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Alstom place François Hollande en première ligne

Écrit par sur septembre 12, 2016

Le président tente de mobiliser la SNCF et les collectivités locales pour qu'elles passent commande au constructeur.

«Sauver» l'usine Alstom de Belfort… L'annonce par le groupe de l'arrêt, d'ici à 2018, de la production de locomotives sur le site et la suppression de 400 postes sur 500 a déclenché une tempête qui force le gouvernement à réagir. La solution? Trouver des commandes comme l'a soutenu Michel Sapin, à l'issue de la réunion interministérielle convoquée d'urgence à l'Élysée. «Le président de la République nous a fixé un objectif: celui de faire en sorte qu'à Belfort les activités ferroviaires d'Alstom soient maintenues», a déclaré le ministre. Une série de rencontres a été programmée «avec les élus, avec les organisations syndicales, avec la direction d'Alstom et avec l'ensemble de ceux qui, en capacité de passer un certain nombre de commandes en France, peuvent permettre d'assurer le plan de charge qui permettra de sauver les activités ferroviaires d'Alstom à Belfort». Le secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, a même pris un engagement risqué: Belfort restera un site de production «dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui».

Lundi après-midi, François Hollande, lors d'une visite d'un centre de formation à Saint-Quentin-en-Yvelines, près de Paris, a précisé ses intentions. Il a demandé aux opérateurs ferroviaires de faire un effort. «Nous devons nous mobiliser pour qu'il y ait plus de commandes qui soient apportées et pour que cette entreprise-là puisse garder ses sites et, ce faisant, puisse être un fleuron de notre industrie, a-t-il dit lors d'un discours. Mais nous devons apporter des commandes et c'est le rôle de l'ensemble des acteurs publics, régions, entreprises de transports, SNCF, RATP, dans le cadre des accords qui existent et qui doivent être respectés, d'apporter de la commande.»

Une petite musique que Guillaume Pepy, président du directoire du groupe SNCF, connaît bien. Lui qui achète régulièrement à contrecœur des rames de TGV dont il n'a pas toujours besoin et qu'il doit néanmoins financer. «Les TGV sont désormais les seules commandes qui relèvent de la SNCF, rappelle un dirigeant de l'opérateur public. Les TER dépendent des régions et les trains d'équilibre du territoire (Intercités) relèvent de l'État.» Ces prochains jours, la SNCF confirmera une commande de 1,2 milliard d'euros de TGV livrés entre la fin 2016 et la fin 2019 pour être mis en service sur les lignes Bretagne, Pays de Loire et Sud Europe Atlantique.

Stupeur réelle ou feinte

Mais pas d'achat de locomotives en vue. «Nous n'en avons pas besoin», répète ce cadre de la SNCF. Le recentrage sur la production de locomotives a conduit Belfort aux difficultés que l'on connaît aujourd'hui. «Nous avons deux ans devant nous pour trouver des solutions pour Belfort», indique un cadre d'Alstom qui ne croit toutefois pas au miracle. «Le groupe va mieux que jamais. Il est riche, dégage de bonnes marges et a engrangé de nombreuses commandes à l'étranger.» Partoutsauf en France.

«Le groupe va mieux que jamais. Il est riche, dégage de bonnes marges et a engrangé de nombreuses commandes à l'étranger»

Un cadre d'Alstom

Les représentants de la CDFT d'Alstom, eux, ont leur idée sur un sauvetage possible. «Le gouvernement avait un projet ambitieux de ferroutage européen, le transfert sur rail du transport de marchandises, souligne Patrick de Cara, délégué syndical Alstom et représentant CFDT au comité stratégique de la filière ferroviaire. Une liaison Amsterdam, Paris, Marseille, Barcelone aurait permis de décongestionner les routes, ce qui a du sens au lendemain de la COP21.» Ce projet aurait nécessité la commande de 50 locomotives et de wagons. Mais les conférences «fret» organisées par le secrétaire d'État aux Transports n'ont pas abouti à cette relance du transport ferroviaire de marchandises.

Enjeu présidentielle

L'usine de Belfort devient en tout cas un enjeu de la présidentielle, d'autant que le gouvernement prête le flanc à la critique. Ségolène Royal et Manuel Valls ont beau jeu de pointer du doigt le management d'Alstom et ses annonces «brutales», «condamnables», «inacceptables». Toute la classe politique n'a pas manqué de réagir devant cette stupeur – réelle ou feinte – des représentants de l'État. Il est vrai que ce dernier détient 20 % des droits de vote d'Alstom qui lui ont été prêtés par Bouygues pour une durée de vingt mois avec une option de rachat. Cette opération avait été conclue lors de la cession à General Electric des activités énergie d'Alstom, opération clôturée en début d'année. Deux représentants de l'État siègent ainsi au conseil d'administration d'Alstom.

Nicolas Sarkozy ou Nathalie Kosciusko-Morizet ont dénoncé l'aveuglement de l'État concernant la situation d'Alstom à Belfort. Nicolas Dupont-Aignan a traité Manuel Valls de «Tartuffe» dimanche. Arnaud Montebourg lui-même a dénoncé la politique du «laisser-faire» du gouvernement et du ministre de l'Économie qui lui a succédé. À gauche, les petites phrases assassines cinglent. C'est l'occasion d'un autre règlement de comptes. Michel Sapin juge qu'Emmanuel Macron a une part de responsabilité : «Il faudrait d'abord demander à Macron ce qu'il avait mis en place, dénonce-t-il dans Le Monde. La vérité ; c'est qu'il avait levé le pied depuis un an.»

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