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Pourquoi les bébés doivent-ils prendre de la vitamine D?

Écrit par sur janvier 4, 2017

L'uvestérol D, une vitamine D destinée principalement aux enfants qui s'administre à l'aide d'une pipette est-elle dangereuse? La question se pose après la mort d'un nourrisson et de nombreux signalements, mais les pédiatres remettent surtout en cause son mode d'administration.La vitamine D  joue un rôle majeur dans la minéralisation osseuse et c'est pour cette raison qu'elle est indispensable au bon développement du nourrisson. L'Assurance maladie précise ainsi qu'une supplémentation peut être recommandée chez l'enfant, qu'il soit nourri au sein ou avec des laits infantiles, pour éviter une carence.

L'un des médicaments les plus prescrits pour cet usage par les pédiatres est l’uvestérol D du laboratoire Crinex, qui peut être recommandé jusqu'à l'âge de cinq ans. Ce produit sous forme de solution buvable est au cœur d'une polémique après une information du Figaro qui relate la mort d'un nourrisson de dix jours, victime d'un arrêt cardio-respiratoire, après avoir reçu une dose d'uvestérol D.

L'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a fait savoir le 4 décembre qu’elle a engagé, par précaution, une procédure de suspension de la commercialisation du produit. "Les conclusions des investigations disponibles à ce jour mettent en évidence un lien probable entre le décès et l’administration de l'Uvestérol D", précise-t-elle dans un communiqué.

Une surveillance renforcée depuis dix ans

Dans un autre communiqué publié la veille, celle-ci indique que "depuis 1990, date de la mise sur le marché de l’uvestérol D, aucun décès n’a été imputé à l’administration de ce produit". Ce dernier fait cependant l'objet depuis 2006 d’une surveillance renforcée de la part des autorités sanitaires et d'un plan de gestion des risques depuis juin 2011 en raison de signalements de malaises ou de fausses routes alimentaires.

La ministre de la Santé Marisol Touraine a tenu pour sa part à assurer que seul l’uvestérol D est concerné par cette procédure, pas les autres spécialités à base de vitamine D. Pour assurer l’information de l’ensemble des familles, un numéro vert d’information a été activé ( 0800 636 636).

"Je souhaite rassurer les parents qui ont donné de la vitamine D, sous quelque forme que ce soit, à leurs enfants : ils ne courent aucun danger. Mais je leur demande, à titre de précaution, d’arrêter le traitement par uvestérol D. Je leur garantis une information transparente, objective et fiable. Et je mets tout en œuvre pour leur proposer, en lien avec les professionnels de santé, une solution alternative.", a-t-elle fait savoir.

"L'intérêt de la vitamine D ne doit pas être remis en cause"

"C’est une décision logique, on ne peut pas prendre le risque que ce médicament continue à être mal utilisé", estime le Dr Sylvie Hubinois, présidente de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA). Dans ce contexte, de nombreuses questions demeurent quant à la dangerosité du produit: pourquoi était-il toujours prescrit?

Car le bénéfice demeure supérieur au risque, selon François Vié le Sage, pédiatre membre de l'AFPA. "L'intérêt de la vitamine D ne doit pas être remis en cause. Elle permet la fixation du calcium sur les os et prévient le risque de rachitisme chez l'enfant.", souligne-t-il. Un constat partagé par le pédiatre Andréas Werner. "Une supplémentation en vitamine D est notamment très importante chez les bébés allaités et ceux avec une peau noire".

Pour ces trois spécialistes, ce n'est pas le produit en lui-même mais son protocole d'administration, avec une pipette, qui pose problème. "Le traitement doit s'administrer tous les jours avec cette pipette, cela devient un geste quotidien et les parents peuvent par mégarde le faire trop rapidement", estime le Dr François Vié le Sage.

Les risques persistent malgré des modifications

"La pipette est pratique, notamment si le bébé n'ouvre pas la bouche. Si on l'administre correctement il n'y a pas de risque, d'ailleurs le produit n'a pas été retiré des hôpitaux car le personnel est bien formé. Mais cette méthode peut être risquée pour les bébés prématurés, certains n'ont pas la maturité pour un réflexe de vomissement si les parents l'enfoncent trop", ajoute le Dr Werner.

En 2006, puis de nouveau en 2011, l'ANSM n'a pas émis de contre-indication, mais avait demandé au laboratoire Crinex d'adresser aux professionnels de santé un courrier pour les informer des recommandations à respecter lors de l’administration de cette spécialité. Ainsi, le produit doit être administré avant la tétée ou le biberon de manière lente au nourrisson, qui doit être installé en position semi-assise, uniquement en utilisant la seringue fournie avec le flacon et en la positionnant contre sa joue.

"La pipette a aussi été modifiée, affirme le Dr Werner. Elle se présentait comme une seringue normale avec un trou au bout mais maintenant le produit sort sur les côtés". Parallèlement, la formulation est passée d'une forme huileuse à aqueuse pour diminuer le volume à administrer en augmentant sa concentration. "La dose était trop importante pour la façon dont le produit est administré. Cela a permis de faire diminuer le nombre d’accident mais pas de les faire disparaître", atteste le Dr Sylvie Hubinois.

Ne pas interrompre le traitement sans un avis médical

Des changements que la revue médicale Prescrire juge insuffisants depuis plusieurs années. "Les dispositifs doseurs ont été adaptés aux nouveaux volumes à administrer mais le mode d’administration est inchangé, notamment en plaçant la pipette dans la bouche contre la joue. On ne dispose d’aucun élément tangible d’évaluation montrant que ces changements réduisent le risque de malaise", ajoute-t-elle. Un problème lié notamment au fait que "les parents ne lisent pas toujours la notice sur laquelle figurent ces recommandations", assure le Dr Werner.

Les parents ne doivent pas pour autant d'utiliser l'uvestérol D, conseille le Dr François Vié le Sage. "Pour les prématurés qui peuvent être gênés, il est possible de diluer le produit dans un fond d'eau et de l'administrer avec un biberon". Ceux qui se montrent inquiets peuvent demander conseil auprès de leur pédiatre, mais il n'existe pas d'autres modes d'administration pour l'uvestérol D.

Ils peuvent en revanche être informés sur des alternatives comme le zymaD ou l'adrigyl qui s'administrent avec des gouttes. "Il n’existe pas d’autres façons tout aussi efficaces d’administrer le produit", affirme le Dr Sylvie Hubinois. Attention cependant à ne pas procéder à un changement sans en informer un professionnel de santé car les doses administrées ne sont pas les mêmes selon les enfants.