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Haïti : « Laisser mon pays chéri parce que je peux mourir n’importe quand »… Le quotidien invivable sur l’île

Écrit par sur mars 19, 2024

est avec des larmes aux yeux que je décris pour vous cette situation d’insécurité qui s’installe actuellement en Haïti. » Les civils sont, comme toujours, les premières victimes des conflits armés. La population haïtienne ne fait pas exception comme le traduit le témoignage à 20 Minutes de Chrismaine Sevère, jeune juriste et technicienne en agriculture de 32 ans.

Depuis le début du mois de mars, l’insécurité a explosé dans le pays frontalier de la République dominicaine lorsque des gangs armés se sont unis pour attaquer des lieux stratégiques de Port-au-Prince pour lutter contre le Premier ministre Ariel Henry. Depuis, « des scènes de guerre civile dignes de Mad Max », selon les mots de la directrice de l’Unicef, ébranlent le quotidien des habitants. « C’est le chaos total dans presque tous les secteurs du pays », résume également Val Neristil Vaniel, directeur d’une école dans une ruralité proche de Port-au-Prince, la capitale, contacté par 20 Minutes.

« Rien ne fonctionne »

La violence et l’anarchie empêchent les habitants de vivre normalement. Lundi matin, vers huit heures, horaire d’arrivée des élèves pour le début des cours, « des bandits armés ont attaqué une banque pas trop loin de l’école que je dirige », raconte ainsi Val Neristil Vaniel. « Le secteur éducatif est considérablement affecté, on tente de trouver les jours où l’on peut réunir les enfants pour ne pas les mettre en danger », poursuit-il.

L’entreprise de transformation de produits agricoles de Chrismaine Sevère est pratiquement au point mort car « le pays est totalement fermé » et que « rien ne fonctionne », d’autant que « les consommateurs n’ont pas de pouvoir d’achat », confie-t-elle. Lors de précédentes crises elle pouvait se rendre à Port-au-Prince en avion pour assurer un minimum son commerce. Mais désormais elle est bloquée dans la région du Grand Sud à cause de l’insécurité qui règne dans la capitale cernée de groupes armés.

Par peur pour sa propre sécurité, Chrismaine Sevère « ne sort presque plus » de chez elle et se sent parfois « au bord de la dépression ». « Nous avons tous peur de la situation en cours », renchérit Val Neristil Vaniel qui tente « toutefois de se maîtriser même dans les pires situations ».

L’exil comme seul futur ?

Pourtant, le quotidien marqué par la violence est aussi impacté par le manque d’argent et de nourriture. « Les élèves viennent mais ils ont toujours faim, leurs parents sont en difficulté économique », souffle ainsi le directeur d’école qui admet ne « pas trop bien se nourrir » même si « on fait de notre mieux pour passer une journée tranquille et manger quelque chose ».

Face à tant de désarrois, partir devient de plus en plus inévitable. « Je pense même qu’en tant que jeune femme c’est la seule option qu’il me reste, regrette ainsi Chrismaine Sevère. Laisser mon pays chéri parce que je peux mourir n’importe où, n’importe quand ». Val Neristil Vaniel pense aussi à quitter Haïti mais aucune possibilité ne s’offre à lui pour le moment même si son passeport est à jour, précise-t-il.L’aéroport international de Port-au-Prince et le port ne fonctionnent plus et tout déplacement est risqué. Selon les données de l’Organisation internationale des migrations, quelque 362.000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, dont 160.000 personnes dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, parfois plusieurs fois pour certaines d’entre elles.

C’est une très grande souffrance quand on est jeune de constater que son quotidien est en train de s’effondrer brutalement, et d’être impuissant et de voir son pays livré à lui-même », ajoute la trentenaire. Une souffrance qui pèse sur le peuple haïtien de manière récurrente ces dernières années, victimes de vagues de violence et de catastrophes naturelles dévastatrices et meurtrières. Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques.

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