Casseurs : à Paris, la justice annule les interdictions de manifester
Écrit par Jonathan PIRIOU sur mai 17, 2016
Le tribunal administratif de Paris a suspendu mardi neuf des dix arrêtés interdisant à des militants antifascistes de se joindre aux manifestations contre la loi El Khomri. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé que 53 arrêtés d'interdiction de manifester avaient été pris dans toute la France.Sérieux revers pour le ministre de l'Intérieur: le tribunal administratif a suspendu mardi neuf arrêtés sur dix émis par le préfet de police de Paris, Michel Cadot, qui empêchaient des militants antifascistes de se joindre aux manifestations contre la loi El Khomri.
Dans ses neuf ordonnances de rejet, le juge relève que ces interdictions constituent une «atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et à celle de manifester». Dans le dixième cas étudié, les magistrats ont maintenu l'interdiction, estimant que la personne concernée «ne conteste pas sérieusement les agissements graves et précis qui lui sont reprochés», en l'occurrence des violences contre deux militaires, lors de précédents rassemblements.
«L'État ne doit pas céder»
Pour Patrice Ribeiro, patron de Synergie-Officiers, «ces suspensions d'interdiction de manifester risquent de donner un sentiment de pouvoir et une légitimité à des gens qui s'en prennent aux forces de l'ordre. C'est un très mauvais signal envoyé alors qu'une série de manifestations commence. Mais ce n'est qu'un jugement de première instance…»
Jean-Claude Delage, patron d'Alliance (premier syndicat de police) renchérit: «l'État ne doit pas céder, car nous sommes confrontés ici à une forme de terrorisme de rue. Au besoin, il faudra faire voter des textes plus adaptés.»
Manque de preuves
Le gouvernement avait donc choisi de s'appuyer non pas sur l'article 6 de la loi sur l'état d'urgence, qui autorise des «assignations à résidence», mais sur l'article 5, qui permet d'interdire de «séjour» un suspect. Encore faut-il pourvoir le justifier, car l'état d'urgence a été voté au nom de l'antiterrorisme et non pour museler une fronde sociale.
«La justice a reconnu que la quasi-totalité des arrêtés émis n'étaient pas solides», a déclaré l'un des avocats des militants mis en cause. Pour étayer son raisonnement aux allures de syllogisme, le préfet, qui alléguait des violences, a manqué de preuves. Mardi, Bernard Cazeneuve a annoncé que 53 arrêtés d'interdiction de manifester avaient été pris dans toute la France.