Au-delà de la vente du Doliprane, vers un retour de la production de paracétamol en France en 2025
Écrit par Jonathan PIRIOU sur octobre 16, 2024
La crise Covid et les difficultés d’approvisionnement en paracétamol ont conduit l’État à relancer sa production en France. Un engagement qui devrait voir le jour en 2025.
Il venait parler industrie et automobile mais l’actualité l’a rattrapé. Lors du Mondial de l’Auto, interrogé sur le dossier de la vente d’Opella, le fabricant du Doliprane, à un fonds américain, Emmanuel Macron a assuré “s’être battu pour la relocalisation du paracétamol” en France.
En effet, face aux difficultés d’approvisionnement des pharmacies en paracétamol lors du Covid, Emmanuel Macron a pris l’engagement de relancer la production du paracétamol en France. Sujet qui revient aujourd’hui sur la table avec la cession d’Opella, filiale de Sanofi, au fonds américain CD&R, certains craignant une délocalisation, à terme, de la production de médicaments.
Dépendance à la Chine, l’Inde et les États-Unis
Le paracétamol, principe actif que l’on trouve dans le Doliprane, le Dafalgan ou l’Efferalgan n’est plus produit en France et en Europe depuis 2008. Cette molécule de synthèse est produite majoritairement en Chine (50%), en Inde (30%) et aux États-Unis (15%), selon Robert Monti, directeur général de Seqens, rare entreprise pharmaceutique à en produire encore en Europe.
Une dépendance qui ne concerne pas que le paracétamol: d’après l’Association médicale mondiale (AMM), “entre 60% et 80% des principes actifs sont fabriqués hors de l’Union européenne”. Cette proportion était de 20% il y a 30 ans.
“Pour de nombreuses molécules, on constate aujourd’hui l’existence de seulement deux ou trois fournisseurs dans le monde”, continue l’agence.
Ainsi, les deux usines français d’Opella fabriquent les médicaments à base de paracétamol, principalement le Doliprane, mais pas le paracétamol lui-même.
Or, les Français sont les deuxièmes plus gros consommateurs de paracétamol au monde, juste après les Allemands, avec plus de 500 millions de boîtes vendues chaque année. En France, on consommerait entre 5.000 et 8.000 tonnes de paracétamol par an, d’après Jean Boher, président d’Ipsophène, au micro de RMC. Au niveau européen, la consommation s’élève à environ 30.000 tonnes par an d’après Jérôme Geneste, directeur du site Seqens de Roussillon.
Vers une production en France d’ici 2025
Depuis cette prise en compte de la nécessité d’une souveraineté française, deux usines ont annoncé prévoir la production du paracétamol en France.
D’abord le groupe Ipsophène, à Toulouse, qui entend produire 3.400 tonnes de paracétamol par an. L’usine devrait ouvrir ses portes début 2025 à Toulouse. Des investissements de plus de 30 millions d’euros sont prévus, le financement de la région s’élevant à 4,2 millions d’euros.
Ensuite, à Roussillon, en Isère, l’entreprise Seqens vise une commercialisation en 2026 de 15.000 tonnes de paracétamol par an. Un investissement très important pour l’entreprise, à hauteur de 100 millions d’euros: “Le plus gros projet qu’on ait jamais fait pour Seqens”, explique Jérôme Geneste, directeur du site Seqens de Roussillon, au micro de BFM Business. L’État soutient le projet à hauteur de 30 à 40%.
La dimension écologique ainsi que la compétitivité sont fondamentales dans ces relocalisations avec “une empreinte environnementale cinq à dix fois inférieure aux procédés asiatiques”, explique Jérôme Geneste.
Hausse du coût de production
Des interrogations persistent toutefois quant au coût de production du principe actif qui serait supérieur de 30 à 40% par rapport à celui de la molécule importée. Les industriels seront-ils prêts à s’approvisionner plus cher pour un produit français? Robert Monti, directeur général santé publique de Seqens, se veut rassurant sur ce point.
“Depuis l’été 2020, on a un engagement des deux gros laboratoires pharmaceutiques français dans le paracétamol Sanofi et Upsa sur des engagements de long terme. Cela permet de s’assurer que le projet sera pérenne”
Quant au prix du médicament et à l’impact final pour le consommateur de paracétamol, c’est l’Etat qui fixe le prix du médicament. Reste à savoir si des changements sont à venir sur ce plan-là.