Dossier Spécial Grèce
Écrit par Jonathan PIRIOU sur juillet 12, 2015
Cinq idées vraies et fausses sur la crise grecqueDes Grecs «fainéants», un gouvernement de coalition avec l'extrême droite, une dette qui pèse 650 euros par Français… Ces dernières semaines, dans les débats sur la Grèce, les idées reçues ont beaucoup circulé.
Athènes a accepté vendredi la quasi-totalité des mesures proposées par ses créanciers et promis d’honorer ses dettes. Dimanche soit se tenir un sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union, qui a pour objet, dans le meilleur des cas, de donner la première impulsion vers un accord. A cette occasion, retour sur les nombreuses idées reçues ayant émaillé les débats sur la crise de la dette grecque.
Les Grecs ne travaillent pas assez
Celle-ci, on l’a entendue, jusque dans la bouche d’un ancien président de la République : «Le problème c’est qu’on ne travaille pas assez en Grèce», a ainsi expliqué Nicolas Sarkozy au JT de 20 heures de TF1, le 8 juillet.
C’est faux, répond le site alterecoplus (affilié au magazine Alternatives économiques) : selon l’enquête trimestrielle menée par Eurostat, en 2014, les travailleurs Grecs faisaient 40,6 heures par semaine en moyenne, soit plus que tous les autres pays de l’Union européenne. A titre de comparaison, les Français étaient à 35,7 heures en moyenne, et les Allemands à 35,3 heures.
Les Grecs n’ont pas fait assez d’efforts
Que cela ait été dit franchement ou simplement sous-entendu, elle s’est très bien installée, l’idée que les Grecs n’auraient pas «fait assez d’efforts» et que donc, un petit coup d’austérité en plus ne serait que justice
Grèce: les discussions de l'Eurogroupe dans l'impasse
Défiance, menace de Grexit… Les ministres des Finances de la zone euro peinent à avancer vers un éventuel sauvetage financier de la Grèce. Suspendues dans la soirée, les discussions doivent reprendre ce dimanche à 11h.
Cet Eurogroupe devait être celui de la conciliation, il a surtout accentué les divisions. Rassemblés samedi, les ministres des Finances de la zone euro peinent à avancer vers un éventuel sauvetage financier de la Grèce. Après neuf heures de négociations, les pourparlers se sont arrêtés vers minuit et doivent reprendre ce dimanche.
"Le premier grand tour est fini. On va coucher par écrit ce qu'on veut entendre des Grecs", a déclaré à l'AFP une source européenne en fin d'après-midi. Les discussions ont été laborieuses, "bloquées sur le manque de confiance", affirmait après deux heures d'échanges une source proche des négociations.
"On parle de rebâtir la confiance", a confié une autre source, ajoutant que "le climat n'est pas facile pour les Grecs". L'Eurogroupe doit théoriquement avancer dans les discussions sur un éventuel troisième plan de sauvetage financier de la Grèce avant un sommet extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union prévu dimanche soir, qui a pour objet, dans le meilleur des cas, de donner la première impulsion vers une sortie de crise.
Faute d'accord, ce sommet pourrait faire dériver un peu plus la Grèce vers un "Grexit", la sortie du pays de la zone euro, redoutée par les dirigeants européens.
L'idée d'un "Grexit" temporaire
A leur arrivée, les faucons de l'Eurogroupe ont fondu toutes serres dehors sur la Grèce, dénonçant des propositions insuffisantes et mettant en doute la sincérité du gouvernement de Syriza à appliquer effectivement les réformes qu'il propose en échange de l'aide européenne. "Il y a un gros problème de confiance", a déclaré le patron de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. "Est-ce qu'on peut faire confiance au gouvernement grec pour qu'il fasse ce qu'ils promettent dans les prochaines semaines, (les prochains) mois ou (les prochaines) années?", s'est-il interrogé.
Le leader du camp des durs, le grand argentier allemand Wolfgang Schäuble, a prédit des négociations "extrêmement difficiles". "Nous ne pouvons pas avoir confiance dans des promesses", a-t-il insisté. Les espoirs de règlement nés à la fin de l'année dernière "ont été réduits à néant de manière incroyable ces derniers mois", a martelé le ministre conservateur allemand, en référence aux six mois de gouvernement de Syriza et autant de négociations infructueuses entre Athènes et ses créanciers.
Ce samedi, Wolfgang Schäuble aurait fait circuler un document prévoyant, selon une source européenne au fait des discussions, une sortie temporaire de la Grèce de la monnaie unique, d'une durée de cinq ans, si le pays n'améliore pas ses propositions de réformes. Le sujet n'a toutefois pas été abordé samedi à Bruxelles.
Le ministre des Finances grec attendu
En face, même les colombes de l'Eurogroupe, favorables à Athènes, attendaient le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos de pied ferme. "Il faut des réformes mises en oeuvre rapidement, c'est la clé de tout (…) pour débloquer un programme, pour traiter la question de la dette", a souligné le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici qui "garde toujours l'espoir".
Ce programme, incluant une hausse de la TVA, des coupes dans les retraites et des privatisations, avait été accueilli plutôt favorablement par les créanciers, l'Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Les pays les plus accommodants avec Athènes avaient aussi bien accueilli les propositions hellènes.
Les faucons, qui avaient eux gardé le silence ces trois derniers jours, ont descendu en flammes ce samedi les propositions. Elles "sont loin d'être suffisantes", a jugé Wolfgang Schäuble. "Les propositions auraient été bonnes dans le cadre du deuxième programme d'aide, mais j'ai peur qu'il soit insuffisant pour lancer un troisième programme", a argué le slovaque Peter Kazimir.
Pour Tsipras, le risque de décevoir ses soutiens
Selon les calculs des créanciers, si le troisième plan d'aide demandé par Athènes voit le jour, la Grèce pourrait recevoir entre 74 et 82 milliards d'euros sur trois ans, dont 16 milliards déjà prévus dans un programme du FMI devant expirer en mars 2016.
L'Eurogroupe pourrait aussi étudier une solution transitoire, "un pont" financier qui permettrait à la Grèce de rembourser le 20 juillet la BCE. Cette solution transitoire mobiliserait notamment quelque 3,3 milliards d'euros promis dans le passé à la Grèce et détenus par les banques centrales de la Zone euro.
Mais cette aide massive ne pourrait se concrétiser qu'au prix de réformes difficiles et impopulaires. Ce sont peu ou prou ces mesures qui ont été rejetées par les électeurs lors du référendum du 5 juillet. Les Grecs avaient alors rejeté, par 61% des voix, des mesures d'austérité exigées par les créanciers, très semblables au dernier plan finalement voté dans la nuit de samedi par le Parlement grec. De plus, Alexis Tsipras doit maintenant faire face au mécontentement de son aile dure, hostile aux créanciers, et prend le risque de décevoir son électorat.
La zone euro planche sur de nouvelles conditions
Les ministres des Finances de la zone euro ont rédigé une liste de nouvelles conditions posées au gouvernement grec pour commencer à négocier un nouveau plan de sauvetage.
« Nous avons parcouru un long chemin (…) il y a encore des questions majeures » à régler, a affirmé le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, à l'issue de la réunion. « C'est aux dirigeants de décider », a-t-il ajouté, dans une allusion au sommet s'ouvrant dans la foulée à Bruxelles des chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro.
« Nous avons fait des progrès même si des points de divergence doivent être comblés. C'est maintenant aux dirigeants de trouver les termes d'un accord », a résumé de son côté Pierre Moscovici, le commissaire européen chargé des Affaires économiques.
« Beaucoup de progrès ont été faits » pour la mise au point de cette feuille de route, a renchéri sur son compte Twitter le ministre finlandais des Finances, Alexander Stubb.
Parmi les engagements réclamés à Athènes figure le vote « d'ici au 15 juillet » par le parlement grec d'un premier volet des mesures promises par Athènes. Le gouvernement grec de gauche radicale devra aussi accepter de « dures conditions » en ce qui concerne « la réforme du marché du travail et du système de retraites, la fiscalité et la TVA », a-t-il ajouté.
Vers un troisième plan d'aide
Le texte préparé par les ministres inclut aussi parmi les options la proposition allemande de création hors de la Grèce d'un fonds regroupant des actifs grecs à hauteur de 50 milliards d'euros pour garantir les privatisations promises par Athènes, a précisé un diplomate européen.
L'Eurogroupe a travaillé sur « un document avec des mots entre parenthèses », qui devra être finalisé par les dirigeants, a ajouté une source proche des négociations. Ces 19 dirigeants« rempliront les blancs », a-t-elle indiqué.
Si les Grecs acceptaient au final les conditions qui leur sont posées, la zone euro donnerait son feu vert à l'ouverture de nouvelles négociations entre Athènes et ses créanciers pour un troisième plan d'aide, de plus de 74 milliards d'euros sur trois ans.
La Grèce resterait dans la zone euro
Mais « il est probable que le feu vert final ne soit donné qu'après un vote demain par le parlement grec d'une série d'actions préalables », a estimé une source européenne.
Une version antérieure de la liste préparée par les ministres incluait aussi dans la matinée « entre parenthèses » une deuxième idée allemande, celle d'une sortie provisoire, pendant cinq ans, de la Grèce de la monnaie unique, assortie d'une restructuration de la dette de ce pays, selon un autre diplomate européen.
Mais cette option ne figurait plus dans la version en cours de rédaction par les ministres en début d'après-midi, selon une source européenne.
De nouvelles réformes d'austérité
Les dirigeants de la zone euro doivent prendre le relais de leurs ministres des Finances pour décider d'entamer, ou non, de nouvelles négociations avec Athènes sur un troisième plan d'aide, condition sine qua non pour éviter à la Grèce une sortie de la zone euro.
En échange, ce pays s'est engagé à faire coupes budgétaires et réformes, mais ses partenaires lui demandent davantage d'efforts et des garanties de mise en œuvre.