Washington et ses alliés lancent l’assaut contre Raqqa, capitale de l’Etat islamique
Écrit par Jonathan PIRIOU sur novembre 6, 2016
LA force arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis a lancé ce dimanche une vaste offensive mobilisant 30.000 combattants pour reprendre la ville de Raqqa, capitale de facto du groupe djihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.
"La grande bataille pour la libération de Raqqa et de sa province a commencé", a annoncé Jihan Cheikh Ahmad, une porte-parole de l'offensive, à Aïn Issa, la ville la plus proche de Raqqa, située à une cinquantaine de kilomètres au sud. Cette opération baptisée "Colère de l'Euphrate" a débuté sur le terrain samedi soir, selon Jihan Cheikh Ahmad. Le correspondant de l'AFP présent à la conférence de presse a vu des dizaines de combattants armés à bord de véhicules se dirigeant vers le front.
"Raqqa sera libéré grâce à ses fils et ses factions arabes, kurdes et turkmènes, des héros combattant sous la bannière des Forces démocratiques syriennes (FDS), avec la participation active des Unités de protection du peuple kurde (YPG) […] en coordination avec la coalition internationale" dirigée par les Etats-Unis, précise le communiqué.Ces combattants veulent libérer la ville "des forces du terrorisme mondial et obscurantiste représentées par l'EI qui a pris Raqqa pour sa capitale supposée"
Isoler, puis contrôler la ville"
Cette annonce, très attendue, intervient au moment où une vaste opération est toujours en cours pour déloger l'Etat islamique de son bastion de Mossoul en Irak. Mossoul et Raqqa sont les deux dernières grandes villes encore contrôlées par l'Etat islamique, qui a perdu une grande partie des territoires que ce groupe djihadiste sunnite avait conquis en 2014 en Syrie et en Irak.
Plusieurs hauts responsables occidentaux ont récemment fait savoir que Raqqa serait le prochain objectif de la coalition internationale anti-djihadiste, à l'issue de l'offensive lancée il y a trois semaines contre Mossoul, où les forces irakiennes rencontrent une vive résistance. Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter avait appelé fin octobre à une opération isolant l'EI à Raqqa simultanément à l'offensive en cours contre Mossoul.
Talal Sello, porte-parole des FDS basé à Hassaké, dans le nord de la Syrie, a affirmé à l'AFP par téléphone que l'opération allait se dérouler "en deux étapes : libérer la province de Raqqa pour isoler la ville, puis contrôler la ville".
Mais, a-t-il averti, "la bataille ne sera pas facile et a besoin d'opérations précises et prudentes. L'EI défendra son bastion car il sait que la perte de Raqqa signifie sa fin en Syrie." L'EI a subi ces derniers mois une série de défaites face aux FDS et subit une pression sur plusieurs fronts de son "califat" autoproclamé en 2014.
La Turquie exclue de l'opération ?
Les FDS ont été promus par Washington comme un allié clé dans la lutte contre l'EI, mais cette alliance est compliquée par l'opposition féroce des Turcs aux YPG.
La coalition arabo-kurde a d'ailleurs annoncé ce dimanche s'être mise d'accord avec les Etats-Unis sur le fait "qu'il n'y aura aucun rôle turc ou des rebelles qui leur sont alliés dans l'offensive" de Raqqa, a affirmé Talal Sello.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait de son côté affirmé le 27 octobre que les opérations militaires menées par la Turquie dans le nord de la Syrie allaient s'étendre à Raqqa. Ankara s'était inquiété que les Forces démocratiques syriennes (FDS) – alliance anti-EI dominée par les forces kurdes et comprenant des combattants arabes -, soient dominées par les milices kurdes YPG.La Turquie considère en effet les milices kurdes YPG comme des "terroristes" proche du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan), l'organisation séparatiste kurde en guerre contre le gouvernement turc depuis 1984. Et elle ne veut pas les voir partir à l'assaut de Raqqa, et consolider ainsi encore une influence kurde dans la région qui terrifie Ankara.
Paris satisfait ?
L'opération devrait en tout cas satisfaire la France, qui s'inquiétait depuis quelques jours d'une possible fuite des djihadistes de Mossoul vers Raqqa.
"Nous devons être exemplaires sur le plan de la poursuite des terroristes qui déjà quittent Mossoul pour rejoindre Raqqa", avait ainsi mis en garde le président français lors d'une réunion à Paris sur l'avenir politique de la ville irakienne.
Pour la France et, plus largement, pour les Etats occidentaux, l'éradication de l'EI passe forcément par la reprise de Raqqa, sur laquelle la coalition internationale anti-djihadistes a effectué ses premières frappes aériennes en septembre 2014.
"Raqqa, c'est la vraie capitale" de l'EI, affirmait le secrétaire d'Etat adjoint américain Anthony Blinken dès mi-octobre.
"C'est de cette ville que Daech planifie les attaques extérieures", les attentats meurtriers qui ont endeuillé plusieurs pays dans le monde, dont la France évidemment.