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À l’Assemblée, Cazeneuve distribue les taloches

Écrit par sur décembre 13, 2016

Bernard Cazeneuve a obtenu une large confiance du Parlement. Sa réponse aux attaques des opposants de droite et de gauche a fait mouche. Soyez fiers de votre bilan ! Soyez fiers de ce qui a été fait », conclut Bernard Cazeneuve à l'adresse des députés socialistes, en cette fin d'après-midi, après avoir subi les assauts de tous les groupes parlementaires à la suite de son discours de politique générale. Le nouveau Premier ministre a obtenu la confiance par 305 voix contre 239. Le gouvernement Valls II avait obtenu 269 voix contre 244. Bernard Cazeneuve ne souffre pas des rebuffades des frondeurs du PS, contrairement au précédent locataire de Matignon.

Dans son discours, le nouveau Premier ministre a déclaré qu'il souhaitait que le débat démocratique cesse d'être un tissu de contre-vérités où l'outrance devient la règle. Cet après-midi, à l'Assemblée nationale, il n'a guère été entendu. Le ton est resté très dur dans l'opposition. En tout cas, dans les cinq mois de sa courte mandature, lui s'engage à ne pas user de ces facilités.

Il a repris une à une les attaques et y a répondu, non par l'invective mais par la « convocation des faits ». La droite l'a accablé sur la gestion déplorable des comptes de ce quinquennat. Il a répliqué, méthodique et précis. D'abord sur les dépenses publiques : elles ont augmenté sous le quinquennat Sarkozy de 170 milliards d'euros, soit plus de 3 % par an. Alors qu'il était ministre délégué au Budget, il s'est efforcé de réduire la hausse à + 1,3 %. La droite aurait donc « tout réussi », tandis qu'il serait, lui, « un mauvais ministre », ironise-t-il devant l'hémicycle.

Les déficits : des bonnets d'âne pour tous

On lui reproche ensuite l'envolée de la dette. Oui, sous la gauche, elle a gravi 7 points. Mais il faudrait considérer que la droite, sous la houlette de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, aurait été vertueuse alors que la dette a enflé de 25 points, passant de 64 à 89 % entre 2007 et 2012. L'argument vaut ce qu'il vaut : les dérives passées excusent-elles les débordements sous la gauche pour autant ?

Enfin, il y a la question des déficits publics. Le gouvernement Fillon laisse la France dans un état déficitaire de 5,2 % du PIB. Les socialistes ne parviennent pas au zéro déficit promis par le candidat Hollande, mais, argue Cazeneuve, poursuivent la baisse d'année en année. Dans les projets du candidat Fillon, il est prévu que les déficits flambent à nouveau jusqu'en 2020, avant de repasser sous les 3 %. On ne parviendra pas à départager les deux camps sur cette question où Bruxelles pourrait nous décerner un bonnet d'âne depuis très longtemps. La remontée des taux d'intérêt ne nous permettra pas indéfiniment d'emprunter à peu de frais… Et les promesses de campagne non financées nous étoufferont si nous ne gardons pas la tête froide dans cette campagne présidentielle bien lancée.

Cazeneuve blessé d'être tenu pour responsable des attentats

Enfin, Cazeneuve a reconnu qu'il avait été blessé par les propos tenus dans l'opposition. Celle-ci l'a tenu personnellement responsable de l'accumulation par centaine des victimes d'attentats : « Je vous le dis, ce que vous vous autorisez avec moi, jamais je ne me l'autoriserais avec aucun responsable de votre sensibilité si demain il devait exercer la responsabilité du pays, clame-t-il. Jamais ! Jamais, je ne le dirais, parce que j'imagine que, lorsque vous étiez au pouvoir […], vous avez fait le meilleur. J'imagine que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont fait le meilleur. » Les députés socialistes se lèvent pour applaudir ses propos.

Et le Premier ministre de rappeler que la droite a supprimé 13 000 postes dans les forces de l'ordre. Mais aussi 2 500 postes dans les préfectures et les sous-préfectures, soit l'équivalent de « 13 préfectures ». Lui se targue au contraire d'appartenir à une majorité qui a relancé le recrutement avec la sortie de 4 600 élèves policiers, augmenté de 20 % les crédits d'investissement dans la police et la gendarmerie et réorganisé les services de renseignements.

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« Vous qui convoquez en permanence l'identité de la France… »

Il s'est offusqué également qu'on ait pu dire que le gouvernement Valls avait, en vidant la « jungle » de Calais, pratiqué, de fait, des « régularisations irresponsables » de clandestins. Lui, ministre de l'Intérieur, a assumé d'avoir permis à des « réfugiés syriens, irakiens, érythréens, soudanais persécutés dans leur pays » de sortir de ce camp où ils subissaient des violences, des abus, y compris les enfants. Il s'est targué d'ailleurs d'avoir doublé le nombre de places dans les centres d'accueil. Si la France est encore une terre d'asile, alors Cazeneuve ne met pas son mouchoir sur ses valeurs pour offrir aux réfugiés le droit de demander l'asile dans des conditions décentes. « Vous qui convoquez en permanence l'identité de la France, n'oubliez pas que ce message est le message que les peuples du monde ont appris à aimer de notre pays, » lance-t-il en direction des députés LR.

Se tournant vers le président du groupe communiste, André Chassaigne, Cazeneuve a répondu à la critique récurrente qui voudrait que la gauche socialiste ait mené une politique de droite. « Faites attention, M. Chassaigne, prévient-il, parce que nous arrivons dans une période particulière du débat démocratique de notre pays. Et si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre la droite et la gauche, alors il se peut que les Français n'aient plus le choix qu'entre l'extrême droite et la droite. » Et de rappeler que la gauche a créé 60 000 postes dans l'Éducation (en vérité 54 000) quand la droite en avait détruit 80 000.

Enfin, sur la politique européenne, le Premier ministre a essuyé le reproche que la voix de la France ne comptait plus, qu'elle avait été absente. Il a donc rappelé que, sous ce quinquennat, l'Europe a créé Frontex, a obtenu la modification du Code frontières Schengen et que la France avait rétabli le contrôle aux frontières à l'occasion de la COP21. Les terroristes du Bataclan sont entrés sur le territoire la veille de la mise en place de ce contrôle… Une coïncidence ? Pour l'instant, ce fait n'a pas été élucidé.