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Entre reculs et rebondissements, le long feuilleton de la fermeture de la centrale de Fessenheim

Écrit par sur janvier 24, 2017

Entre reculs et rebondissements, le long feuilleton de la fermeture de la centrale de Fessenheim

Printemps 2012 : durant la campagne, François Hollande confirme cette promesse

Malgré ce rapport rendu par l’ASN, et bien que M. Hollande n’ait pas participé à l’accord programmatique avec EELV, le vainqueur de la primaire socialiste reprend cette proposition pour la campagne présidentielle.

Avec une différence notable. Dans son programme, il ne promet pas de fermer la centrale « immédiatement », comme prévu par l’accord PS-EELV, mais plutôt au cours de son mandat. Alors, en décembre 2011, Mme Duflot prévient M. Hollande : « Je ne sais pas si c’est une tradition corrézienne, mais je fais partie de celles qui pensent que les promesses engagent ceux qui les passent. »

Lire aussi :   Ecologie : les cinq dossiers qui ont miné le quinquennat

Le président sortant Nicolas Sarkozy, lui, s’engage à garder la centrale ouverte et dénonce « la folie » de ceux qui souhaitent sa fermeture. Mais, durant le débat d’entre-deux-tours, M. Hollande persiste et signe :

« Une seule centrale fermera. On me dit : “Mais pourquoi Fessenheim ?” (…) C’est la plus vieille de France. Elle se trouve, en plus, sur une zone sismique, à côté du canal d’Alsace. »

Septembre 2012 : élu, François Hollande annonce la fermeture de la centrale pour « fin 2016 »

Une fois installé à l’Elysée, M. Hollande précise le calendrier d’arrêt de la centrale, qui produit 2,4 % du courant français. En ouverture de la première conférence environnementale, le président annonce que la centrale sera fermée « à la fin de l’année 2016 dans des conditions qui garantiront la sécurité des approvisionnements de cette région, la reconversion du site et la préservation de tous les emplois ».

En décembre 2012, le gouvernement nomme même un délégué interministériel chargé de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Ce poste revient à Francis Rol-Tanguy.

En 2013, l’ASN se montre perplexe concernant le calendrier

Malgré les annonces de M. Hollande, le processus de la fermeture de la centrale nucléaire n’est toujours pas lancé. Et l’ASN se montre même dubitative à propos du calendrier établi.

En janvier 2013, Pierre-Franck Chevet, président du gendarme de la filière nucléaire, estime qu’« arrêter définitivement un réacteur nécessite des procédures lourdes, équivalentes à celles qui ont prévalu à sa création, soit environ cinq ans ». Ce qui rend impossible l’objectif de M. Hollande. Mais dans une interview au Monde, la ministre de l’écologie Delphine Batho confirme le calendrier de l’exécutif : « L’objectif est de tenir fin 2016. »Quelques mois plus tard, en mai 2013, l’ASN autorise le fonctionnement du second réacteur de la centrale pour dix ans supplémentaires, si des travaux sont effectués. Une décision similaire à celle prise en 2011 pour le réacteur numéro 1. Pour le patron d’EDF Henri Proglio, il paraît alors impensable de fermer Fessenheim : « Si on fait un investissement, c’est pour durer, on ne va pas arrêter les réacteurs sur lesquels on investit. » Il réclame ainsi des indemnités en cas de fermeture du site.

Mais le gouvernement ne lâche rien. Philippe Martin, nouveau ministre de l’écologie, réitère l’engagement du chef de l’Etat dans une interview au Journal du dimanche en juillet 2013 : « Je fermerai Fessenheim d’ici au 31 décembre 2016. »

Automne 2014 : le gouvernement temporise

Le mandat avance, et la décision de fermer la centrale n’est toujours pas prise. En octobre 2014, le Parlement vote la loi de transition énergétique. La loi plafonne le parc nucléaire à 63,2 gigawatts, sa puissance actuelle. Cette disposition contraint EDF à fermer, lors de la mise en service du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville (Manche), des réacteurs de puissance équivalente. La centrale de Fessenheim est en ligne de mire mais n’est pas expressément citée dans le texte. Le début d’un revirement ?

Dans la foulée du vote, la ministre de l’écologie Ségolène Royal remet en effet en question la fermeture de Fessenheim sur les ondes de RTL :

« Il n’est pas certain que les pouvoirs publics choisissent de fermer Fessenheim plutôt qu’une autre centrale nucléaire. Des investissements importants ont été faits dans cette centrale. Il faut en tenir compte. »Une prudence approuvée par le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll, qui, quelques jours après, n’exclut pas le maintien en service de Fessenheim : l’arrêt des deux réacteurs du Haut-Rhin ne figurait « pas dans la loi » sur la transition énergétique.

Quelques jours plus tôt, un rapport parlementaire rédigé par les députés Hervé Mariton (Les Républicains, ex-UMP) et Marc Goua (PS) avait également préconisé le report de la fermeture de Fessenheim. « Fermer la centrale nucléaire pour fin 2016 coûterait au moins 5 milliards d’euros à l’Etat », préviennent les parlementaires.

Janvier 2015 : François Hollande confirme sa promesse

Mais M. Hollande maintient sa promesse, malgré un calendrier qui devient de plus en plus irréaliste. En janvier 2015, sur France Inter, le chef de l’Etat annonce que « des procédures sont en cours » et que « les études sont lancées En mars, il répète sa volonté d’en finir avec la centrale avant la fin du quinquennat alors qu’au même moment la plus vieille des centrales françaises est de nouveau à l’arrêt complet en raison d’un défaut d’étanchéité.

Pour les écologistes, c’est bien la preuve qu’il est temps de fermer le site :

« Pas un mois ne passe sans qu’un incident, plus ou moins grave, n’éclate sur le site alsacien. Cette série d’incidents à répétition appelle à une prise de conscience lucide et irréfutable sur la dangerosité du nucléaire. »

Printemps 2016 : l’Allemagne tire la sonnette d’alarme

L’alerte vient d’Allemagne. En mars 2016, un porte-parole de la ministre de l’environnement Barbara Hendricks estime que Fessenheim est « trop vieille » et « devrait être fermée le plus vite possible ».

Quelques jours avant cette déclaration, le quotidien Süddeutsche Zeitung et la télévision régionale WDR affirment qu’un événement qui s’est produit dans la centrale de Fessenheim en avril 2014 aurait été « bien pire » qu’annoncé par les autorités. Un réacteur aurait même été « momentanément incontrôlable », selon un expert interrogé par ces deux médias.

Mais, pour l’ASN, « il n’y a pas de raison de fermer » la centrale pour le moment. « Après, il y a des décisions de politique énergétique qui relèvent du gouvernement et qui peuvent conduire à des choix différents », affirme Sophie Letournel, chef de la division de Strasbourg de l’ASN.

Janvier 2017 : accord trouvé entre EDF et l’Etat

La fin du quinquennat approche. Les négociations patinent entre EDF et le gouvernement. Le calendrier prôné par M. Hollande n’est plus tenable. Les autorités demandent alors au groupe électricien de lancer le processus juridique conduisant à la fermeture de la centrale. Mais EDF souhaite d’abord régler la question de l’indemnisation.

Alors que l’entreprise publique espère recevoir au moins 2 à 3 milliards d’euros, Mme Royal propose 100 millions d’euros avant l’été 2016. Une offre rejetée, sans surprise, par la direction d’EDF. Mais, après des mois de tension, un accord est trouvé en août sur le montant de l’indemnisation : 490 millions d’euros seront versés à l’électricien public. C’est cet accord qui a été validé mardi par le conseil d’administration d’EDF.

 Lire aussi :   Fessenheim se prépare à « l’inacceptable »

Les deux réacteurs ne seront toutefois pas mis à l’arrêt avant la fin de 2018, date prévue par EDF pour le raccordement au réseau de l’EPR de Flamanville (Manche) dont la puissance compensera les capacités électronucléaires perdues à Fessenheim.

Une fermeture remise en question après la présidentielle ?

Et, malgré cet accord, ce feuilleton n’est pas terminé. Dans quelques mois, le résultat de l’élection présidentielle pourrait en effet une nouvelle fois tout bouleverser. François Fillon, candidat Les Républicains, s’est par exemple engagé, s’il était élu, à « stopper la fermeture » de la centrale.

A l’annonce de l’accord entre EDF et l’Etat, Marine Le Pen, présidente du Front national, a également contesté une décision « motivée par des considérations purement politiciennes contraires à l’intérêt national ». Elle aussi promet de revenir sur cette fermeture, si elle est élue en mai prochain.