise dans leur chair des femmes, des hommes, des enfants mais aussi dans la pierre, l'argile, les trésors du patrimoine, les musées»
Audrey Azoulay, qui représentait la France vendredi auprès du Conseil de Sécurité
Il appelle les pays à créer des unités spécialisées dans cette lutte, et à une coopération internationale renforcée pour lutter contre le trafic de biens culturels venus de zones de conflits. «L'acharnement délibéré contre le patrimoine de l'humanité procède d'une volonté d'anéantissement de la mémoire», a souligné Audrey Azoulay, ministre française de la Culture qui présentait le texte avec l'Italie. «C'est la même volonté destructrice qui vise dans leur chair des femmes, des hommes, des enfants mais aussi dans la pierre, l'argile, les trésors du patrimoine, les musées». «C'est aussi un enjeu majeur de sécurité puisque le trafic finance bien souvent le terrorisme», a-t-elle ajouté. Cette lutte renforcée nécessite des moyens importants et qui ne cessent d'augmenter, a reconnu la directrice de l'Unesco, Irina Bokova, venue appuyer le texte.
Sept pays, dont la France, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ainsi qu'un donateur privé ont promis lundi dernier à Paris quelque 75,5 millions de dollars pour la sauvegarde du patrimoine culturel menacé par la guerre et le terrorisme. Ils permettront d'assurer l'approvisionnement du fonds international créé pour financer le sauvetage et la restauration des oeuvres mises en péril par les conflits. Les villes concernées sont prioritairement Palmyre (Syrie), Bamiyan (Afghanistan), Tombouctou (Mali) et Mossoul (Irak), dont le musée a récemment été retrouvé en ruines par les forces armées irakiennes.
Dans la continuation de la conférence dite d'Abu Dhabi, un réseau international de «refuges» devrait également être créé pour mettre à l'abri de manière temporaire le patrimoine mis en péril par les conflits armés ou le terrorisme. Séduisante sur le papier, la mesure sera difficile à appliquer – même si elle vaut le coup d'être tentée. Lors de la guerre civile en Espagne, la France avait ainsi accueilli sur son territoire les chefs-d'œuvre des musées espagnols. 80% des œuvres des musées syriens ont déjà été mis à l'abri, au Kurdistan notamment.